La cour administrative d’appel de Versailles rend, le 28 mars 2025, un arrêt relatif aux objectifs de production de logements locatifs sociaux imposés aux communes. Le litige porte sur la réduction d’un objectif initial de construction par le ministre chargé du logement suite au constat de carence d’une collectivité territoriale.
Le représentant de l’État a fixé à une commune l’obligation de réaliser deux cent vingt-trois logements sociaux pour la période triennale deux mille vingt à deux mille vingt-deux. Après le prononcé de la carence de la collectivité pour la période précédente, la commission nationale a préconisé un aménagement des objectifs quantitatifs de construction. Le ministre du logement a réduit cette obligation à cent trente logements mais la commune a sollicité l’annulation de cette décision pour obtenir un abaissement plus important.
Le tribunal administratif a rejeté la demande tendant à l’annulation de l’acte ministériel en tant qu’il maintenait un nombre de logements sociaux jugé encore trop élevé. La collectivité a interjeté appel de ce jugement en soutenant que son intention initiale d’obtenir un objectif nul n’avait pas été correctement prise en compte par l’administration.
La juridiction doit déterminer si des raisons objectives justifient un aménagement plus substantiel des obligations de construction de logements sociaux et si la procédure préalable est régulière. L’arrêt rejette la requête en considérant que les contraintes invoquées demeurent trop générales et que la commission nationale n’a pas commis d’erreur sur la portée de la demande. L’analyse de la décision s’articule autour de la régularité formelle de la procédure d’aménagement avant d’examiner la rigueur de l’appréciation des contraintes locales de construction.
I. La régularité formelle de la procédure d’aménagement des obligations triennales
A. La juste appréciation de la portée de la demande communale
La requérante soutient que la commission nationale a méconnu ses prétentions en ne recommandant pas un abaissement total de l’objectif de production de logements sociaux. Les juges relèvent pourtant que le rapport de présentation adressé par la collectivité mentionnait expressément le souhait de « construire les cent trente logements attendus ». La commission pouvait donc valablement estimer que la commune sollicitait une « diminution de ses objectifs à hauteur de cent trente logements sociaux » pour la période triennale considérée. L’avis rendu le 16 mars 2021 ne comporte ainsi aucune erreur sur l’objet de la saisine susceptible d’entacher la légalité de la décision finale. « La commune n’est pas fondée à soutenir que la décision attaquée serait entachée d’un vice de procédure » dès lors que ses propres termes servaient de base.
B. Le cadre du contrôle juridictionnel sur la décision ministérielle
Le ministre du logement dispose d’un pouvoir d’appréciation pour modifier les objectifs triennaux lorsque des raisons objectives empêchent le respect des obligations légales de construction. Il lui appartient de statuer au vu des circonstances prévalant durant la période concernée et de tenir compte de la situation existant à la date de sa décision. Le juge de l’excès de pouvoir exerce un contrôle sur l’existence de ces motifs objectifs justifiant l’absence d’atteinte des résultats initialement fixés par le préfet. Cette marge de manœuvre administrative permet d’adapter la loi aux réalités locales sans pour autant exonérer systématiquement les communes de leurs responsabilités en matière de mixité sociale. L’appréciation souveraine de l’autorité ministérielle se trouve ici confirmée car elle a tenu compte des projets déjà engagés et des délais nécessaires.
II. L’exigence de preuves tangibles face aux contraintes d’urbanisme
A. L’inefficacité des arguments environnementaux dépourvus de précisions concrètes
La collectivité invoque de multiples restrictions au droit de construire liées à la protection des sites naturels, des monuments historiques ou des lisières forestières sur son territoire. La cour observe que la commune cite successivement divers champs de réglementations particulières sans démontrer leur impact réel sur la faisabilité technique des projets de logements. Elle « n’apporte pas la moindre précision de nature à montrer en quoi celles-ci s’appliqueraient d’une manière particulièrement contraignante » sur les parcelles disponibles pour l’urbanisation. Les obstacles juridiques ou paysagers ne peuvent justifier un aménagement des objectifs de construction que s’ils restreignent concrètement la réalisation d’opérations immobilières précises. L’invocation abstraite de normes environnementales générales s’avère insuffisante pour caractériser une impossibilité objective de satisfaire aux exigences du code de la construction et de l’habitation.
B. La reconnaissance limitée des obstacles financiers et fonciers
Le classement géographique de la commune et la faiblesse des loyers pratiqués sont présentés comme des freins majeurs à l’équilibre financier des opérations de construction sociale. Les juges estiment toutefois que ces allégations ne sont étayées par aucun élément, rapport ou étude de nature à caractériser les difficultés économiques réelles rencontrées. Concernant la rareté du foncier, la juridiction note que la révision du plan local d’urbanisme et l’étude de densification n’ont été engagées qu’en fin de période. « La réalité de cet engagement » ne suffit pas à établir une erreur d’appréciation du ministre lorsqu’il fixe l’objectif résiduel à cent trente logements locatifs. La passivité relative de la collectivité dans la mobilisation de ses outils d’urbanisme fragilise ainsi sa demande tendant à un aménagement plus favorable de ses obligations.