Deuxième chambre civile de la Cour de cassation, le 26 juin 2025, n°23-17.961
La décision rendue par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 26 juin 2025 illustre le mécanisme du rejet non spécialement motivé prévu par l’article 1014 du code de procédure civile. Une société avait formé un pourvoi contre un arrêt de la cour d’appel d’Orléans du 2 mai 2023, rendu en matière de sécurité sociale, dans un litige l’opposant à un organisme de recouvrement.
Les faits à l’origine du litige concernaient un contentieux entre une société et l’organisme de recouvrement des cotisations sociales de la région Centre-Val de Loire. La nature exacte du différend n’apparaît pas dans la décision commentée, celle-ci se bornant à constater l’absence de caractère sérieux du moyen soulevé.
En première instance, le litige avait été porté devant les juridictions de sécurité sociale. La cour d’appel d’Orléans, statuant en formation de chambre des affaires de sécurité sociale, avait rendu un arrêt le 2 mai 2023 défavorable à la société. Celle-ci forma alors un pourvoi en cassation, développant un moyen dont la teneur précise n’est pas reproduite dans la décision.
La société demanderesse au pourvoi contestait la solution retenue par les juges du fond. L’organisme de recouvrement, défendeur à la cassation, soutenait au contraire que l’arrêt d’appel devait être confirmé.
La question posée à la Cour de cassation était de savoir si le moyen invoqué par la société présentait un caractère suffisamment sérieux pour justifier un examen approfondi et une décision spécialement motivée.
La Cour de cassation rejette le pourvoi en considérant que « le moyen de cassation, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ». Elle condamne la société aux dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le rejet non spécialement motivé constitue une technique de filtrage des pourvois (I), dont l’application en l’espèce appelle une réflexion sur ses implications contentieuses (II).
I. Le rejet non spécialement motivé comme instrument de régulation du contentieux
A. Le fondement textuel du mécanisme de filtrage
L’article 1014 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 6 mai 2017, autorise la Cour de cassation à rejeter un pourvoi par une décision non spécialement motivée lorsque le moyen invoqué n’est « manifestement pas de nature à entraîner la cassation ». Ce texte traduit la volonté du législateur de permettre à la haute juridiction de traiter plus rapidement les affaires ne soulevant aucune difficulté juridique sérieuse.
La formulation retenue par le législateur implique un examen préalable du moyen par la formation de jugement. La Cour doit en effet vérifier que celui-ci ne présente aucune chance raisonnable de succès. Cette appréciation, bien que non explicitée dans les motifs de la décision, suppose nécessairement une analyse du dossier et des arguments développés par le demandeur au pourvoi.
En l’espèce, la deuxième chambre civile applique ce mécanisme après avoir fait l’objet d’un rapport du conseiller et de conclusions du procureur général. La décision mentionne expressément que le dossier a été communiqué au ministère public, ce qui atteste du respect des garanties procédurales entourant ce type de rejet.
B. Les conditions d’application du rejet simplifié
Le recours à l’article 1014 du code de procédure civile suppose la réunion de deux conditions cumulatives. D’une part, le moyen doit être manifestement dépourvu de sérieux. D’autre part, la formation de jugement doit avoir délibéré conformément à la loi, ainsi que le rappelle la décision commentée.
L’adverbe « manifestement » revêt une importance particulière. Il signifie que l’absence de fondement du moyen doit apparaître avec évidence, sans nécessiter de développements approfondis. Le juge de cassation dispose ainsi d’un pouvoir d’appréciation pour déterminer si le grief invoqué mérite un examen circonstancié ou peut être écarté de manière sommaire.
La présente décision illustre l’application de ces conditions en matière de contentieux de la sécurité sociale. La chambre sociale et la deuxième chambre civile font un usage régulier de ce mécanisme, notamment dans les litiges opposant les cotisants aux organismes de recouvrement, domaine où les questions de fait prédominent souvent sur les questions de droit.
II. Les implications du rejet non motivé sur le droit au recours effectif
A. La tension entre efficacité judiciaire et motivation des décisions
Le rejet non spécialement motivé soulève la question de la conciliation entre l’impératif d’efficacité de la justice et le droit du justiciable à obtenir une réponse argumentée à ses prétentions. L’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme garantit le droit à un procès équitable, lequel inclut traditionnellement l’obligation de motivation des décisions juridictionnelles.
La Cour européenne des droits de l’homme admet toutefois que les juridictions suprêmes puissent rejeter un recours par une motivation succincte, voire par simple référence aux dispositions légales applicables. Elle considère que l’obligation de motivation doit s’apprécier au regard de la nature du recours et des garanties procédurales qui l’entourent.
En l’espèce, la société demanderesse ne dispose d’aucune explication sur les raisons pour lesquelles son moyen a été jugé manifestement infondé. Cette absence de motivation peut être perçue comme une atteinte au dialogue entre les parties et le juge, caractéristique de l’office juridictionnel.
B. La portée limitée de la décision de rejet simplifié
Le rejet non spécialement motivé présente la particularité de ne créer aucun précédent jurisprudentiel exploitable. À la différence des arrêts de principe, il ne contribue pas à l’élaboration de la norme juridique et ne saurait être invoqué comme référence dans des litiges ultérieurs.
Cette caractéristique explique le choix de la Cour de cassation de réserver les décisions non motivées aux affaires ne présentant pas d’intérêt pour l’unification du droit. Le pourvoi formé par la société relevait manifestement de cette catégorie, les questions soulevées ne justifiant pas un enrichissement de la jurisprudence en matière de cotisations sociales.
La condamnation de la demanderesse au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile témoigne de la volonté de la Cour de sanctionner les recours dilatoires ou manifestement infondés. Cette sanction pécuniaire participe de l’objectif de dissuasion des pourvois abusifs et contribue à la régulation du flux contentieux devant la haute juridiction.
La décision rendue par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 26 juin 2025 illustre le mécanisme du rejet non spécialement motivé prévu par l’article 1014 du code de procédure civile. Une société avait formé un pourvoi contre un arrêt de la cour d’appel d’Orléans du 2 mai 2023, rendu en matière de sécurité sociale, dans un litige l’opposant à un organisme de recouvrement.
Les faits à l’origine du litige concernaient un contentieux entre une société et l’organisme de recouvrement des cotisations sociales de la région Centre-Val de Loire. La nature exacte du différend n’apparaît pas dans la décision commentée, celle-ci se bornant à constater l’absence de caractère sérieux du moyen soulevé.
En première instance, le litige avait été porté devant les juridictions de sécurité sociale. La cour d’appel d’Orléans, statuant en formation de chambre des affaires de sécurité sociale, avait rendu un arrêt le 2 mai 2023 défavorable à la société. Celle-ci forma alors un pourvoi en cassation, développant un moyen dont la teneur précise n’est pas reproduite dans la décision.
La société demanderesse au pourvoi contestait la solution retenue par les juges du fond. L’organisme de recouvrement, défendeur à la cassation, soutenait au contraire que l’arrêt d’appel devait être confirmé.
La question posée à la Cour de cassation était de savoir si le moyen invoqué par la société présentait un caractère suffisamment sérieux pour justifier un examen approfondi et une décision spécialement motivée.
La Cour de cassation rejette le pourvoi en considérant que « le moyen de cassation, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ». Elle condamne la société aux dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le rejet non spécialement motivé constitue une technique de filtrage des pourvois (I), dont l’application en l’espèce appelle une réflexion sur ses implications contentieuses (II).
I. Le rejet non spécialement motivé comme instrument de régulation du contentieux
A. Le fondement textuel du mécanisme de filtrage
L’article 1014 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 6 mai 2017, autorise la Cour de cassation à rejeter un pourvoi par une décision non spécialement motivée lorsque le moyen invoqué n’est « manifestement pas de nature à entraîner la cassation ». Ce texte traduit la volonté du législateur de permettre à la haute juridiction de traiter plus rapidement les affaires ne soulevant aucune difficulté juridique sérieuse.
La formulation retenue par le législateur implique un examen préalable du moyen par la formation de jugement. La Cour doit en effet vérifier que celui-ci ne présente aucune chance raisonnable de succès. Cette appréciation, bien que non explicitée dans les motifs de la décision, suppose nécessairement une analyse du dossier et des arguments développés par le demandeur au pourvoi.
En l’espèce, la deuxième chambre civile applique ce mécanisme après avoir fait l’objet d’un rapport du conseiller et de conclusions du procureur général. La décision mentionne expressément que le dossier a été communiqué au ministère public, ce qui atteste du respect des garanties procédurales entourant ce type de rejet.
B. Les conditions d’application du rejet simplifié
Le recours à l’article 1014 du code de procédure civile suppose la réunion de deux conditions cumulatives. D’une part, le moyen doit être manifestement dépourvu de sérieux. D’autre part, la formation de jugement doit avoir délibéré conformément à la loi, ainsi que le rappelle la décision commentée.
L’adverbe « manifestement » revêt une importance particulière. Il signifie que l’absence de fondement du moyen doit apparaître avec évidence, sans nécessiter de développements approfondis. Le juge de cassation dispose ainsi d’un pouvoir d’appréciation pour déterminer si le grief invoqué mérite un examen circonstancié ou peut être écarté de manière sommaire.
La présente décision illustre l’application de ces conditions en matière de contentieux de la sécurité sociale. La chambre sociale et la deuxième chambre civile font un usage régulier de ce mécanisme, notamment dans les litiges opposant les cotisants aux organismes de recouvrement, domaine où les questions de fait prédominent souvent sur les questions de droit.
II. Les implications du rejet non motivé sur le droit au recours effectif
A. La tension entre efficacité judiciaire et motivation des décisions
Le rejet non spécialement motivé soulève la question de la conciliation entre l’impératif d’efficacité de la justice et le droit du justiciable à obtenir une réponse argumentée à ses prétentions. L’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme garantit le droit à un procès équitable, lequel inclut traditionnellement l’obligation de motivation des décisions juridictionnelles.
La Cour européenne des droits de l’homme admet toutefois que les juridictions suprêmes puissent rejeter un recours par une motivation succincte, voire par simple référence aux dispositions légales applicables. Elle considère que l’obligation de motivation doit s’apprécier au regard de la nature du recours et des garanties procédurales qui l’entourent.
En l’espèce, la société demanderesse ne dispose d’aucune explication sur les raisons pour lesquelles son moyen a été jugé manifestement infondé. Cette absence de motivation peut être perçue comme une atteinte au dialogue entre les parties et le juge, caractéristique de l’office juridictionnel.
B. La portée limitée de la décision de rejet simplifié
Le rejet non spécialement motivé présente la particularité de ne créer aucun précédent jurisprudentiel exploitable. À la différence des arrêts de principe, il ne contribue pas à l’élaboration de la norme juridique et ne saurait être invoqué comme référence dans des litiges ultérieurs.
Cette caractéristique explique le choix de la Cour de cassation de réserver les décisions non motivées aux affaires ne présentant pas d’intérêt pour l’unification du droit. Le pourvoi formé par la société relevait manifestement de cette catégorie, les questions soulevées ne justifiant pas un enrichissement de la jurisprudence en matière de cotisations sociales.
La condamnation de la demanderesse au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile témoigne de la volonté de la Cour de sanctionner les recours dilatoires ou manifestement infondés. Cette sanction pécuniaire participe de l’objectif de dissuasion des pourvois abusifs et contribue à la régulation du flux contentieux devant la haute juridiction.