Cour d’appel de Reims, le 1 juillet 2025, n°24/00586
La vente d’un véhicule d’occasion donne fréquemment lieu à un contentieux fondé sur la garantie des vices cachés, le vendeur et l’acheteur s’opposant sur le caractère apparent ou non des défauts affectant le bien. La cour d’appel de Reims, par un arrêt du 1er juillet 2025, apporte une illustration éclairante de la distinction fondamentale entre vice caché et vice apparent.
Un particulier a vendu à un autre particulier, le 4 juillet 2020, un véhicule automobile de marque Volkswagen modèle Scirocco, mis en circulation le 17 juin 2009 et affichant 170 499 kilomètres au compteur. Un contrôle technique avait été réalisé deux jours avant la vente. L’acheteur, invoquant un défaut du train arrière, a fait réaliser une expertise amiable le 20 octobre 2020, alors que le véhicule affichait 179 322 kilomètres. Il a ensuite assigné le vendeur en résolution de la vente et indemnisation de ses préjudices. Le vendeur a appelé en garantie la société de contrôle technique.
Le tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne, par jugement du 31 janvier 2024, a prononcé la résolution de la vente, condamné le vendeur à rembourser le prix de vente et condamné la société de contrôle technique à garantir le vendeur. L’acheteur a interjeté appel pour obtenir l’indemnisation de préjudices complémentaires. Le vendeur a formé appel incident pour contester la résolution de la vente.
La question posée à la cour était de déterminer si l’état de corrosion du châssis arrière du véhicule constituait un vice caché au sens de l’article 1641 du code civil ou un vice apparent dont l’acheteur avait pu se convaincre lui-même, ce qui exclurait toute garantie.
La cour d’appel de Reims infirme le jugement en toutes ses dispositions et déboute l’acheteur de l’ensemble de ses prétentions. Elle retient que le procès-verbal de contrôle technique, remis à l’acheteur avant la vente, « mentionne expressément un état de corrosion sur le châssis arrière du véhicule ». L’acheteur « a été informé, avant la vente, du vice de corrosion affectant le châssis arrière du véhicule en circulation depuis 11 ans et qui avait parcouru plus de 170 000 km ». Le vice étant apparent, l’action en garantie ne peut prospérer.
Cette décision invite à examiner d’abord les conditions d’application de la garantie des vices cachés au regard du caractère apparent du défaut (I), avant d’analyser les conséquences de la qualification retenue sur l’économie du litige (II).
I. La qualification de vice apparent excluant la garantie légale
La cour procède à une application rigoureuse du critère du vice apparent (A), en s’appuyant sur la portée probatoire du procès-verbal de contrôle technique (B).
A. L’appréciation du caractère apparent du vice
L’article 1642 du code civil exclut la garantie du vendeur pour « les vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même ». La distinction entre vice caché et vice apparent constitue une question de fait, appréciée souverainement par les juges du fond. Elle suppose d’examiner si un acheteur normalement diligent, compte tenu de ses compétences et des circonstances de la vente, pouvait déceler le défaut.
La cour retient en l’espèce que le vice était apparent car mentionné dans le procès-verbal de contrôle technique. Elle relève que l’acheteur « verse lui-même aux débats ce procès verbal de contrôle technique ». Cette circonstance établit que le document lui a été communiqué avant ou lors de la vente. L’acheteur disposait donc d’une information précise sur l’état de corrosion du châssis arrière.
La cour ne se livre pas à une appréciation in concreto des capacités de l’acheteur à percevoir visuellement le désordre. Elle se fonde sur l’information écrite qui lui a été transmise. Cette approche s’inscrit dans une jurisprudence constante selon laquelle la connaissance du vice équivaut à son caractère apparent. L’acheteur informé ne peut invoquer son ignorance pour se prévaloir de la garantie.
B. La valeur probatoire du procès-verbal de contrôle technique
Le procès-verbal de contrôle technique, daté du 2 juillet 2020, mentionnait un état de corrosion sur le châssis arrière. Ce document, établi deux jours avant la vente, constitue un élément de preuve déterminant. La cour lui confère une portée décisive en relevant que l’acheteur en avait connaissance.
Le contrôle technique périodique des véhicules répond à une obligation réglementaire. Son procès-verbal doit être remis à l’acquéreur lors de la vente d’un véhicule de plus de quatre ans. Ce document a précisément pour fonction d’informer l’acheteur sur l’état du véhicule. Les mentions qu’il comporte participent de l’obligation d’information pesant sur le vendeur.
La cour souligne également les caractéristiques du véhicule : « en circulation depuis 11 ans » et ayant « parcouru plus de 170 000 km ». Ces éléments contextualisent l’existence d’une corrosion, phénomène attendu sur un véhicule d’un tel âge et d’un tel kilométrage. L’acheteur ne pouvait ignorer les risques inhérents à l’acquisition d’un véhicule ancien ayant beaucoup roulé.
II. Les conséquences de l’absence de vice caché sur les prétentions des parties
Le rejet de l’action en garantie emporte le débouté de l’ensemble des demandes de l’acheteur (A) et prive l’appel en garantie de son objet (B).
A. Le débouté intégral de l’acheteur et de l’intervenante
La cour, après avoir constaté l’absence de vice caché, tire toutes les conséquences de cette qualification. Elle déboute l’acheteur « de toutes ses prétentions » et infirme le jugement « en toutes ses dispositions ». Les demandes indemnitaires, qu’elles portent sur les frais de carte grise, d’assurance, d’expertise, la perte d’usage ou le préjudice moral, sont nécessairement rejetées.
L’intervenante volontaire, compagne de l’acheteur, sollicitait le remboursement de frais de changement de pneumatiques. Sa demande était « également fondée sur la résolution de la vente du véhicule pour vice caché ». La cour la déclare « mal fondée » et la rejette. L’absence de vice caché prive de fondement toute prétention accessoire à la résolution de la vente.
La solution est logique. Les demandes indemnitaires de l’acheteur supposaient le succès de l’action en résolution. L’échec de cette action principale entraîne mécaniquement le rejet des demandes subsidiaires. L’acheteur conserve le véhicule dont il a parcouru près de 9 000 kilomètres depuis l’achat. Le prix de vente demeure acquis au vendeur.
B. L’appel en garantie devenu sans objet
Le vendeur avait appelé en garantie la société de contrôle technique. Il soutenait que cette société avait « sous-estimé l’état d’oxydation du soubassement arrière ». Le tribunal avait retenu la responsabilité du contrôleur technique et l’avait condamné à garantir le vendeur de toutes les condamnations prononcées contre lui.
La cour constate que « compte tenu du débouté des prétentions » de l’acheteur, « l’action en garantie exercée par [le vendeur] à l’encontre de la [société de contrôle technique] devient sans objet ». Cette formule procédurale signifie que le vendeur n’ayant plus à supporter aucune condamnation, il n’a plus d’intérêt à agir contre le contrôleur technique.
Cette solution préserve la cohérence du raisonnement juridique. Le vendeur reprochait au contrôleur technique de n’avoir pas suffisamment signalé la gravité de la corrosion. Cependant, la mention portée au procès-verbal a précisément permis d’établir le caractère apparent du vice. Le document litigieux, loin d’engager la responsabilité du contrôleur, a protégé le vendeur en établissant l’information de l’acheteur. L’imputation d’une faute au contrôleur technique aurait été contradictoire avec le motif du débouté de l’acheteur.
La vente d’un véhicule d’occasion donne fréquemment lieu à un contentieux fondé sur la garantie des vices cachés, le vendeur et l’acheteur s’opposant sur le caractère apparent ou non des défauts affectant le bien. La cour d’appel de Reims, par un arrêt du 1er juillet 2025, apporte une illustration éclairante de la distinction fondamentale entre vice caché et vice apparent.
Un particulier a vendu à un autre particulier, le 4 juillet 2020, un véhicule automobile de marque Volkswagen modèle Scirocco, mis en circulation le 17 juin 2009 et affichant 170 499 kilomètres au compteur. Un contrôle technique avait été réalisé deux jours avant la vente. L’acheteur, invoquant un défaut du train arrière, a fait réaliser une expertise amiable le 20 octobre 2020, alors que le véhicule affichait 179 322 kilomètres. Il a ensuite assigné le vendeur en résolution de la vente et indemnisation de ses préjudices. Le vendeur a appelé en garantie la société de contrôle technique.
Le tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne, par jugement du 31 janvier 2024, a prononcé la résolution de la vente, condamné le vendeur à rembourser le prix de vente et condamné la société de contrôle technique à garantir le vendeur. L’acheteur a interjeté appel pour obtenir l’indemnisation de préjudices complémentaires. Le vendeur a formé appel incident pour contester la résolution de la vente.
La question posée à la cour était de déterminer si l’état de corrosion du châssis arrière du véhicule constituait un vice caché au sens de l’article 1641 du code civil ou un vice apparent dont l’acheteur avait pu se convaincre lui-même, ce qui exclurait toute garantie.
La cour d’appel de Reims infirme le jugement en toutes ses dispositions et déboute l’acheteur de l’ensemble de ses prétentions. Elle retient que le procès-verbal de contrôle technique, remis à l’acheteur avant la vente, « mentionne expressément un état de corrosion sur le châssis arrière du véhicule ». L’acheteur « a été informé, avant la vente, du vice de corrosion affectant le châssis arrière du véhicule en circulation depuis 11 ans et qui avait parcouru plus de 170 000 km ». Le vice étant apparent, l’action en garantie ne peut prospérer.
Cette décision invite à examiner d’abord les conditions d’application de la garantie des vices cachés au regard du caractère apparent du défaut (I), avant d’analyser les conséquences de la qualification retenue sur l’économie du litige (II).
I. La qualification de vice apparent excluant la garantie légale
La cour procède à une application rigoureuse du critère du vice apparent (A), en s’appuyant sur la portée probatoire du procès-verbal de contrôle technique (B).
A. L’appréciation du caractère apparent du vice
L’article 1642 du code civil exclut la garantie du vendeur pour « les vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même ». La distinction entre vice caché et vice apparent constitue une question de fait, appréciée souverainement par les juges du fond. Elle suppose d’examiner si un acheteur normalement diligent, compte tenu de ses compétences et des circonstances de la vente, pouvait déceler le défaut.
La cour retient en l’espèce que le vice était apparent car mentionné dans le procès-verbal de contrôle technique. Elle relève que l’acheteur « verse lui-même aux débats ce procès verbal de contrôle technique ». Cette circonstance établit que le document lui a été communiqué avant ou lors de la vente. L’acheteur disposait donc d’une information précise sur l’état de corrosion du châssis arrière.
La cour ne se livre pas à une appréciation in concreto des capacités de l’acheteur à percevoir visuellement le désordre. Elle se fonde sur l’information écrite qui lui a été transmise. Cette approche s’inscrit dans une jurisprudence constante selon laquelle la connaissance du vice équivaut à son caractère apparent. L’acheteur informé ne peut invoquer son ignorance pour se prévaloir de la garantie.
B. La valeur probatoire du procès-verbal de contrôle technique
Le procès-verbal de contrôle technique, daté du 2 juillet 2020, mentionnait un état de corrosion sur le châssis arrière. Ce document, établi deux jours avant la vente, constitue un élément de preuve déterminant. La cour lui confère une portée décisive en relevant que l’acheteur en avait connaissance.
Le contrôle technique périodique des véhicules répond à une obligation réglementaire. Son procès-verbal doit être remis à l’acquéreur lors de la vente d’un véhicule de plus de quatre ans. Ce document a précisément pour fonction d’informer l’acheteur sur l’état du véhicule. Les mentions qu’il comporte participent de l’obligation d’information pesant sur le vendeur.
La cour souligne également les caractéristiques du véhicule : « en circulation depuis 11 ans » et ayant « parcouru plus de 170 000 km ». Ces éléments contextualisent l’existence d’une corrosion, phénomène attendu sur un véhicule d’un tel âge et d’un tel kilométrage. L’acheteur ne pouvait ignorer les risques inhérents à l’acquisition d’un véhicule ancien ayant beaucoup roulé.
II. Les conséquences de l’absence de vice caché sur les prétentions des parties
Le rejet de l’action en garantie emporte le débouté de l’ensemble des demandes de l’acheteur (A) et prive l’appel en garantie de son objet (B).
A. Le débouté intégral de l’acheteur et de l’intervenante
La cour, après avoir constaté l’absence de vice caché, tire toutes les conséquences de cette qualification. Elle déboute l’acheteur « de toutes ses prétentions » et infirme le jugement « en toutes ses dispositions ». Les demandes indemnitaires, qu’elles portent sur les frais de carte grise, d’assurance, d’expertise, la perte d’usage ou le préjudice moral, sont nécessairement rejetées.
L’intervenante volontaire, compagne de l’acheteur, sollicitait le remboursement de frais de changement de pneumatiques. Sa demande était « également fondée sur la résolution de la vente du véhicule pour vice caché ». La cour la déclare « mal fondée » et la rejette. L’absence de vice caché prive de fondement toute prétention accessoire à la résolution de la vente.
La solution est logique. Les demandes indemnitaires de l’acheteur supposaient le succès de l’action en résolution. L’échec de cette action principale entraîne mécaniquement le rejet des demandes subsidiaires. L’acheteur conserve le véhicule dont il a parcouru près de 9 000 kilomètres depuis l’achat. Le prix de vente demeure acquis au vendeur.
B. L’appel en garantie devenu sans objet
Le vendeur avait appelé en garantie la société de contrôle technique. Il soutenait que cette société avait « sous-estimé l’état d’oxydation du soubassement arrière ». Le tribunal avait retenu la responsabilité du contrôleur technique et l’avait condamné à garantir le vendeur de toutes les condamnations prononcées contre lui.
La cour constate que « compte tenu du débouté des prétentions » de l’acheteur, « l’action en garantie exercée par [le vendeur] à l’encontre de la [société de contrôle technique] devient sans objet ». Cette formule procédurale signifie que le vendeur n’ayant plus à supporter aucune condamnation, il n’a plus d’intérêt à agir contre le contrôleur technique.
Cette solution préserve la cohérence du raisonnement juridique. Le vendeur reprochait au contrôleur technique de n’avoir pas suffisamment signalé la gravité de la corrosion. Cependant, la mention portée au procès-verbal a précisément permis d’établir le caractère apparent du vice. Le document litigieux, loin d’engager la responsabilité du contrôleur, a protégé le vendeur en établissant l’information de l’acheteur. L’imputation d’une faute au contrôleur technique aurait été contradictoire avec le motif du débouté de l’acheteur.