La Cour administrative d’appel de Versailles a rendu le 18 mars 2025 une décision relative à la domanialité de parcelles exploitées pour une activité équestre. Une société exploite depuis 2001 un poney-club sur cinq parcelles situées sur une île appartenant à une commune des Yvelines. En décembre 2020, cette société a sollicité la requalification de sa convention d’occupation en bail rural auprès de l’autorité municipale. Le maire a expressément rejeté cette demande le 26 mars 2021 au motif que les terrains relèveraient du domaine public communal. La société a saisi le tribunal administratif de Versailles pour obtenir l’annulation de ce refus et la requalification de la convention. Par un jugement du 27 avril 2023, les premiers juges ont rejeté sa requête, confirmant la nature domaniale publique des terrains occupés. La société a interjeté appel, soutenant que le terrain est divisible du reste de l’île et dépourvu d’affectation au public ou au service public. Elle argue que son activité est indépendante des autres installations sportives et paysagères constituant le site environnant. La commune défendeur conclut au rejet de la requête, affirmant que les moyens soulevés par la partie adverse ne sont pas fondés. La question est de savoir si l’inclusion de parcelles dans une unité géographique et fonctionnelle dédiée aux loisirs justifie leur appartenance au domaine public. La Cour confirme l’appartenance au domaine public car les terrains constituent un élément d’une organisation d’ensemble concourant à l’utilité générale du parc. L’analyse portera sur la reconnaissance d’une domanialité publique par intégration fonctionnelle (I), puis sur l’exclusion consécutive de la législation des baux ruraux (II).
I. L’affirmation d’une domanialité publique par l’intégration à un ensemble fonctionnel
A. L’insuffisance des critères organiques et matériels d’affectation
La Cour administrative d’appel de Versailles examine si les parcelles répondent aux critères d’affectation définis par le code général de la propriété des personnes publiques. Elle relève que les terrains ne sont pas affectés « à l’usage direct du public mais aux adhérents du club » équestre privé. Les juges constatent l’absence de toute définition d’obligations particulières permettant de regarder la société comme « chargée d’une mission de service public ». En l’espèce, les aménagements réalisés sur le terrain ne sont pas qualifiés d’indispensables à l’exécution d’une mission de service public identifiée. Les critères classiques de la domanialité publique, organiques ou matériels, semblent faire défaut pour les seules parcelles occupées par l’exploitant. La domanialité publique ne saurait être déduite de la seule activité exercée par la société requérante sur les terrains mis à sa disposition.
B. La primauté de l’appartenance à une organisation d’ensemble
Le juge administratif dépasse cette analyse parcellaire pour considérer la situation géographique globale des terrains situés au sud de l’île. Les parcelles constituent « une partie d’un ensemble plus vaste d’un seul tenant » appartenant à la commune et dédié au sport. Cet ensemble intègre un parc paysager affecté au public ainsi qu’un complexe sportif spécialement aménagé pour les besoins d’un service public communal. La Cour souligne que l’activité équestre peut se dérouler en dehors de son périmètre strict, participant à « développer une offre de loisirs ». Les terrains occupés « concourent ainsi à l’utilité générale » de ce parc et doivent être regardés comme appartenant au domaine public communal. Cette intégration à une « organisation d’ensemble » justifie le maintien de la qualification domaniale publique malgré l’usage restreint consenti à l’occupant privé.
II. Une solution confortant l’indivisibilité du domaine public au détriment du droit privé
A. L’éviction rigoureuse de la qualification de bail rural
La reconnaissance du caractère public du domaine entraîne l’application d’un régime juridique incompatible avec les dispositions protectrices du code rural et de la pêche maritime. La Cour affirme que les parcelles « ne sauraient donc, eu égard aux règles spécifiques régissant la domanialité publique, être soumises au droit privé ». Cette affirmation confirme le principe d’incompatibilité entre le régime de la domanialité publique et celui des baux ruraux souvent invoqué par les exploitants. La protection de l’affectation publique du site prime sur la stabilité contractuelle recherchée par la société requérante pour son activité de poney-club. Le refus du maire de requalifier la convention est légal, car le domaine public ne peut supporter de droits réels de nature privée. La spécificité des règles domaniales fait obstacle à la transformation d’une occupation précaire en un contrat soumis au statut du fermage.
B. La portée d’une conception extensive de l’utilité générale
Cette décision illustre la vitalité de la théorie de l’accessoire et de la domanialité globale au sein de la jurisprudence administrative contemporaine. En rattachant l’activité équestre à l’utilité générale du parc environnant, les juges d’appel facilitent l’incorporation au domaine public d’espaces pourtant clos. La solution sécurise la gestion domaniale de la commune en évitant le morcellement juridique d’un site naturel et sportif géographiquement cohérent sur l’île. Elle rappelle aux occupants que la nature privée de leur activité n’exclut pas nécessairement le terrain d’assiette du champ de la domanialité publique. La Cour administrative d’appel de Versailles confirme une approche fonctionnelle de l’affectation, privilégiant l’intérêt général sur les intérêts économiques particuliers. Cette jurisprudence renforce la protection des dépendances publiques contre toute tentative de privatisation par le biais des contrats de droit privé.