Deuxième chambre civile de la Cour de cassation, le 3 juillet 2025, n°23-11.631
La décision rendue par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 3 juillet 2025 illustre le mécanisme de filtrage des pourvois prévu par l’article 1014 du code de procédure civile. Deux particuliers avaient formé un pourvoi contre un arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 8 décembre 2022, rendu dans un litige les opposant à deux sociétés d’assurance. La Haute juridiction rejette ce pourvoi par une décision non spécialement motivée, estimant que le moyen invoqué n’était manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Cette procédure soulève la question de l’articulation entre l’exigence constitutionnelle de motivation des décisions de justice et l’impératif de célérité dans le traitement des pourvois. La Cour de cassation applique ici le premier alinéa de l’article 1014 du code de procédure civile pour écarter un pourvoi jugé dépourvu de sérieux. Il convient d’examiner les conditions d’application du rejet non spécialement motivé (I) avant d’en apprécier les implications procédurales et contentieuses (II).
I. Les conditions d’application du rejet non spécialement motivé
Le mécanisme institué par l’article 1014 du code de procédure civile repose sur une appréciation souveraine de la Cour (A), dont la mise en œuvre obéit à un formalisme allégé (B).
A. L’appréciation souveraine du caractère manifestement infondé du moyen
La décision du 3 juillet 2025 retient que « le moyen de cassation, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ». Cette formule, devenue rituelle depuis la réforme introduite par le décret du 20 août 2004, traduit l’exercice d’un pouvoir d’appréciation considérable. La Cour dispose en effet d’une marge d’évaluation étendue pour déterminer si un moyen présente un caractère sérieux suffisant pour justifier un examen approfondi.
Le critère retenu par le texte repose sur l’évidence. Le moyen doit être « manifestement » inapte à fonder une cassation. Cette exigence suppose que l’insuffisance du pourvoi apparaisse sans qu’il soit nécessaire de procéder à une analyse détaillée. La chambre a toutefois communiqué le dossier au procureur général et entendu les observations des parties lors de l’audience publique du 27 mai 2025. Le contradictoire demeure ainsi préservé, même lorsque la décision finale ne comporte pas de motivation développée.
L’absence de précision sur le contenu du moyen rejeté laisse néanmoins les demandeurs au pourvoi dans une relative incertitude quant aux raisons exactes de l’échec de leur recours. Cette situation interroge sur la conciliation entre efficacité juridictionnelle et droit à comprendre la décision rendue.
B. Un formalisme procédural délibérément simplifié
La structure même de la décision témoigne de l’allègement voulu par le législateur. Le dispositif se limite à trois chefs : le rejet du pourvoi, la condamnation aux dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile. La motivation tient en deux paragraphes, dont le second se borne à viser le fondement textuel de la procédure suivie.
Cette économie rédactionnelle répond à un objectif assumé de rationalisation du travail de la Cour de cassation. Face à l’afflux des pourvois, le mécanisme de l’article 1014 permet d’écarter rapidement les recours dépourvus de chances de succès. La formation de jugement, composée du conseiller doyen faisant fonction de président et de deux conseillers, statue après délibéré dans des conditions identiques à celles d’un arrêt classique.
La décision mentionne expressément que la Cour a délibéré « conformément à la loi ». Cette précision souligne que la procédure simplifiée ne dispense pas du respect des garanties fondamentales du procès. Le principe du contradictoire trouve notamment sa traduction dans la communication préalable du dossier au parquet général et dans la tenue d’une audience publique.
II. Les implications procédurales et contentieuses du rejet
Le rejet non spécialement motivé emporte des conséquences directes sur le plan financier (A) et suscite une réflexion sur la portée de cette technique de filtrage (B).
A. Les conséquences indemnitaires du rejet du pourvoi
La Cour condamne les demandeurs au pourvoi aux dépens et à payer à chacune des deux sociétés d’assurance défenderesses une somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Ces condamnations constituent la sanction ordinaire de la succombance devant la juridiction suprême. Leur montant demeure modéré au regard des frais réellement engagés par les parties pour leur représentation devant la Cour de cassation.
La demande formée par les demandeurs au pourvoi sur le fondement du même article 700 est quant à elle rejetée. Cette solution s’inscrit dans la logique du rejet du pourvoi : la partie qui succombe ne saurait obtenir le remboursement de ses frais irrépétibles. Le cumul de la condamnation aux dépens et du versement de sommes aux défenderesses aggrave la charge financière pesant sur les demandeurs.
Cette dimension économique du recours en cassation mérite attention. La perspective d’une condamnation au titre de l’article 700 peut exercer un effet dissuasif sur les plaideurs tentés de former des pourvois hasardeux. Le mécanisme participe ainsi, indirectement, à la régulation du flux des affaires portées devant la Haute juridiction.
B. La portée du filtrage opéré par l’article 1014 du code de procédure civile
La décision du 3 juillet 2025 s’inscrit dans une pratique désormais courante de la Cour de cassation. Les rejets non spécialement motivés représentent une proportion significative des décisions rendues chaque année. Cette évolution traduit une conception renouvelée du rôle de la juridiction suprême, davantage tournée vers sa fonction normative que vers le contrôle systématique de chaque décision d’appel.
Le système français se distingue ainsi des mécanismes de certiorari en vigueur dans d’autres ordres juridiques, notamment aux États-Unis. La Cour de cassation ne choisit pas discrétionnairement les affaires qu’elle entend examiner. Elle statue sur tous les pourvois mais dispose de la faculté d’écarter ceux dont le moyen apparaît manifestement dépourvu de portée. La nuance est importante : le droit au recours demeure garanti, seule son issue peut être abrégée.
Cette technique de filtrage soulève toutefois des interrogations doctrinales. L’absence de motivation détaillée prive les praticiens d’indications sur l’appréciation portée par la Cour. Elle ne permet pas de discerner si le rejet sanctionne une malfaçon technique du moyen ou une erreur d’analyse juridique. La fonction pédagogique traditionnellement attachée aux arrêts de la Cour de cassation s’en trouve nécessairement affectée. La décision commentée illustre cette tension entre l’efficacité du traitement contentieux et l’exigence de lisibilité de la jurisprudence.
La décision rendue par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 3 juillet 2025 illustre le mécanisme de filtrage des pourvois prévu par l’article 1014 du code de procédure civile. Deux particuliers avaient formé un pourvoi contre un arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 8 décembre 2022, rendu dans un litige les opposant à deux sociétés d’assurance. La Haute juridiction rejette ce pourvoi par une décision non spécialement motivée, estimant que le moyen invoqué n’était manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Cette procédure soulève la question de l’articulation entre l’exigence constitutionnelle de motivation des décisions de justice et l’impératif de célérité dans le traitement des pourvois. La Cour de cassation applique ici le premier alinéa de l’article 1014 du code de procédure civile pour écarter un pourvoi jugé dépourvu de sérieux. Il convient d’examiner les conditions d’application du rejet non spécialement motivé (I) avant d’en apprécier les implications procédurales et contentieuses (II).
I. Les conditions d’application du rejet non spécialement motivé
Le mécanisme institué par l’article 1014 du code de procédure civile repose sur une appréciation souveraine de la Cour (A), dont la mise en œuvre obéit à un formalisme allégé (B).
A. L’appréciation souveraine du caractère manifestement infondé du moyen
La décision du 3 juillet 2025 retient que « le moyen de cassation, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ». Cette formule, devenue rituelle depuis la réforme introduite par le décret du 20 août 2004, traduit l’exercice d’un pouvoir d’appréciation considérable. La Cour dispose en effet d’une marge d’évaluation étendue pour déterminer si un moyen présente un caractère sérieux suffisant pour justifier un examen approfondi.
Le critère retenu par le texte repose sur l’évidence. Le moyen doit être « manifestement » inapte à fonder une cassation. Cette exigence suppose que l’insuffisance du pourvoi apparaisse sans qu’il soit nécessaire de procéder à une analyse détaillée. La chambre a toutefois communiqué le dossier au procureur général et entendu les observations des parties lors de l’audience publique du 27 mai 2025. Le contradictoire demeure ainsi préservé, même lorsque la décision finale ne comporte pas de motivation développée.
L’absence de précision sur le contenu du moyen rejeté laisse néanmoins les demandeurs au pourvoi dans une relative incertitude quant aux raisons exactes de l’échec de leur recours. Cette situation interroge sur la conciliation entre efficacité juridictionnelle et droit à comprendre la décision rendue.
B. Un formalisme procédural délibérément simplifié
La structure même de la décision témoigne de l’allègement voulu par le législateur. Le dispositif se limite à trois chefs : le rejet du pourvoi, la condamnation aux dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile. La motivation tient en deux paragraphes, dont le second se borne à viser le fondement textuel de la procédure suivie.
Cette économie rédactionnelle répond à un objectif assumé de rationalisation du travail de la Cour de cassation. Face à l’afflux des pourvois, le mécanisme de l’article 1014 permet d’écarter rapidement les recours dépourvus de chances de succès. La formation de jugement, composée du conseiller doyen faisant fonction de président et de deux conseillers, statue après délibéré dans des conditions identiques à celles d’un arrêt classique.
La décision mentionne expressément que la Cour a délibéré « conformément à la loi ». Cette précision souligne que la procédure simplifiée ne dispense pas du respect des garanties fondamentales du procès. Le principe du contradictoire trouve notamment sa traduction dans la communication préalable du dossier au parquet général et dans la tenue d’une audience publique.
II. Les implications procédurales et contentieuses du rejet
Le rejet non spécialement motivé emporte des conséquences directes sur le plan financier (A) et suscite une réflexion sur la portée de cette technique de filtrage (B).
A. Les conséquences indemnitaires du rejet du pourvoi
La Cour condamne les demandeurs au pourvoi aux dépens et à payer à chacune des deux sociétés d’assurance défenderesses une somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Ces condamnations constituent la sanction ordinaire de la succombance devant la juridiction suprême. Leur montant demeure modéré au regard des frais réellement engagés par les parties pour leur représentation devant la Cour de cassation.
La demande formée par les demandeurs au pourvoi sur le fondement du même article 700 est quant à elle rejetée. Cette solution s’inscrit dans la logique du rejet du pourvoi : la partie qui succombe ne saurait obtenir le remboursement de ses frais irrépétibles. Le cumul de la condamnation aux dépens et du versement de sommes aux défenderesses aggrave la charge financière pesant sur les demandeurs.
Cette dimension économique du recours en cassation mérite attention. La perspective d’une condamnation au titre de l’article 700 peut exercer un effet dissuasif sur les plaideurs tentés de former des pourvois hasardeux. Le mécanisme participe ainsi, indirectement, à la régulation du flux des affaires portées devant la Haute juridiction.
B. La portée du filtrage opéré par l’article 1014 du code de procédure civile
La décision du 3 juillet 2025 s’inscrit dans une pratique désormais courante de la Cour de cassation. Les rejets non spécialement motivés représentent une proportion significative des décisions rendues chaque année. Cette évolution traduit une conception renouvelée du rôle de la juridiction suprême, davantage tournée vers sa fonction normative que vers le contrôle systématique de chaque décision d’appel.
Le système français se distingue ainsi des mécanismes de certiorari en vigueur dans d’autres ordres juridiques, notamment aux États-Unis. La Cour de cassation ne choisit pas discrétionnairement les affaires qu’elle entend examiner. Elle statue sur tous les pourvois mais dispose de la faculté d’écarter ceux dont le moyen apparaît manifestement dépourvu de portée. La nuance est importante : le droit au recours demeure garanti, seule son issue peut être abrégée.
Cette technique de filtrage soulève toutefois des interrogations doctrinales. L’absence de motivation détaillée prive les praticiens d’indications sur l’appréciation portée par la Cour. Elle ne permet pas de discerner si le rejet sanctionne une malfaçon technique du moyen ou une erreur d’analyse juridique. La fonction pédagogique traditionnellement attachée aux arrêts de la Cour de cassation s’en trouve nécessairement affectée. La décision commentée illustre cette tension entre l’efficacité du traitement contentieux et l’exigence de lisibilité de la jurisprudence.