Le Conseil constitutionnel, par sa décision du 10 juillet 2024, se prononce sur la conformité de l’article L. 480-7 du code de l’urbanisme. Cette disposition autorise le juge pénal à ordonner l’exécution provisoire d’une mesure de démolition ou de remise en état des lieux. Des justiciables ont fait l’objet de condamnations pénales pour des travaux irréguliers assorties d’une obligation de démolition immédiate malgré l’exercice d’un appel. Ils ont alors soulevé une question prioritaire de constitutionnalité transmise par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 22 mai 2024.
Les requérants soutiennent que l’absence de recours suspensif contre cette exécution provisoire méconnaît le droit à un recours juridictionnel effectif et le droit de propriété. Ils déplorent l’impossibilité de solliciter l’arrêt de cette exécution devant le premier président de la cour d’appel à l’instar de la procédure civile. Le problème juridique réside dans l’éventuelle atteinte disproportionnée aux libertés individuelles par une mesure dont les effets matériels apparaissent souvent irréversibles. Le Conseil constitutionnel rejette ces griefs et déclare les dispositions contestées conformes aux exigences de la Constitution de 1958.
L’examen de la décision révèle d’abord la sécurisation du prononcé de l’exécution provisoire par l’existence de garanties procédurales strictes. Il convient ensuite d’analyser la conciliation opérée par le juge constitutionnel entre l’impératif de sauvegarde de l’ordre public et la protection de la propriété.
I. La sécurisation de l’exécution provisoire par le juge pénal
A. Le cadre contradictoire de la mesure de restitution
Le Conseil souligne que « l’exécution provisoire d’une mesure de restitution ne peut être ordonnée par le juge pénal qu’à la suite d’un débat contradictoire ». Cette exigence garantit que le prévenu puisse exposer ses moyens de défense et sa situation personnelle avant toute décision d’exécution immédiate. Le caractère non automatique de la mesure renforce le rôle du juge qui doit justifier la nécessité de cette exécution anticipée. Cette procédure protège le justiciable contre les décisions arbitraires tout en assurant le respect des droits fondamentaux de la défense.
B. L’exigence de proportionnalité face aux droits fondamentaux
Les juges rappellent l’obligation pour le magistrat d’apprécier la proportionnalité de l’atteinte portée au droit au respect de la vie privée et familiale. Le Conseil cite explicitement la jurisprudence constante de la Chambre criminelle de la Cour de cassation établie notamment par un arrêt du 31 janvier 2017. L’autorité judiciaire doit vérifier si la démolition immédiate ne porte pas une atteinte excessive aux droits garantis par la Convention européenne de sauvegarde. La protection constitutionnelle du domicile et de la vie familiale demeure ainsi préservée par l’office effectif du juge pénal du fond.
II. La conciliation entre efficacité de l’ordre public et respect de la propriété
A. La poursuite d’un objectif de valeur constitutionnelle
Le législateur a entendu assurer « l’efficacité des mesures de restitution ordonnées par le juge pénal » en cas de violation du code de l’urbanisme. Cette volonté répond à l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public dont dépend la bonne gestion des sols. Le Conseil constitutionnel valide l’idée que l’intérêt général justifie des limitations aux conditions d’exercice du droit de propriété des personnes privées. L’efficacité de la sanction pénale en matière d’urbanisme évite que le passage du temps ne consolide des situations illicites nuisibles à la collectivité.
B. Une portée limitée par l’office souverain du juge
Le dispositif ne crée aucune obligation de prononcer l’exécution provisoire mais laisse cette faculté à l’appréciation souveraine des juges du fond. Le juge doit déterminer si le prononcé de la mesure est réellement « nécessaire au regard des circonstances de l’espèce » pour chaque dossier. Cette absence d’automaticité garantit que l’atteinte à la propriété ne sera jamais disproportionnée par rapport aux faits reprochés au condamné. La décision confirme ainsi la validité d’une procédure qui allie fermeté administrative et respect des droits fondamentaux sans nécessiter de recours spécifique.