Par une décision rendue le 1er avril 2022, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la validité constitutionnelle de l’article L. 600-1-1 du code de l’urbanisme. Cette disposition subordonne la recevabilité du recours d’une association contre une décision d’urbanisme à une antériorité d’un an du dépôt de ses statuts.
Une association a contesté la légalité d’une décision relative à l’occupation des sols devant la juridiction administrative. À l’occasion de ce litige, elle a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité relative à la restriction temporelle imposée aux groupements. Le Conseil d’État a transmis cette question le 31 janvier 2022, estimant que le grief tiré de l’atteinte au droit au recours méritait un examen. L’association requérante soutenait que ce délai de forclusion privait les structures récentes de toute possibilité de défendre leur objet social en justice. Elle invoquait également une méconnaissance de la liberté d’association et du principe d’égalité devant la loi en raison d’un critère temporel arbitraire.
Le problème de droit posé aux juges de la rue de Montpensier consistait à déterminer si l’exigence d’une existence légale préalable portait une atteinte disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif.
Le Conseil constitutionnel a déclaré les dispositions contestées conformes à la Constitution en soulignant l’absence d’atteinte substantielle aux droits garantis par la Déclaration de 1789. Les sages relèvent que le législateur a entendu prévenir les recours abusifs tout en limitant l’incertitude juridique pesant sur les bénéficiaires d’autorisations d’urbanisme.
I. La limitation de l’intérêt à agir des associations de circonstance
A. L’exigence d’une antériorité statutaire minimale d’une année
Le Conseil constitutionnel valide le mécanisme législatif qui écarte les recours formés par des associations dont les statuts ont été déposés trop tardivement. Les juges précisent que « le législateur a souhaité que les associations qui se créent aux seules fins de s’opposer à une décision […] ne puissent la contester ». Cette règle impose que le dépôt des statuts intervienne au moins un an avant l’affichage en mairie de la demande formulée par le pétitionnaire. L’objectif consiste à éviter la création de structures juridiques ad hoc dont la seule raison d’être serait le blocage d’un projet immobilier spécifique. La décision souligne ainsi la volonté parlementaire de « limiter les risques particuliers d’incertitude juridique qui pèsent sur ces décisions d’urbanisme ».
B. Le périmètre restreint aux décisions individuelles d’urbanisme
La portée de cette restriction est strictement délimitée par le texte afin de ne pas paralyser l’ensemble des actions collectives. Les dispositions litigieuses visent uniquement les décisions « relatives à l’occupation ou à l’utilisation des sols », ce qui exclut les actes réglementaires généraux. Le Conseil constitutionnel observe d’ailleurs que « cette restriction est limitée aux décisions individuelles » pour justifier l’absence d’atteinte excessive aux libertés fondamentales. Les associations conservent ainsi toute leur latitude pour contester les documents d’urbanisme tels que les plans locaux d’urbanisme ou les schémas de cohérence territoriale. Le juge constitutionnel estime que ce champ d’application circonscrit permet de maintenir un équilibre entre le droit de contester et le besoin de stabilité.
II. La validation d’un dispositif de sécurisation des projets d’urbanisme
A. Une restriction proportionnée au droit à un recours effectif
Le grief fondé sur l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen est écarté après un examen de proportionnalité. Le Conseil constitutionnel considère que les dispositions contestées « ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif ». La condition d’ancienneté d’un an ne semble pas excessive au regard de la nécessité de protéger le droit de propriété des bénéficiaires de permis. Les requérants ne se voient pas privés de tout accès au juge mais doivent simplement justifier d’une existence réelle antérieure à la cristallisation du litige. Cette exigence garantit la sincérité de l’engagement associatif et évite que la justice administrative ne soit instrumentalisée par des intérêts purement opportunistes.
B. L’objectif de lutte contre les recours abusifs et dilatoires
L’intérêt général attaché à la construction de logements justifie l’entrave apportée à la liberté d’agir des groupements trop récents. Le législateur a légitimement entendu « prévenir les recours abusifs et dilatoires » qui ralentissent inutilement les chantiers et renchérissent le coût final des opérations immobilières. Le Conseil constitutionnel confirme que ce motif d’intérêt général est suffisant pour valider une différence de traitement entre les associations pérennes et celles de circonstance. La solution retenue s’inscrit dans un mouvement global de moralisation du contentieux de l’urbanisme initié par les lois récentes visant à sécuriser les projets. Cette décision renforce ainsi la sécurité juridique tout en préservant le noyau dur des libertés associatives pour les structures justifiant d’une réelle stabilité.