Cour d’appel de Nîmes, le 26 juin 2025, n°22/01503
Par l’arrêt ici commenté, la Cour d’appel de Nîmes, en sa deuxième chambre civile section A, rendu le 26 juin 2025, infirme un jugement du Tribunal judiciaire de Nîmes du 7 mars 2022 et condamne des propriétaires au paiement de charges arriérées au profit d’une association syndicale libre. Cette décision soulève la question de l’articulation entre les règles de compétence du juge de la mise en état et le régime probatoire du recouvrement des charges au sein des associations syndicales libres.
Les faits de l’espèce s’établissent ainsi. Une association syndicale libre regroupe les propriétaires d’un ensemble immobilier à vocation résidentielle et de loisirs. Deux époux ont acquis, par acte authentique du 24 janvier 2011, deux lots au sein de cet ensemble. L’association, représentée par une société de gestion, a assigné ces propriétaires le 26 octobre 2018 en paiement de charges.
Le Tribunal judiciaire de Nîmes a, par jugement du 7 mars 2022, retenu que la société de gestion ne justifiait pas d’une habilitation à agir en justice pour le compte de l’association. Le premier juge a qualifié ce défaut d’habilitation de nullité de fond et déclaré les demandes de l’association irrecevables.
L’association a interjeté appel le 26 avril 2022. Devant la cour, elle soutient que l’exception de nullité aurait dû être soulevée devant le juge de la mise en état et produit un procès-verbal d’assemblée générale du 25 novembre 2024 autorisant son président à agir en justice. Les intimés répliquent que l’instance ayant été introduite avant le 1er janvier 2020, la fin de non-recevoir relevait de la compétence du juge du fond. Ils contestent également le quantum de la créance alléguée.
La question posée à la cour était double. D’une part, il s’agissait de déterminer si l’exception de nullité fondée sur le défaut d’habilitation à agir relevait de la compétence exclusive du juge de la mise en état. D’autre part, la cour devait apprécier si l’association syndicale libre rapportait la preuve de sa créance de charges.
La Cour d’appel de Nîmes infirme le jugement entrepris. Elle juge que « la nullité retenue par le premier juge pour irrégularité de fond en raison du défaut d’habilitation de la SAS Camilleri, intervenant comme représentante de l’Asl Mas Oliou, aurait dû être soulevée devant le juge de la mise en état seul compétent pour statuer sur cette exception de nullité qui mettait fin à l’instance ». Sur le fond, la cour condamne solidairement les propriétaires au paiement de la somme de 10 548,94 euros au titre des charges arriérées.
Cet arrêt mérite attention en ce qu’il précise la compétence exclusive du juge de la mise en état en matière d’exceptions de nullité (I) tout en rappelant les exigences probatoires strictes du recouvrement des charges au sein des associations syndicales libres (II).
I. La compétence exclusive du juge de la mise en état en matière d’exceptions de nullité
La cour d’appel réaffirme le principe de la compétence exclusive du juge de la mise en état (A) avant d’en tirer les conséquences sur la recevabilité de l’action (B).
A. Le principe de la compétence exclusive pour les incidents mettant fin à l’instance
L’arrêt se fonde sur l’article 771 du Code de procédure civile dans sa version applicable au litige. Ce texte dispose que « le juge de la mise en état est seul compétent à l’exclusion de toute autre formation pour statuer sur les incidents mettant fin à l’instance ». La cour applique cette règle au défaut d’habilitation du représentant d’une personne morale, qu’elle qualifie d’irrégularité de fond.
Cette qualification n’est pas contestable. L’article 117 du Code de procédure civile range parmi les irrégularités de fond le défaut de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice. La société de gestion, mandatée pour représenter l’association syndicale libre, devait justifier d’une habilitation expresse à cette fin.
L’intérêt de l’arrêt réside dans l’affirmation que cette exception de nullité, parce qu’elle met fin à l’instance, relève de la compétence exclusive du juge de la mise en état. La cour ne distingue pas entre les différentes formes de nullité. Elle retient un critère fonctionnel tenant aux effets de l’exception soulevée sur la poursuite de l’instance.
B. Les conséquences sur la recevabilité de l’action
La cour infirme le jugement en ce qu’il avait déclaré les demandes irrecevables. Elle relève que « seul le juge de la mise en état avait compétence pour statuer sur l’irrecevabilité soulevée par les consorts ». Cette formulation appelle une précision. L’irrecevabilité sanctionne les fins de non-recevoir. La nullité pour irrégularité de fond constitue une exception de procédure. La cour emploie ici un terme impropre mais le sens de sa décision demeure clair.
Le premier juge a statué ultra petita en tranchant une exception qui ne relevait pas de sa compétence. L’incompétence du juge du fond pour connaître des incidents mettant fin à l’instance est d’ordre public. La cour pouvait donc soulever d’office cette question.
La décision présente une portée pratique importante. Elle rappelle aux plaideurs l’obligation de saisir le juge de la mise en état de toute exception susceptible de mettre un terme au litige. Le défaut de saisine dans les formes requises prive l’exception de tout effet.
II. Les exigences probatoires du recouvrement des charges syndicales
La cour examine ensuite le bien-fondé de la demande en paiement des charges. Elle rappelle le cadre juridique applicable (A) avant de procéder à une analyse rigoureuse des justificatifs produits (B).
A. Le cadre juridique du recouvrement des charges
La cour pose le principe selon lequel « les statuts de l’ASL constituent la loi des parties ». Cette formulation renvoie à l’article 1103 du Code civil aux termes duquel les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Les statuts prévoient que le président « est chargé de poursuivre la rentrée des sommes dues à l’Association » et qu’il « procède au recouvrement des sommes dues par les membres ». Cette habilitation statutaire suffit à fonder l’action. La production d’un procès-verbal d’assemblée générale du 25 novembre 2024 autorisant expressément le président à agir en justice vient conforter cette analyse.
La cour rappelle également les règles de notification des décisions de l’assemblée générale. Les procès-verbaux doivent être adressés « sous pli simple aux copropriétaires ayant voté pour les résolutions présentées » et « par pli recommandé avec accusé de réception aux copropriétaires ayant voté contre les résolutions présentées ». Cette distinction conditionne l’opposabilité des appels de charges.
B. L’analyse rigoureuse des justificatifs produits
La cour énonce avec précision les pièces que l’association « doit produire » pour justifier sa créance. Elle exige les procès-verbaux d’assemblée générale des exercices concernés, le décompte individuel des charges pour chaque exercice et les justificatifs de notification aux propriétaires absents ou opposants.
L’application de cette grille d’analyse conduit la cour à n’allouer que la somme de 10 548,94 euros sur les 26 649,56 euros réclamés. Cette réduction substantielle sanctionne l’insuffisance probatoire de l’association pour certains exercices. La cour ne retient que les charges pour lesquelles trois conditions cumulatives sont réunies. Les charges ont été votées par l’assemblée générale. Les propriétaires étaient présents et non opposants, ou bien, s’ils étaient absents, ils ont été destinataires du procès-verbal par lettre recommandée.
Cette rigueur probatoire s’explique par la nature de l’obligation. Les charges syndicales naissent de la décision collective de l’assemblée générale. Leur exigibilité suppose la régularité de cette décision et son opposabilité au débiteur. La charge de la preuve pèse sur l’association créancière.
La cour fait également courir les intérêts légaux à compter du « 15 mai 2021, date de délivrance de la lettre recommandée portant sommation de payer ». Ce point de départ respecte l’article 1231-6 du Code civil. L’interpellation suffisante du débiteur conditionne le cours des intérêts moratoires.
Cet arrêt illustre l’équilibre que les juridictions doivent maintenir entre le respect des règles procédurales et l’examen au fond des prétentions des parties.
Par l’arrêt ici commenté, la Cour d’appel de Nîmes, en sa deuxième chambre civile section A, rendu le 26 juin 2025, infirme un jugement du Tribunal judiciaire de Nîmes du 7 mars 2022 et condamne des propriétaires au paiement de charges arriérées au profit d’une association syndicale libre. Cette décision soulève la question de l’articulation entre les règles de compétence du juge de la mise en état et le régime probatoire du recouvrement des charges au sein des associations syndicales libres.
Les faits de l’espèce s’établissent ainsi. Une association syndicale libre regroupe les propriétaires d’un ensemble immobilier à vocation résidentielle et de loisirs. Deux époux ont acquis, par acte authentique du 24 janvier 2011, deux lots au sein de cet ensemble. L’association, représentée par une société de gestion, a assigné ces propriétaires le 26 octobre 2018 en paiement de charges.
Le Tribunal judiciaire de Nîmes a, par jugement du 7 mars 2022, retenu que la société de gestion ne justifiait pas d’une habilitation à agir en justice pour le compte de l’association. Le premier juge a qualifié ce défaut d’habilitation de nullité de fond et déclaré les demandes de l’association irrecevables.
L’association a interjeté appel le 26 avril 2022. Devant la cour, elle soutient que l’exception de nullité aurait dû être soulevée devant le juge de la mise en état et produit un procès-verbal d’assemblée générale du 25 novembre 2024 autorisant son président à agir en justice. Les intimés répliquent que l’instance ayant été introduite avant le 1er janvier 2020, la fin de non-recevoir relevait de la compétence du juge du fond. Ils contestent également le quantum de la créance alléguée.
La question posée à la cour était double. D’une part, il s’agissait de déterminer si l’exception de nullité fondée sur le défaut d’habilitation à agir relevait de la compétence exclusive du juge de la mise en état. D’autre part, la cour devait apprécier si l’association syndicale libre rapportait la preuve de sa créance de charges.
La Cour d’appel de Nîmes infirme le jugement entrepris. Elle juge que « la nullité retenue par le premier juge pour irrégularité de fond en raison du défaut d’habilitation de la SAS Camilleri, intervenant comme représentante de l’Asl Mas Oliou, aurait dû être soulevée devant le juge de la mise en état seul compétent pour statuer sur cette exception de nullité qui mettait fin à l’instance ». Sur le fond, la cour condamne solidairement les propriétaires au paiement de la somme de 10 548,94 euros au titre des charges arriérées.
Cet arrêt mérite attention en ce qu’il précise la compétence exclusive du juge de la mise en état en matière d’exceptions de nullité (I) tout en rappelant les exigences probatoires strictes du recouvrement des charges au sein des associations syndicales libres (II).
I. La compétence exclusive du juge de la mise en état en matière d’exceptions de nullité
La cour d’appel réaffirme le principe de la compétence exclusive du juge de la mise en état (A) avant d’en tirer les conséquences sur la recevabilité de l’action (B).
A. Le principe de la compétence exclusive pour les incidents mettant fin à l’instance
L’arrêt se fonde sur l’article 771 du Code de procédure civile dans sa version applicable au litige. Ce texte dispose que « le juge de la mise en état est seul compétent à l’exclusion de toute autre formation pour statuer sur les incidents mettant fin à l’instance ». La cour applique cette règle au défaut d’habilitation du représentant d’une personne morale, qu’elle qualifie d’irrégularité de fond.
Cette qualification n’est pas contestable. L’article 117 du Code de procédure civile range parmi les irrégularités de fond le défaut de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice. La société de gestion, mandatée pour représenter l’association syndicale libre, devait justifier d’une habilitation expresse à cette fin.
L’intérêt de l’arrêt réside dans l’affirmation que cette exception de nullité, parce qu’elle met fin à l’instance, relève de la compétence exclusive du juge de la mise en état. La cour ne distingue pas entre les différentes formes de nullité. Elle retient un critère fonctionnel tenant aux effets de l’exception soulevée sur la poursuite de l’instance.
B. Les conséquences sur la recevabilité de l’action
La cour infirme le jugement en ce qu’il avait déclaré les demandes irrecevables. Elle relève que « seul le juge de la mise en état avait compétence pour statuer sur l’irrecevabilité soulevée par les consorts ». Cette formulation appelle une précision. L’irrecevabilité sanctionne les fins de non-recevoir. La nullité pour irrégularité de fond constitue une exception de procédure. La cour emploie ici un terme impropre mais le sens de sa décision demeure clair.
Le premier juge a statué ultra petita en tranchant une exception qui ne relevait pas de sa compétence. L’incompétence du juge du fond pour connaître des incidents mettant fin à l’instance est d’ordre public. La cour pouvait donc soulever d’office cette question.
La décision présente une portée pratique importante. Elle rappelle aux plaideurs l’obligation de saisir le juge de la mise en état de toute exception susceptible de mettre un terme au litige. Le défaut de saisine dans les formes requises prive l’exception de tout effet.
II. Les exigences probatoires du recouvrement des charges syndicales
La cour examine ensuite le bien-fondé de la demande en paiement des charges. Elle rappelle le cadre juridique applicable (A) avant de procéder à une analyse rigoureuse des justificatifs produits (B).
A. Le cadre juridique du recouvrement des charges
La cour pose le principe selon lequel « les statuts de l’ASL constituent la loi des parties ». Cette formulation renvoie à l’article 1103 du Code civil aux termes duquel les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Les statuts prévoient que le président « est chargé de poursuivre la rentrée des sommes dues à l’Association » et qu’il « procède au recouvrement des sommes dues par les membres ». Cette habilitation statutaire suffit à fonder l’action. La production d’un procès-verbal d’assemblée générale du 25 novembre 2024 autorisant expressément le président à agir en justice vient conforter cette analyse.
La cour rappelle également les règles de notification des décisions de l’assemblée générale. Les procès-verbaux doivent être adressés « sous pli simple aux copropriétaires ayant voté pour les résolutions présentées » et « par pli recommandé avec accusé de réception aux copropriétaires ayant voté contre les résolutions présentées ». Cette distinction conditionne l’opposabilité des appels de charges.
B. L’analyse rigoureuse des justificatifs produits
La cour énonce avec précision les pièces que l’association « doit produire » pour justifier sa créance. Elle exige les procès-verbaux d’assemblée générale des exercices concernés, le décompte individuel des charges pour chaque exercice et les justificatifs de notification aux propriétaires absents ou opposants.
L’application de cette grille d’analyse conduit la cour à n’allouer que la somme de 10 548,94 euros sur les 26 649,56 euros réclamés. Cette réduction substantielle sanctionne l’insuffisance probatoire de l’association pour certains exercices. La cour ne retient que les charges pour lesquelles trois conditions cumulatives sont réunies. Les charges ont été votées par l’assemblée générale. Les propriétaires étaient présents et non opposants, ou bien, s’ils étaient absents, ils ont été destinataires du procès-verbal par lettre recommandée.
Cette rigueur probatoire s’explique par la nature de l’obligation. Les charges syndicales naissent de la décision collective de l’assemblée générale. Leur exigibilité suppose la régularité de cette décision et son opposabilité au débiteur. La charge de la preuve pèse sur l’association créancière.
La cour fait également courir les intérêts légaux à compter du « 15 mai 2021, date de délivrance de la lettre recommandée portant sommation de payer ». Ce point de départ respecte l’article 1231-6 du Code civil. L’interpellation suffisante du débiteur conditionne le cours des intérêts moratoires.
Cet arrêt illustre l’équilibre que les juridictions doivent maintenir entre le respect des règles procédurales et l’examen au fond des prétentions des parties.