Cour d’appel de Riom, le 9 septembre 2025, n°23/01381
La clause résolutoire du bail d’habitation constitue un mécanisme de sanction automatique en cas de manquement du locataire à ses obligations, notamment celle de payer le loyer. Le législateur a toutefois prévu des correctifs permettant au juge de suspendre les effets de cette clause et d’accorder des délais de paiement au locataire de bonne foi. La cour d’appel de Riom, par un arrêt du 9 septembre 2025, apporte un éclairage sur les conditions de mise en oeuvre de cette faculté de suspension.
En l’espèce, un office public de l’habitat a consenti à une locataire, par contrat du 3 mars 2022, un bail portant sur un appartement moyennant un loyer mensuel de 526,26 euros charges comprises. Face aux impayés de loyers, le bailleur a fait délivrer le 7 septembre 2022 un commandement de payer visant la clause résolutoire pour une somme de 1 169,31 euros. La locataire n’ayant pas apuré sa dette dans le délai de deux mois, le bailleur l’a assignée devant le juge des contentieux de la protection.
Par jugement du 9 août 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Montluçon a constaté la résiliation du bail à compter du 8 novembre 2022, ordonné l’expulsion de la locataire, condamné celle-ci au paiement de 3 069,54 euros au titre des loyers et indemnités d’occupation impayés, rejeté sa demande de délai de paiement et l’a condamnée aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 300 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. La locataire a interjeté appel.
La locataire sollicitait la réformation du jugement, la suspension de la clause résolutoire et l’octroi de délais de paiement de 36 mois. Elle faisait valoir qu’elle vivait seule avec sa fille à charge, ne percevait que 440,51 euros mensuels et avait repris les versements de 50 euros par mois au titre du plan d’apurement. Le bailleur demandait la confirmation du jugement, à l’exception du rejet de sa demande de dommages-intérêts.
La question posée à la cour était de savoir si la locataire pouvait bénéficier de la suspension des effets de la clause résolutoire et de délais de paiement, dès lors qu’elle justifiait de difficultés financières et d’une reprise partielle des versements.
La cour d’appel de Riom confirme le jugement en toutes ses dispositions. Elle relève que la locataire n’avait pas respecté le plan d’apurement précédemment accordé, qu’elle n’avait réglé ni le loyer d’août 2023 ni la somme supplémentaire correspondant à la reprise du plan, et que la dette s’était aggravée pour atteindre 7 272,78 euros en janvier 2024. Elle constate l’absence de justificatif concernant le rétablissement d’une allocation logement.
La solution rendue par la cour d’appel de Riom invite à examiner les conditions du refus de suspension de la clause résolutoire fondé sur l’aggravation de la dette locative (I), avant d’analyser les conséquences de ce refus sur la situation du locataire défaillant (II).
I – Le refus de suspension de la clause résolutoire fondé sur l’aggravation de la dette
L’appréciation souveraine des juges du fond sur la capacité de remboursement du locataire (A) conduit au rejet de la demande de délais de paiement en l’absence de perspective de rétablissement financier (B).
A – L’appréciation souveraine de la capacité de remboursement du locataire
L’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 confère au juge la faculté de suspendre les effets de la clause résolutoire et d’accorder des délais de paiement au locataire. Cette faculté n’est cependant pas discrétionnaire. Elle suppose que le locataire soit en mesure de reprendre le paiement du loyer courant et d’apurer progressivement sa dette.
La cour d’appel de Riom procède à une analyse circonstanciée de la situation financière de la locataire. Celle-ci déclarait percevoir uniquement 440,51 euros mensuels au titre du RSA et de l’allocation de soutien familial, après une retenue de 89,50 euros. Elle affirmait avoir repris les versements de 50 euros par mois au titre du plan d’apurement.
La cour relève toutefois que le bailleur établit, « sans être contredit à ce sujet » par la locataire, que cette dernière n’avait « en réalité réglé ni le loyer d’août 2023 ni la somme supplémentaire de 50,00 euros pouvant correspondre à la reprise spontanée de ce précédent plan d’apurement ». Cette constatation factuelle démontre l’écart entre les déclarations de la locataire et sa situation réelle.
L’appréciation des juges du fond porte également sur l’évolution de la dette. La cour note que celle-ci « ne fais[ait] qu’augmenter sans aucun versement au titre de l’encours ou de l’arriéré ». Cette progression de l’endettement entre la première instance et l’appel constitue un élément déterminant de l’analyse judiciaire.
B – Le rejet des délais en l’absence de perspective de rétablissement financier
La cour d’appel de Riom refuse d’accorder les délais de paiement sollicités au motif qu’aucune « perspective de rétablissement financier ne p[ouvait] le cas échéant y remédier ». Cette formulation révèle l’exigence jurisprudentielle d’une capacité réelle et effective du locataire à honorer un échéancier.
La locataire invoquait une attente de régularisation de sa situation auprès de la Caisse d’allocations familiales concernant le versement d’une allocation logement. La cour écarte cet argument en relevant qu’elle « ne communique aucun justificatif sur ses allégations d’établissement ou de rétablissement à son profit d’une allocation logement ». L’absence de preuve d’une amélioration prochaine de la situation financière prive la demande de délais de tout fondement.
La disproportion entre les ressources déclarées et le montant du loyer mensuel de 526,26 euros apparaît manifeste. Les revenus mensuels de 440,51 euros ne permettaient manifestement pas d’assumer simultanément le loyer courant et le remboursement de l’arriéré. Dans ces conditions, l’octroi de délais de paiement aurait eu pour seul effet de différer une expulsion devenue inéluctable tout en aggravant encore la dette.
La solution retenue s’inscrit dans la jurisprudence constante qui subordonne l’octroi de délais de paiement à la démonstration d’une capacité effective de remboursement. Les juges ne sauraient accorder des délais qui ne feraient que retarder l’échéance sans réelle chance d’apurement.
II – Les conséquences du refus de suspension sur la situation du locataire
La confirmation de la résiliation du bail emporte des effets automatiques sur l’occupation des lieux (A), tandis que la cour procède à un encadrement des condamnations accessoires (B).
A – La confirmation de la résiliation et de ses effets automatiques
Le commandement de payer du 7 septembre 2022 n’ayant pas été suivi d’un apurement de la dette dans le délai de deux mois, la clause résolutoire a produit ses effets de plein droit à compter du 8 novembre 2022. La cour d’appel de Riom confirme ce constat de résiliation, dont le caractère automatique découle de la rédaction de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989.
La cour relève que la « régularité formelle de ce commandement de payer du 7 septembre 2022 ne fait l’objet d’aucune critique de la part de » la locataire. Elle note également que cet acte a été « régulièrement dénoncé au Préfet de l’Allier par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 17 novembre 2022 et à la Commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX) de l’Allier par courrier du 9 septembre 2022 ».
La confirmation de l’expulsion découle naturellement du refus de suspendre les effets de la clause résolutoire. La locataire, devenue occupante sans droit ni titre depuis le 8 novembre 2022, demeure redevable d’une indemnité d’occupation égale au montant du loyer et des charges qui auraient été dus si le bail s’était poursuivi.
L’arrêt illustre la rigueur du mécanisme de la clause résolutoire, qui ne laisse au juge qu’une marge d’appréciation limitée lorsque les conditions de la suspension ne sont pas réunies. La protection du locataire trouve ses limites dans l’exigence de bonne foi et de capacité de remboursement.
B – L’encadrement des condamnations accessoires
La cour d’appel de Riom confirme le rejet de la demande de dommages-intérêts formée par le bailleur sur le fondement de l’article 1153 alinéa 4 du code civil. Elle retient qu’il n’y a « pas lieu de considérer au terme des débats que » la locataire « ait voulu recourir à un arbitrage judiciaire en étant animée d’une intention de mauvaise foi en ce qui concerne sa demande de suspension des effets de la clause résolutoire ».
Cette motivation distingue le locataire impécunieux du locataire de mauvaise foi. L’exercice d’une voie de recours, même voué à l’échec, ne caractérise pas en lui-même un abus de droit ou une résistance abusive. La locataire pouvait légitimement tenter d’obtenir la suspension de la clause résolutoire, même si sa situation financière rendait cette demande peu réaliste.
La cour rejette par ailleurs la demande de la locataire tendant à être dispensée du paiement des intérêts de retard. Elle rappelle que « les intérêts moratoires [sont] de droit ». Cette solution s’impose dès lors que les intérêts légaux constituent la réparation forfaitaire du préjudice subi par le créancier du fait du retard de paiement.
En matière de frais irrépétibles, la cour condamne la locataire à verser 1 000 euros au bailleur sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, estimant qu’il serait « inéquitable de laisser à la charge de » celui-ci « les frais irrépétibles qu’il a été contraint d’engager à l’occasion de cette procédure d’appel ». Cette condamnation, inférieure aux 1 800 euros sollicités, traduit une modération tenant compte de la situation de précarité de la locataire, bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale.
La clause résolutoire du bail d’habitation constitue un mécanisme de sanction automatique en cas de manquement du locataire à ses obligations, notamment celle de payer le loyer. Le législateur a toutefois prévu des correctifs permettant au juge de suspendre les effets de cette clause et d’accorder des délais de paiement au locataire de bonne foi. La cour d’appel de Riom, par un arrêt du 9 septembre 2025, apporte un éclairage sur les conditions de mise en oeuvre de cette faculté de suspension.
En l’espèce, un office public de l’habitat a consenti à une locataire, par contrat du 3 mars 2022, un bail portant sur un appartement moyennant un loyer mensuel de 526,26 euros charges comprises. Face aux impayés de loyers, le bailleur a fait délivrer le 7 septembre 2022 un commandement de payer visant la clause résolutoire pour une somme de 1 169,31 euros. La locataire n’ayant pas apuré sa dette dans le délai de deux mois, le bailleur l’a assignée devant le juge des contentieux de la protection.
Par jugement du 9 août 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Montluçon a constaté la résiliation du bail à compter du 8 novembre 2022, ordonné l’expulsion de la locataire, condamné celle-ci au paiement de 3 069,54 euros au titre des loyers et indemnités d’occupation impayés, rejeté sa demande de délai de paiement et l’a condamnée aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 300 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. La locataire a interjeté appel.
La locataire sollicitait la réformation du jugement, la suspension de la clause résolutoire et l’octroi de délais de paiement de 36 mois. Elle faisait valoir qu’elle vivait seule avec sa fille à charge, ne percevait que 440,51 euros mensuels et avait repris les versements de 50 euros par mois au titre du plan d’apurement. Le bailleur demandait la confirmation du jugement, à l’exception du rejet de sa demande de dommages-intérêts.
La question posée à la cour était de savoir si la locataire pouvait bénéficier de la suspension des effets de la clause résolutoire et de délais de paiement, dès lors qu’elle justifiait de difficultés financières et d’une reprise partielle des versements.
La cour d’appel de Riom confirme le jugement en toutes ses dispositions. Elle relève que la locataire n’avait pas respecté le plan d’apurement précédemment accordé, qu’elle n’avait réglé ni le loyer d’août 2023 ni la somme supplémentaire correspondant à la reprise du plan, et que la dette s’était aggravée pour atteindre 7 272,78 euros en janvier 2024. Elle constate l’absence de justificatif concernant le rétablissement d’une allocation logement.
La solution rendue par la cour d’appel de Riom invite à examiner les conditions du refus de suspension de la clause résolutoire fondé sur l’aggravation de la dette locative (I), avant d’analyser les conséquences de ce refus sur la situation du locataire défaillant (II).
I – Le refus de suspension de la clause résolutoire fondé sur l’aggravation de la dette
L’appréciation souveraine des juges du fond sur la capacité de remboursement du locataire (A) conduit au rejet de la demande de délais de paiement en l’absence de perspective de rétablissement financier (B).
A – L’appréciation souveraine de la capacité de remboursement du locataire
L’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 confère au juge la faculté de suspendre les effets de la clause résolutoire et d’accorder des délais de paiement au locataire. Cette faculté n’est cependant pas discrétionnaire. Elle suppose que le locataire soit en mesure de reprendre le paiement du loyer courant et d’apurer progressivement sa dette.
La cour d’appel de Riom procède à une analyse circonstanciée de la situation financière de la locataire. Celle-ci déclarait percevoir uniquement 440,51 euros mensuels au titre du RSA et de l’allocation de soutien familial, après une retenue de 89,50 euros. Elle affirmait avoir repris les versements de 50 euros par mois au titre du plan d’apurement.
La cour relève toutefois que le bailleur établit, « sans être contredit à ce sujet » par la locataire, que cette dernière n’avait « en réalité réglé ni le loyer d’août 2023 ni la somme supplémentaire de 50,00 euros pouvant correspondre à la reprise spontanée de ce précédent plan d’apurement ». Cette constatation factuelle démontre l’écart entre les déclarations de la locataire et sa situation réelle.
L’appréciation des juges du fond porte également sur l’évolution de la dette. La cour note que celle-ci « ne fais[ait] qu’augmenter sans aucun versement au titre de l’encours ou de l’arriéré ». Cette progression de l’endettement entre la première instance et l’appel constitue un élément déterminant de l’analyse judiciaire.
B – Le rejet des délais en l’absence de perspective de rétablissement financier
La cour d’appel de Riom refuse d’accorder les délais de paiement sollicités au motif qu’aucune « perspective de rétablissement financier ne p[ouvait] le cas échéant y remédier ». Cette formulation révèle l’exigence jurisprudentielle d’une capacité réelle et effective du locataire à honorer un échéancier.
La locataire invoquait une attente de régularisation de sa situation auprès de la Caisse d’allocations familiales concernant le versement d’une allocation logement. La cour écarte cet argument en relevant qu’elle « ne communique aucun justificatif sur ses allégations d’établissement ou de rétablissement à son profit d’une allocation logement ». L’absence de preuve d’une amélioration prochaine de la situation financière prive la demande de délais de tout fondement.
La disproportion entre les ressources déclarées et le montant du loyer mensuel de 526,26 euros apparaît manifeste. Les revenus mensuels de 440,51 euros ne permettaient manifestement pas d’assumer simultanément le loyer courant et le remboursement de l’arriéré. Dans ces conditions, l’octroi de délais de paiement aurait eu pour seul effet de différer une expulsion devenue inéluctable tout en aggravant encore la dette.
La solution retenue s’inscrit dans la jurisprudence constante qui subordonne l’octroi de délais de paiement à la démonstration d’une capacité effective de remboursement. Les juges ne sauraient accorder des délais qui ne feraient que retarder l’échéance sans réelle chance d’apurement.
II – Les conséquences du refus de suspension sur la situation du locataire
La confirmation de la résiliation du bail emporte des effets automatiques sur l’occupation des lieux (A), tandis que la cour procède à un encadrement des condamnations accessoires (B).
A – La confirmation de la résiliation et de ses effets automatiques
Le commandement de payer du 7 septembre 2022 n’ayant pas été suivi d’un apurement de la dette dans le délai de deux mois, la clause résolutoire a produit ses effets de plein droit à compter du 8 novembre 2022. La cour d’appel de Riom confirme ce constat de résiliation, dont le caractère automatique découle de la rédaction de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989.
La cour relève que la « régularité formelle de ce commandement de payer du 7 septembre 2022 ne fait l’objet d’aucune critique de la part de » la locataire. Elle note également que cet acte a été « régulièrement dénoncé au Préfet de l’Allier par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 17 novembre 2022 et à la Commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX) de l’Allier par courrier du 9 septembre 2022 ».
La confirmation de l’expulsion découle naturellement du refus de suspendre les effets de la clause résolutoire. La locataire, devenue occupante sans droit ni titre depuis le 8 novembre 2022, demeure redevable d’une indemnité d’occupation égale au montant du loyer et des charges qui auraient été dus si le bail s’était poursuivi.
L’arrêt illustre la rigueur du mécanisme de la clause résolutoire, qui ne laisse au juge qu’une marge d’appréciation limitée lorsque les conditions de la suspension ne sont pas réunies. La protection du locataire trouve ses limites dans l’exigence de bonne foi et de capacité de remboursement.
B – L’encadrement des condamnations accessoires
La cour d’appel de Riom confirme le rejet de la demande de dommages-intérêts formée par le bailleur sur le fondement de l’article 1153 alinéa 4 du code civil. Elle retient qu’il n’y a « pas lieu de considérer au terme des débats que » la locataire « ait voulu recourir à un arbitrage judiciaire en étant animée d’une intention de mauvaise foi en ce qui concerne sa demande de suspension des effets de la clause résolutoire ».
Cette motivation distingue le locataire impécunieux du locataire de mauvaise foi. L’exercice d’une voie de recours, même voué à l’échec, ne caractérise pas en lui-même un abus de droit ou une résistance abusive. La locataire pouvait légitimement tenter d’obtenir la suspension de la clause résolutoire, même si sa situation financière rendait cette demande peu réaliste.
La cour rejette par ailleurs la demande de la locataire tendant à être dispensée du paiement des intérêts de retard. Elle rappelle que « les intérêts moratoires [sont] de droit ». Cette solution s’impose dès lors que les intérêts légaux constituent la réparation forfaitaire du préjudice subi par le créancier du fait du retard de paiement.
En matière de frais irrépétibles, la cour condamne la locataire à verser 1 000 euros au bailleur sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, estimant qu’il serait « inéquitable de laisser à la charge de » celui-ci « les frais irrépétibles qu’il a été contraint d’engager à l’occasion de cette procédure d’appel ». Cette condamnation, inférieure aux 1 800 euros sollicités, traduit une modération tenant compte de la situation de précarité de la locataire, bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale.