Cour d’appel de Versailles, le 18 juin 2025, n°23/06688
La Cour d’appel de Versailles, dans un arrêt du 18 juin 2025, se prononce sur un contentieux relatif au recouvrement de charges de copropriété. Cette décision s’inscrit dans le cadre classique des litiges opposant un syndicat des copropriétaires à des copropriétaires défaillants, tout en soulevant la question des frais de recouvrement imputables à ces derniers.
Deux époux, propriétaires de lots au sein d’une résidence soumise au statut de la copropriété, ont été assignés par le syndicat des copropriétaires devant le Tribunal de proximité de Puteaux. Ce dernier réclamait le paiement de la somme de 3 656,09 euros au titre des charges impayées, outre 1 596 euros de frais de recouvrement. Par un jugement du 12 juin 2023, le tribunal a débouté le syndicat de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné à rembourser aux copropriétaires les frais de recouvrement indûment facturés, ainsi qu’à leur verser des dommages-intérêts et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le syndicat des copropriétaires a interjeté appel de cette décision, actualisant sa demande à la somme de 5 452,52 euros. Les intimés ont sollicité la confirmation du jugement et leur dispense de participation aux frais de procédure.
La question posée à la Cour d’appel de Versailles était double. Il s’agissait de déterminer si les copropriétaires étaient redevables d’arriérés de charges et, dans l’affirmative, pour quel montant. Il convenait également de trancher la question de l’imputation des frais de recouvrement au copropriétaire débiteur sur le fondement de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965.
La Cour d’appel de Versailles infirme partiellement le jugement. Elle condamne solidairement les époux au paiement de la somme de 2 743,03 euros au titre des arriérés de charges. Elle rejette en revanche intégralement la demande relative aux frais de recouvrement, confirmant le jugement sur ce point. Les époux sont condamnés aux dépens des deux instances.
L’examen de cette décision révèle une application rigoureuse des règles probatoires en matière de charges de copropriété (I), doublée d’une interprétation stricte des conditions d’imputation des frais de recouvrement au copropriétaire défaillant (II).
I. L’établissement de la créance de charges par une analyse comptable méthodique
La Cour procède à une vérification minutieuse des pièces justificatives produites (A), avant de reconstituer le solde effectivement dû par les copropriétaires (B).
A. L’exigence probatoire pesant sur le syndicat des copropriétaires
La Cour rappelle le cadre juridique applicable en visant les articles 10, 14-1 et 14-2 de la loi du 10 juillet 1965, combinés aux articles 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile. Elle énonce qu’« il incombe au syndicat des copropriétaires de prouver que le copropriétaire est redevable de la somme réclamée dans sa totalité ». Réciproquement, « le copropriétaire qui se prétend libéré de cette obligation, doit justifier du paiement ou du fait qui a produit l’extinction de cette obligation ».
Cette répartition de la charge de la preuve constitue le socle de l’analyse contentieuse. Le syndicat doit produire l’ensemble des documents comptables permettant d’établir sa créance. En l’espèce, il verse aux débats les relevés de propriété, les extraits du compte de copropriétaire, les procès-verbaux des assemblées générales accompagnés de leurs attestations de non-recours, ainsi que les appels de fonds.
La Cour relève une discordance entre les prétentions du syndicat et les pièces effectivement produites. Les appels de fonds communiqués couvrent la période du 19 février 2020 au 1er juillet 2022, et non « du 4ème trimestre 2020 au 2ème trimestre 2023 » comme indiqué dans la liste récapitulative des pièces. Cette observation révèle l’attention portée par la juridiction à la concordance entre les demandes formulées et les justificatifs produits.
B. La reconstitution du solde débiteur par un calcul contradictoire
L’analyse comptable opérée par la Cour aboutit à un résultat sensiblement différent des prétentions du syndicat. Pour la période antérieure au 1er janvier 2022, le total des charges et travaux imputés s’élève à 10 898,75 euros, tandis que les versements et crédits atteignent 5 850,58 euros. Le solde restant dû s’établit ainsi à 5 048,17 euros, après déduction des frais de mise en demeure injustifiés de 45,60 euros.
Pour la période postérieure, la Cour constate que « le total des charges et travaux imputés (colonne débit) est de : 2 836,02 euros » et que « le total des crédits et règlements est de : 4 734,10 euros ». Il en résulte un solde créditeur des époux de 2 305,14 euros.
Par compensation, la créance du syndicat s’établit à 2 743,03 euros (5 048,17 – 2 305,14), soit une somme très inférieure aux 5 452,52 euros réclamés. Cette méthode de calcul illustre le contrôle rigoureux exercé par la juridiction sur les comptes de copropriété.
La solution retenue s’inscrit dans une jurisprudence constante exigeant du syndicat qu’il justifie précisément le montant de sa créance. Le copropriétaire n’est tenu de payer que les sommes dont l’exigibilité est démontrée par des pièces probantes.
II. Le rejet des frais de recouvrement non justifiés
La Cour adopte une interprétation restrictive des conditions d’application de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 (A), ce qui emporte des conséquences sur la répartition des dépens et sur l’appréciation du comportement des parties (B).
A. L’interprétation stricte de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965
L’article 10-1 a) de la loi du 10 juillet 1965 permet d’imputer au seul copropriétaire concerné « les frais nécessaires exposés par le syndicat, notamment les frais de mise en demeure, de relance et de prise d’hypothèque à compter de la mise en demeure, pour le recouvrement d’une créance justifiée ».
La Cour procède à l’examen de chaque poste de frais réclamé par le syndicat. S’agissant des mises en demeure, elle relève que « la facturation prévue au contrat de syndic n’est pas opposable au copropriétaire qui n’est pas partie au contrat ». Les deux mises en demeure facturées 45,60 euros chacune sont écartées « sans aucun justificatif ».
Les « frais de contentieux » de 480 euros et 168 euros subissent le même sort, tout comme les six factures d’honoraires, de suivi contentieux et d’honoraires d’avocat. La Cour juge que ces dernières « ne relèvent pas des dispositions légales précitées ».
Cette analyse traduit une double exigence. D’une part, les frais doivent être justifiés par des pièces probantes. D’autre part, ils doivent entrer dans le champ limitatif de l’article 10-1. Les honoraires de syndic et d’avocat liés au contentieux ne peuvent être imputés au copropriétaire sur ce fondement. La demande de 3 271,20 euros au titre des frais de recouvrement est ainsi intégralement rejetée.
Cette interprétation stricte protège le copropriétaire contre une inflation des frais accessoires à la dette principale. Elle rappelle que le caractère dérogatoire de l’article 10-1 impose une lecture limitative de son champ d’application.
B. Les conséquences sur la répartition des charges du procès
La Cour confirme la condamnation du syndicat au paiement de 400 euros de dommages-intérêts, retenant que « le syndicat des copropriétaires a facturé, de nouveau indûment, une somme très importante de 3 271,20 euros au titre de frais de recouvrement ». Le premier juge avait relevé que cette facturation indue avait causé aux époux « des difficultés de trésorerie, source de préjudice moral et financier ».
La Cour rappelle également que « les sommes non retenues au titre de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 (frais de recouvrement) doivent être recreditées sur le compte » des copropriétaires. Cette précision opérationnelle garantit l’effectivité de la décision.
S’agissant des dépens, la Cour les met à la charge des époux en leur qualité de partie perdante sur le principal. Elle rejette toutefois la demande d’application de l’article 699 du code de procédure civile pour la première instance, la représentation n’étant pas obligatoire devant le tribunal de proximité lorsque la demande est inférieure à 10 000 euros.
Cette décision présente un intérêt pratique considérable pour les praticiens du droit de la copropriété. Elle rappelle aux syndics la nécessité de justifier précisément chaque poste de frais qu’ils entendent imputer au copropriétaire défaillant. La seule mention dans un relevé de compte ne suffit pas. Les frais de contentieux internes au syndic et les honoraires d’avocat engagés avant toute procédure judiciaire ne relèvent pas de l’article 10-1. Seuls les frais limitativement énumérés par ce texte, dûment justifiés, peuvent être mis à la charge du copropriétaire débiteur.
La Cour d’appel de Versailles, dans un arrêt du 18 juin 2025, se prononce sur un contentieux relatif au recouvrement de charges de copropriété. Cette décision s’inscrit dans le cadre classique des litiges opposant un syndicat des copropriétaires à des copropriétaires défaillants, tout en soulevant la question des frais de recouvrement imputables à ces derniers.
Deux époux, propriétaires de lots au sein d’une résidence soumise au statut de la copropriété, ont été assignés par le syndicat des copropriétaires devant le Tribunal de proximité de Puteaux. Ce dernier réclamait le paiement de la somme de 3 656,09 euros au titre des charges impayées, outre 1 596 euros de frais de recouvrement. Par un jugement du 12 juin 2023, le tribunal a débouté le syndicat de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné à rembourser aux copropriétaires les frais de recouvrement indûment facturés, ainsi qu’à leur verser des dommages-intérêts et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le syndicat des copropriétaires a interjeté appel de cette décision, actualisant sa demande à la somme de 5 452,52 euros. Les intimés ont sollicité la confirmation du jugement et leur dispense de participation aux frais de procédure.
La question posée à la Cour d’appel de Versailles était double. Il s’agissait de déterminer si les copropriétaires étaient redevables d’arriérés de charges et, dans l’affirmative, pour quel montant. Il convenait également de trancher la question de l’imputation des frais de recouvrement au copropriétaire débiteur sur le fondement de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965.
La Cour d’appel de Versailles infirme partiellement le jugement. Elle condamne solidairement les époux au paiement de la somme de 2 743,03 euros au titre des arriérés de charges. Elle rejette en revanche intégralement la demande relative aux frais de recouvrement, confirmant le jugement sur ce point. Les époux sont condamnés aux dépens des deux instances.
L’examen de cette décision révèle une application rigoureuse des règles probatoires en matière de charges de copropriété (I), doublée d’une interprétation stricte des conditions d’imputation des frais de recouvrement au copropriétaire défaillant (II).
I. L’établissement de la créance de charges par une analyse comptable méthodique
La Cour procède à une vérification minutieuse des pièces justificatives produites (A), avant de reconstituer le solde effectivement dû par les copropriétaires (B).
A. L’exigence probatoire pesant sur le syndicat des copropriétaires
La Cour rappelle le cadre juridique applicable en visant les articles 10, 14-1 et 14-2 de la loi du 10 juillet 1965, combinés aux articles 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile. Elle énonce qu’« il incombe au syndicat des copropriétaires de prouver que le copropriétaire est redevable de la somme réclamée dans sa totalité ». Réciproquement, « le copropriétaire qui se prétend libéré de cette obligation, doit justifier du paiement ou du fait qui a produit l’extinction de cette obligation ».
Cette répartition de la charge de la preuve constitue le socle de l’analyse contentieuse. Le syndicat doit produire l’ensemble des documents comptables permettant d’établir sa créance. En l’espèce, il verse aux débats les relevés de propriété, les extraits du compte de copropriétaire, les procès-verbaux des assemblées générales accompagnés de leurs attestations de non-recours, ainsi que les appels de fonds.
La Cour relève une discordance entre les prétentions du syndicat et les pièces effectivement produites. Les appels de fonds communiqués couvrent la période du 19 février 2020 au 1er juillet 2022, et non « du 4ème trimestre 2020 au 2ème trimestre 2023 » comme indiqué dans la liste récapitulative des pièces. Cette observation révèle l’attention portée par la juridiction à la concordance entre les demandes formulées et les justificatifs produits.
B. La reconstitution du solde débiteur par un calcul contradictoire
L’analyse comptable opérée par la Cour aboutit à un résultat sensiblement différent des prétentions du syndicat. Pour la période antérieure au 1er janvier 2022, le total des charges et travaux imputés s’élève à 10 898,75 euros, tandis que les versements et crédits atteignent 5 850,58 euros. Le solde restant dû s’établit ainsi à 5 048,17 euros, après déduction des frais de mise en demeure injustifiés de 45,60 euros.
Pour la période postérieure, la Cour constate que « le total des charges et travaux imputés (colonne débit) est de : 2 836,02 euros » et que « le total des crédits et règlements est de : 4 734,10 euros ». Il en résulte un solde créditeur des époux de 2 305,14 euros.
Par compensation, la créance du syndicat s’établit à 2 743,03 euros (5 048,17 – 2 305,14), soit une somme très inférieure aux 5 452,52 euros réclamés. Cette méthode de calcul illustre le contrôle rigoureux exercé par la juridiction sur les comptes de copropriété.
La solution retenue s’inscrit dans une jurisprudence constante exigeant du syndicat qu’il justifie précisément le montant de sa créance. Le copropriétaire n’est tenu de payer que les sommes dont l’exigibilité est démontrée par des pièces probantes.
II. Le rejet des frais de recouvrement non justifiés
La Cour adopte une interprétation restrictive des conditions d’application de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 (A), ce qui emporte des conséquences sur la répartition des dépens et sur l’appréciation du comportement des parties (B).
A. L’interprétation stricte de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965
L’article 10-1 a) de la loi du 10 juillet 1965 permet d’imputer au seul copropriétaire concerné « les frais nécessaires exposés par le syndicat, notamment les frais de mise en demeure, de relance et de prise d’hypothèque à compter de la mise en demeure, pour le recouvrement d’une créance justifiée ».
La Cour procède à l’examen de chaque poste de frais réclamé par le syndicat. S’agissant des mises en demeure, elle relève que « la facturation prévue au contrat de syndic n’est pas opposable au copropriétaire qui n’est pas partie au contrat ». Les deux mises en demeure facturées 45,60 euros chacune sont écartées « sans aucun justificatif ».
Les « frais de contentieux » de 480 euros et 168 euros subissent le même sort, tout comme les six factures d’honoraires, de suivi contentieux et d’honoraires d’avocat. La Cour juge que ces dernières « ne relèvent pas des dispositions légales précitées ».
Cette analyse traduit une double exigence. D’une part, les frais doivent être justifiés par des pièces probantes. D’autre part, ils doivent entrer dans le champ limitatif de l’article 10-1. Les honoraires de syndic et d’avocat liés au contentieux ne peuvent être imputés au copropriétaire sur ce fondement. La demande de 3 271,20 euros au titre des frais de recouvrement est ainsi intégralement rejetée.
Cette interprétation stricte protège le copropriétaire contre une inflation des frais accessoires à la dette principale. Elle rappelle que le caractère dérogatoire de l’article 10-1 impose une lecture limitative de son champ d’application.
B. Les conséquences sur la répartition des charges du procès
La Cour confirme la condamnation du syndicat au paiement de 400 euros de dommages-intérêts, retenant que « le syndicat des copropriétaires a facturé, de nouveau indûment, une somme très importante de 3 271,20 euros au titre de frais de recouvrement ». Le premier juge avait relevé que cette facturation indue avait causé aux époux « des difficultés de trésorerie, source de préjudice moral et financier ».
La Cour rappelle également que « les sommes non retenues au titre de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 (frais de recouvrement) doivent être recreditées sur le compte » des copropriétaires. Cette précision opérationnelle garantit l’effectivité de la décision.
S’agissant des dépens, la Cour les met à la charge des époux en leur qualité de partie perdante sur le principal. Elle rejette toutefois la demande d’application de l’article 699 du code de procédure civile pour la première instance, la représentation n’étant pas obligatoire devant le tribunal de proximité lorsque la demande est inférieure à 10 000 euros.
Cette décision présente un intérêt pratique considérable pour les praticiens du droit de la copropriété. Elle rappelle aux syndics la nécessité de justifier précisément chaque poste de frais qu’ils entendent imputer au copropriétaire défaillant. La seule mention dans un relevé de compte ne suffit pas. Les frais de contentieux internes au syndic et les honoraires d’avocat engagés avant toute procédure judiciaire ne relèvent pas de l’article 10-1. Seuls les frais limitativement énumérés par ce texte, dûment justifiés, peuvent être mis à la charge du copropriétaire débiteur.