Cour d’appel administrative de Paris, le 13 mars 2025, n°24PA02290

La Cour administrative d’appel de Paris a rendu le 13 mars 2025 une décision relative à l’exécution d’un précédent arrêt concernant un raccordement au réseau public. Le litige trouve son origine dans le refus d’un maire de raccorder les bâtiments d’une parcelle privée au réseau d’adduction en eau potable de la collectivité. Le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté la demande d’annulation de cette décision par un jugement rendu le 22 avril 2021. Par un arrêt du 20 octobre 2022, la juridiction d’appel a cependant annulé ce jugement et enjoint à la commune de réexaminer la demande initiale. Le requérant a par la suite saisi la juridiction afin d’obtenir l’exécution forcée de cet arrêt, assortie d’une astreinte de 300 000 FCFP par jour. Il appartient au juge de déterminer si l’absence de réalisation effective du raccordement, due à des obstacles privés, caractérise une inexécution de la chose jugée. La juridiction écarte la demande d’exécution en considérant que la collectivité a pris toutes les mesures relevant de sa compétence pour satisfaire à l’injonction. L’analyse de cet arrêt permet d’étudier l’exécution d’une injonction de réexamen (I), puis d’évaluer la portée du contrôle exercé par le juge administratif (II).

I. L’exécution d’une injonction de réexamen confrontée à une impossibilité matérielle

L’administration saisie d’une injonction de réexamen est tenue à une obligation de moyens juridiques sans être nécessairement soumise à une obligation de résultat matériel immédiat.

A. L’obligation de diligence limitée à la compétence de l’autorité administrative

La Cour souligne que l’arrêt du 20 octobre 2022 a seulement « enjoint à cette commune de réexaminer la demande dans un délai de trois mois ». L’exécution d’une telle mesure impose une nouvelle instruction du dossier mais n’oblige pas l’autorité publique à modifier le sens de sa décision initiale. La commune justifie avoir « pris les mesures nécessaires à l’exécution de l’arrêt » en explorant les possibilités techniques de raccordement dans le cadre légal. L’administration ne saurait être contrainte de dépasser ses prérogatives pour pallier des obstacles relevant exclusivement du droit privé ou de la volonté des tiers.

B. La reconnaissance d’un obstacle physique et juridique insurmontable

L’obstacle à l’exécution réside ici dans la configuration géographique d’une parcelle « enclavée » située à « plusieurs centaines de mètres des installations de ce réseau ». La réalisation des travaux nécessite impérativement l’accord de propriétaires voisins pour autoriser le passage de canalisations d’adduction d’eau sur leurs fonds privés respectifs. Le juge constate que la collectivité « ne dispose d’aucun moyen de contraindre les propriétaires voisins » à consentir à une telle servitude de passage. Cette impossibilité de fait libère la personne publique de toute accusation d’inertie volontaire face à la décision juridictionnelle dont l’exécution forcée est sollicitée.

II. Une solution pragmatique préservant l’autorité de la chose jugée

Le juge de l’exécution opère une distinction fondamentale entre le respect de la procédure ordonnée et l’aboutissement favorable des prétentions matérielles de la partie requérante.

A. La distinction entre l’injonction de faire et l’injonction de réexamen

La portée de l’arrêt initial était limitée puisque la Cour administrative d’appel de Paris du 13 mars 2025 rappelle qu’elle « ne lui a enjoint que de procéder à un nouvel examen ». Une injonction de faire aurait imposé le raccordement effectif, alors que le réexamen n’exige que la prise en compte loyale des motifs d’annulation précédents. L’autorité municipale a rempli ses obligations en démontrant que le blocage résulte exclusivement de la résistance légitime des propriétaires des parcelles foncières voisines du requérant. L’inexécution ne peut être légalement constatée dès lors que la décision de refus renouvelée repose sur des motifs de pur droit ou de pur fait.

B. La portée du contrôle du juge de l’exécution sur les mesures prises

Le contrôle exercé par la juridiction administrative vérifie la réalité des démarches entreprises par la collectivité pour se conformer rigoureusement au dispositif de l’arrêt précédent. En rejetant la demande d’exécution, le juge admet qu’une autorité publique ne peut être sanctionnée par une astreinte pour une défaillance imputable à des tiers. Cette position préserve l’équilibre entre l’autorité de la chose jugée et le respect du droit de propriété privée appartenant aux administrés voisins de l’opération. La décision confirme ainsi que le pétitionnaire doit supporter les conséquences de l’absence d’accord amiable nécessaire à l’exercice d’un raccordement au réseau public d’eau.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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