La Cour administrative d’appel de Nancy a rendu le 10 juillet 2025 un arrêt concernant la responsabilité d’une collectivité pour des dommages de travaux publics. Un propriétaire a constaté des inondations dans son sous-sol suite à la mise en place d’un réseau séparatif d’assainissement par la commune en cause. Le Tribunal administratif de Nancy a d’abord rejeté la requête indemnitaire de l’administré avant qu’une première décision d’appel ne soit annulée par le Conseil d’État. L’instance revient devant la cour d’appel qui doit se prononcer sur l’exception d’incompétence soulevée par la nature du service public à l’origine du dommage. Le litige soulève la question de savoir si le juge administratif est compétent pour connaître des dommages subis par un usager du service d’assainissement. La Cour administrative d’appel de Nancy juge que les juridictions judiciaires sont seules compétentes car le requérant possède la qualité d’usager d’un service industriel.
I. La reconnaissance du caractère industriel et commercial du service public d’assainissement
A. Le rattachement des désordres au fonctionnement technique du réseau de collecte
Les juges d’appel soulignent que l’origine des inondations se trouve dans une canalisation exploitée spécifiquement pour le service public d’assainissement des eaux usées. L’expertise a démontré que l’unique point de raccordement de l’habitation a été mal obturé lors des travaux de création d’un réseau séparatif en deux mille dix. Selon l’arrêt, « le préjudice dont le requérant demande réparation résulte de désordres affectant l’ouvrage public que constitue la canalisation située sous la voie publique ». Cette qualification technique permet d’ancrer le litige dans le cadre de l’exploitation d’un service public dont la gestion est soumise à des règles particulières.
B. L’influence déterminante de la qualité d’usager sur la nature du contentieux
Le code général des collectivités territoriales dispose que les services publics d’assainissement sont financièrement gérés comme des services à caractère industriel et commercial. Cette nature juridique entraîne l’application d’un bloc de compétence judiciaire pour l’ensemble des rapports unissant le service public à ses usagers de droit privé. La cour précise que « hors les cas où le sinistre trouverait uniquement sa cause dans une défaillance sans lien avec ce service », la compétence est judiciaire. La qualité d’usager du propriétaire interdit ici tout recours devant le juge administratif pour obtenir réparation des dommages causés par l’entretien des ouvrages publics.
II. Le déni de compétence de l’ordre administratif au profit du juge judiciaire
A. L’exclusion de la juridiction administrative pour les litiges de droit privé
L’arrêt rappelle qu’il n’appartient qu’à la juridiction judiciaire de connaître des dommages causés aux usagers à l’occasion de la fourniture d’un service industriel. Peu importe que la cause du dommage réside dans un vice de conception ou dans l’entretien des ouvrages car le lien contractuel prime sur tout. La cour affirme que « les litiges relatifs aux rapports entre ce service et ses usagers relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire » sans exception. En conséquence, le jugement de première instance est annulé et la demande du requérant est rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent.
B. Le maintien exceptionnel de la charge des dépens à l’encontre de la personne publique
Bien que la juridiction administrative se déclare incompétente, elle décide néanmoins de statuer sur la charge définitive des frais d’expertise engagés durant la procédure. Le juge estime que les circonstances particulières de l’affaire justifient de mettre les sommes importantes dues aux experts à la charge de la commune. La collectivité devra ainsi supporter le coût total des mesures d’instruction malgré le rejet des conclusions indemnitaires par la Cour administrative d’appel de Nancy. Cette solution équitable permet de ne pas faire peser sur l’usager le prix d’une procédure complexe rendue nécessaire par les carences initiales de l’administration.