Cour d’appel de Lyon, le 3 juillet 2025, n°24/01146
Par un arrêt du 3 juillet 2025, la Cour d’appel de Lyon s’est prononcée sur la recevabilité d’une action en annulation de résolutions d’assemblée générale de copropriété, lorsque ces résolutions ont été entre-temps annulées par une assemblée générale ultérieure.
Un copropriétaire avait assigné le syndicat des copropriétaires le 21 janvier 2022 aux fins d’annulation de l’assemblée générale tenue le 9 novembre 2021. Par la suite, lors d’une assemblée générale du 1er septembre 2022, les résolutions contestées ont été annulées par les copropriétaires eux-mêmes. Le syndicat a alors soulevé devant le juge de la mise en état une fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir du demandeur. Par ordonnance du 15 janvier 2024, le juge de la mise en état a rejeté cette fin de non-recevoir et condamné le syndicat au paiement de frais irrépétibles. Le syndicat a interjeté appel.
Devant la Cour, le syndicat soutenait que la demande d’annulation était devenue irrecevable faute d’intérêt à agir, les résolutions litigieuses ayant été annulées par l’assemblée générale postérieure. Le copropriétaire répliquait que cette annulation volontaire constituait un aveu judiciaire du bien-fondé de ses demandes et qu’il conservait un intérêt à voir statuer sur les dépens et frais irrépétibles.
La question posée à la Cour d’appel de Lyon était de déterminer si l’annulation de résolutions d’assemblée générale par une assemblée ultérieure prive le demandeur initial de son intérêt à agir, rendant ainsi son action irrecevable.
La Cour confirme l’ordonnance en énonçant que « l’existence du droit d’agir en justice s’apprécie à la date de la demande introductive d’instance et ne peut être remise en cause par l’effet de circonstances postérieures ». Elle retient que l’action, recevable lors de l’assignation, est devenue sans objet mais que le demandeur « conserve son intérêt à ce qu’il soit statué » sur la charge des dépens et frais irrépétibles.
L’appréciation du droit d’agir au jour de l’assignation constitue le fondement du rejet de la fin de non-recevoir (I), tandis que la distinction entre perte d’objet et perte d’intérêt préserve les droits procéduraux du demandeur (II).
I. L’appréciation du droit d’agir cristallisée au jour de l’assignation
La Cour réaffirme le principe de cristallisation temporelle du droit d’agir (A), dont l’application conduit à rejeter la fin de non-recevoir soulevée par le syndicat (B).
A. Le principe de fixité du droit d’agir
La Cour d’appel de Lyon rappelle une règle procédurale constante selon laquelle « l’existence du droit d’agir en justice s’apprécie à la date de la demande introductive d’instance ». Cette formulation reprend la jurisprudence établie de la Cour de cassation qui refuse d’apprécier les conditions de recevabilité de l’action à un moment autre que celui de la saisine initiale du juge.
Ce principe protège le demandeur contre les manœuvres dilatoires du défendeur. En effet, admettre qu’une circonstance postérieure puisse rétroactivement priver le demandeur de son droit d’agir reviendrait à permettre au défendeur de neutraliser toute action en provoquant lui-même la disparition de son objet. La Cour précise ainsi que le droit d’agir « ne peut être remise en cause par l’effet de circonstances postérieures ».
Cette solution s’inscrit dans la conception française de l’intérêt à agir comme condition d’ouverture de l’action. L’intérêt doit exister au moment où le juge est saisi, indépendamment des évolutions ultérieures du litige.
B. L’application au cas d’une annulation volontaire par l’assemblée générale
En l’espèce, le syndicat des copropriétaires avait fait voter l’annulation des résolutions litigieuses lors d’une assemblée générale postérieure à l’assignation. Il soutenait que cette circonstance privait le demandeur de son intérêt à agir et rendait son action irrecevable.
La Cour rejette ce raisonnement en appliquant le principe précédemment énoncé. L’action en annulation était recevable au 21 janvier 2022, date de l’assignation. Le fait que les résolutions aient été annulées le 1er septembre 2022 ne saurait modifier rétroactivement cette appréciation.
Le syndicat invoquait également que son initiative ne constituait pas un aveu judiciaire mais une démarche « dans l’intérêt du syndicat des copropriétaires » visant à éviter une procédure « longue et coûteuse ». La Cour ne se prononce pas sur cette qualification, celle-ci étant sans incidence sur la question de la recevabilité. Le mobile du défendeur importe peu dès lors que la recevabilité de l’action s’apprécie à la date de l’assignation.
II. La distinction entre perte d’objet et perte d’intérêt
La Cour opère une distinction essentielle entre l’objet de la demande et l’intérêt procédural du demandeur (A), ce qui conduit au maintien d’un contentieux résiduel sur les frais de procédure (B).
A. L’action devenue sans objet mais non dépourvue d’intérêt
La Cour qualifie l’action en annulation comme étant « devenue sans objet » puisque les résolutions contestées n’existent plus juridiquement. Le juge ne peut annuler ce qui a déjà été annulé. Cette constatation pourrait sembler donner raison au syndicat.
La Cour distingue toutefois la perte d’objet de la perte d’intérêt. Elle retient que le demandeur « conserve son intérêt à ce qu’il soit statué » sur les dépens et frais irrépétibles. Cette dissociation est capitale car elle empêche le défendeur d’échapper aux conséquences financières d’une action qu’il a lui-même rendue sans objet.
L’intérêt à agir ne se réduit pas à l’obtention de la mesure principale sollicitée. Il englobe également les demandes accessoires relatives aux frais de procédure. Le demandeur qui a dû exposer des frais pour faire valoir ses droits conserve un intérêt légitime à voir ces frais mis à la charge de la partie qui a rendu nécessaire le recours au juge.
B. Le maintien du contentieux sur les frais de procédure
La Cour précise que « la seule question dont reste désormais saisi ce tribunal est celle de la charge des dépens et des frais irrépétibles ». Cette formulation est révélatrice de la portée résiduelle de l’instance. Le juge du fond demeure saisi, non pour statuer sur le bien-fondé d’une annulation désormais acquise, mais pour répartir les frais du procès.
Cette solution présente un intérêt pratique considérable. Si le syndicat avait obtenu l’irrecevabilité de l’action, le demandeur aurait pu supporter les dépens et frais de l’instance alors même que sa demande initiale était fondée. L’annulation volontaire des résolutions par l’assemblée générale aurait ainsi permis au syndicat d’échapper tant à l’annulation judiciaire qu’aux frais de procédure.
La Cour valide également la condamnation du syndicat aux frais irrépétibles devant le juge de la mise en état, en relevant qu’il est « partie perdante dans le cadre de la procédure » incidente. Elle confirme l’ordonnance et condamne le syndicat aux dépens d’appel. Elle refuse toutefois d’allouer des frais irrépétibles d’appel au demandeur « pour des raisons d’équité », ce qui témoigne du pouvoir d’appréciation souverain du juge en la matière.
Par un arrêt du 3 juillet 2025, la Cour d’appel de Lyon s’est prononcée sur la recevabilité d’une action en annulation de résolutions d’assemblée générale de copropriété, lorsque ces résolutions ont été entre-temps annulées par une assemblée générale ultérieure.
Un copropriétaire avait assigné le syndicat des copropriétaires le 21 janvier 2022 aux fins d’annulation de l’assemblée générale tenue le 9 novembre 2021. Par la suite, lors d’une assemblée générale du 1er septembre 2022, les résolutions contestées ont été annulées par les copropriétaires eux-mêmes. Le syndicat a alors soulevé devant le juge de la mise en état une fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir du demandeur. Par ordonnance du 15 janvier 2024, le juge de la mise en état a rejeté cette fin de non-recevoir et condamné le syndicat au paiement de frais irrépétibles. Le syndicat a interjeté appel.
Devant la Cour, le syndicat soutenait que la demande d’annulation était devenue irrecevable faute d’intérêt à agir, les résolutions litigieuses ayant été annulées par l’assemblée générale postérieure. Le copropriétaire répliquait que cette annulation volontaire constituait un aveu judiciaire du bien-fondé de ses demandes et qu’il conservait un intérêt à voir statuer sur les dépens et frais irrépétibles.
La question posée à la Cour d’appel de Lyon était de déterminer si l’annulation de résolutions d’assemblée générale par une assemblée ultérieure prive le demandeur initial de son intérêt à agir, rendant ainsi son action irrecevable.
La Cour confirme l’ordonnance en énonçant que « l’existence du droit d’agir en justice s’apprécie à la date de la demande introductive d’instance et ne peut être remise en cause par l’effet de circonstances postérieures ». Elle retient que l’action, recevable lors de l’assignation, est devenue sans objet mais que le demandeur « conserve son intérêt à ce qu’il soit statué » sur la charge des dépens et frais irrépétibles.
L’appréciation du droit d’agir au jour de l’assignation constitue le fondement du rejet de la fin de non-recevoir (I), tandis que la distinction entre perte d’objet et perte d’intérêt préserve les droits procéduraux du demandeur (II).
I. L’appréciation du droit d’agir cristallisée au jour de l’assignation
La Cour réaffirme le principe de cristallisation temporelle du droit d’agir (A), dont l’application conduit à rejeter la fin de non-recevoir soulevée par le syndicat (B).
A. Le principe de fixité du droit d’agir
La Cour d’appel de Lyon rappelle une règle procédurale constante selon laquelle « l’existence du droit d’agir en justice s’apprécie à la date de la demande introductive d’instance ». Cette formulation reprend la jurisprudence établie de la Cour de cassation qui refuse d’apprécier les conditions de recevabilité de l’action à un moment autre que celui de la saisine initiale du juge.
Ce principe protège le demandeur contre les manœuvres dilatoires du défendeur. En effet, admettre qu’une circonstance postérieure puisse rétroactivement priver le demandeur de son droit d’agir reviendrait à permettre au défendeur de neutraliser toute action en provoquant lui-même la disparition de son objet. La Cour précise ainsi que le droit d’agir « ne peut être remise en cause par l’effet de circonstances postérieures ».
Cette solution s’inscrit dans la conception française de l’intérêt à agir comme condition d’ouverture de l’action. L’intérêt doit exister au moment où le juge est saisi, indépendamment des évolutions ultérieures du litige.
B. L’application au cas d’une annulation volontaire par l’assemblée générale
En l’espèce, le syndicat des copropriétaires avait fait voter l’annulation des résolutions litigieuses lors d’une assemblée générale postérieure à l’assignation. Il soutenait que cette circonstance privait le demandeur de son intérêt à agir et rendait son action irrecevable.
La Cour rejette ce raisonnement en appliquant le principe précédemment énoncé. L’action en annulation était recevable au 21 janvier 2022, date de l’assignation. Le fait que les résolutions aient été annulées le 1er septembre 2022 ne saurait modifier rétroactivement cette appréciation.
Le syndicat invoquait également que son initiative ne constituait pas un aveu judiciaire mais une démarche « dans l’intérêt du syndicat des copropriétaires » visant à éviter une procédure « longue et coûteuse ». La Cour ne se prononce pas sur cette qualification, celle-ci étant sans incidence sur la question de la recevabilité. Le mobile du défendeur importe peu dès lors que la recevabilité de l’action s’apprécie à la date de l’assignation.
II. La distinction entre perte d’objet et perte d’intérêt
La Cour opère une distinction essentielle entre l’objet de la demande et l’intérêt procédural du demandeur (A), ce qui conduit au maintien d’un contentieux résiduel sur les frais de procédure (B).
A. L’action devenue sans objet mais non dépourvue d’intérêt
La Cour qualifie l’action en annulation comme étant « devenue sans objet » puisque les résolutions contestées n’existent plus juridiquement. Le juge ne peut annuler ce qui a déjà été annulé. Cette constatation pourrait sembler donner raison au syndicat.
La Cour distingue toutefois la perte d’objet de la perte d’intérêt. Elle retient que le demandeur « conserve son intérêt à ce qu’il soit statué » sur les dépens et frais irrépétibles. Cette dissociation est capitale car elle empêche le défendeur d’échapper aux conséquences financières d’une action qu’il a lui-même rendue sans objet.
L’intérêt à agir ne se réduit pas à l’obtention de la mesure principale sollicitée. Il englobe également les demandes accessoires relatives aux frais de procédure. Le demandeur qui a dû exposer des frais pour faire valoir ses droits conserve un intérêt légitime à voir ces frais mis à la charge de la partie qui a rendu nécessaire le recours au juge.
B. Le maintien du contentieux sur les frais de procédure
La Cour précise que « la seule question dont reste désormais saisi ce tribunal est celle de la charge des dépens et des frais irrépétibles ». Cette formulation est révélatrice de la portée résiduelle de l’instance. Le juge du fond demeure saisi, non pour statuer sur le bien-fondé d’une annulation désormais acquise, mais pour répartir les frais du procès.
Cette solution présente un intérêt pratique considérable. Si le syndicat avait obtenu l’irrecevabilité de l’action, le demandeur aurait pu supporter les dépens et frais de l’instance alors même que sa demande initiale était fondée. L’annulation volontaire des résolutions par l’assemblée générale aurait ainsi permis au syndicat d’échapper tant à l’annulation judiciaire qu’aux frais de procédure.
La Cour valide également la condamnation du syndicat aux frais irrépétibles devant le juge de la mise en état, en relevant qu’il est « partie perdante dans le cadre de la procédure » incidente. Elle confirme l’ordonnance et condamne le syndicat aux dépens d’appel. Elle refuse toutefois d’allouer des frais irrépétibles d’appel au demandeur « pour des raisons d’équité », ce qui témoigne du pouvoir d’appréciation souverain du juge en la matière.