5ème chambre du Conseil d’État, le 19 août 2025, n°486351

Par une décision rendue le 19 août 2025, le Conseil d’État précise les conditions d’application de la procédure d’évacuation forcée des résidences mobiles. Ce litige porte sur une mise en demeure préfectorale enjoignant à des occupants de quitter un terrain privé sous un délai de vingt-quatre heures. Un préfet a fondé sa décision sur la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage. Des personnes installées avec leurs véhicules et habitations mobiles ont contesté cette mesure administrative devant la juridiction administrative. Le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande d’annulation par un jugement du 5 novembre 2021. La cour administrative d’appel de Douai a confirmé cette solution par une ordonnance du 29 mars 2023. La requérante a formé un pourvoi en cassation afin d’obtenir l’annulation de l’ordonnance rendue par le président de chambre. Le juge doit déterminer si l’appartenance à la communauté rom fait obstacle à l’application du régime spécial défini par le législateur. Le Conseil d’État rejette le pourvoi en soulignant que la loi s’applique selon le mode de vie indépendamment de l’origine des personnes. L’étude de cette décision suppose d’analyser d’abord la définition fonctionnelle des gens du voyage avant d’examiner les conditions de mise en œuvre de l’évacuation.

**I. Une définition fonctionnelle de la catégorie des gens du voyage**

**A. Les critères cumulatifs du mode de vie et de l’habitat**

Le Conseil d’État rappelle que l’application de la loi du 5 juillet 2000 dépend de caractéristiques objectives liées à l’habitat et au comportement. Il définit les bénéficiaires comme des personnes « dont l’habitat est constitué de résidences mobiles et qui ont choisi un mode de vie itinérant ». Cette double condition permet d’identifier précisément les destinataires des obligations d’accueil incombant aux collectivités publiques ainsi que des procédures de police associées.

La Haute Juridiction se réfère au décret du 26 décembre 2019 pour caractériser la nature de l’habitat concerné par cette législation spéciale. Les résidences sont ainsi décrites comme des « véhicules terrestres habitables qui conservent des moyens de mobilité et que le code de la route n’interdit pas ». Le juge vérifie que l’installation ne traduit pas une sédentarisation, laquelle serait marquée par l’adjonction de constructions pérennes sur le terrain occupé.

**B. L’indifférence de l’origine nationale ou communautaire des occupants**

La requérante soutenait que son appartenance à la communauté rom et sa nationalité roumaine faisaient obstacle à l’application des dispositions législatives précitées. Le Conseil d’État écarte cette argumentation en affirmant que les gens du voyage entrent dans le champ de la loi « quelle que soit leur origine ». Cette approche purement juridique privilégie le mode de vie sur l’appartenance ethnique ou la provenance géographique des individus.

L’ordonnance de la cour administrative d’appel de Douai n’est donc entachée d’aucune erreur de droit sur ce point précis de la qualification. Les juges du fond ont souverainement constaté que la caravane était mobile et que l’intéressée avait effectivement choisi un mode de vie itinérant. Cette qualification permet au préfet d’exercer ses pouvoirs de police administrative pour protéger l’ordre public dont le trouble doit être caractérisé.

**II. La validation rigoureuse de la mise en œuvre de l’évacuation**

**A. La preuve d’une atteinte caractérisée à l’ordre public**

Le préfet ne peut ordonner l’évacuation forcée que si le stationnement illicite porte une atteinte réelle à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité. Le Conseil d’État valide l’appréciation des juges du fond qui se sont appuyés sur des éléments matériels précis figurant dans un rapport de police. Un branchement électrique sauvage opéré depuis une boîte située à l’entrée du campement constituait notamment un risque grave pour la sécurité publique.

Le juge administratif relève également que le site était dépourvu d’installations sanitaires, d’alimentation en eau potable et de tout dispositif de recueil des déchets. Ces circonstances matérielles suffisent à démontrer que l’occupation présentait des dangers manifestes pour la salubrité publique et justifiait une intervention préfectorale rapide. La légalité de la mise en demeure est ainsi confirmée au regard des exigences de protection de l’ordre public local.

**B. La conciliation de l’évacuation avec l’intérêt supérieur de l’enfant**

La décision traite enfin de la compatibilité de l’arrêté avec les stipulations de la convention internationale relative aux droits de l’enfant du 26 janvier 1990. La requérante invoquait la minorité de ses enfants pour contester la mesure d’évacuation prise à son encontre par l’autorité administrative compétente. Le Conseil d’État juge que cette circonstance ne suffit pas à démontrer une méconnaissance de l’intérêt supérieur de l’enfant dans ce contexte précis.

Les risques élevés pour la sécurité et la salubrité justifient que l’administration mette fin à l’occupation du terrain malgré la présence de mineurs. Le juge administratif opère un contrôle de proportionnalité entre la protection des droits fondamentaux des occupants et les nécessités impérieuses de l’ordre public. Le rejet du pourvoi confirme la prééminence de la sécurité publique lorsque les conditions d’installation présentent des dangers immédiats pour les personnes.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

Laisser un commentaire

En savoir plus sur Avocats en droit immobilier et droit des affaires - Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture