Conseil constitutionnel, Décision n° 2016-605 QPC du 17 janvier 2017

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 17 janvier 2017, une décision de conformité concernant l’article L. 541-10-9 du code de l’environnement relatif à la gestion des déchets. Cette disposition législative impose aux distributeurs de matériaux de construction une obligation de reprise des rebuts issus des produits vendus à des clients professionnels. Une organisation professionnelle a contesté ce texte par une question prioritaire de constitutionnalité transmise par le Conseil d’État le 17 octobre 2016. La requérante invoquait une méconnaissance de la compétence législative ainsi qu’une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre et au principe d’égalité devant la loi. Le litige porte sur la précision des critères d’assujettissement et sur la charge financière induite par cette nouvelle responsabilité environnementale des distributeurs spécialisés. Le Conseil constitutionnel devait déterminer si l’obligation de reprise des déchets portait une atteinte excessive aux droits et libertés que la Constitution garantit. Les juges déclarent la disposition conforme car le législateur a poursuivi un but d’intérêt général sans dénaturer la liberté d’entreprendre des acteurs concernés. L’étude de cette solution conduit à examiner d’abord l’encadrement législatif de l’obligation avant d’analyser sa conciliation avec les libertés économiques fondamentales.

I. L’affirmation d’une obligation de reprise législativement encadrée

A. La poursuite légitime d’un objectif d’intérêt général

Le juge constitutionnel valide d’abord la finalité de la loi en soulignant que le législateur a agi pour protéger l’environnement de manière efficace. Il relève que l’objectif consiste à « favoriser un maillage de points de collecte au plus près des chantiers de construction » pour les professionnels. Cette orientation permet de réduire sensiblement les coûts logistiques liés au transport des matériaux tout en luttant contre les décharges sauvages en nature. Le Conseil estime que cet impératif d’intérêt général justifie l’imposition de contraintes organisationnelles nouvelles aux entreprises distribuant des produits et équipements de construction. La mesure s’inscrit ainsi dans une volonté globale de transition énergétique en responsabilisant les metteurs sur le marché de produits générateurs de déchets.

B. L’exercice régulier de la compétence législative

La décision rejette ensuite le grief d’incompétence négative en considérant que la loi définit avec une précision suffisante le périmètre de l’obligation de reprise. Le législateur a valablement pu « renvoyer au pouvoir réglementaire la fixation de la surface d’unité de distribution » déterminant l’assujettissement des opérateurs économiques. La nature des déchets est également circonscrite aux produits de même type que ceux vendus, ce qui offre une visibilité juridique suffisante aux distributeurs. Les principes fondamentaux des obligations commerciales ont été respectés sans que le Parlement n’ait délégué de manière excessive sa compétence au pouvoir exécutif. La clarté des dispositions permet d’écarter toute critique relative à une imprécision qui affecterait la mise en œuvre effective de ce nouveau dispositif environnemental.

II. La conciliation opérée avec les libertés économiques et l’égalité

A. La sauvegarde substantielle de la liberté d’entreprendre

La liberté d’entreprendre n’est pas méconnue car la loi laisse aux entreprises une autonomie réelle pour organiser la collecte des déchets sur leurs sites. L’article contesté dispose que le professionnel « s’organise, en lien avec les pouvoirs publics », restant ainsi libre de fixer les modalités financières de ce service. Le Conseil souligne que l’obligation de reprise dépend de l’activité principale du distributeur, ce qui évite toute dénaturation de son modèle économique de base. L’atteinte portée à la liberté de gestion demeure donc proportionnée aux bénéfices environnementaux attendus par la mise en œuvre de cette politique nationale. Le législateur n’a pas instauré de contrainte absolue mais a simplement encadré l’exercice de l’activité commerciale au nom de la protection du milieu naturel.

B. La justification constitutionnelle d’une différence de traitement

Le grief tiré de la rupture d’égalité est enfin écarté car les distributeurs s’adressant aux professionnels sont les fournisseurs principaux des produits de construction. Ces acteurs économiques ne sont pas placés dans la même situation que les entreprises dont l’activité de vente aux professionnels demeure accessoire. Le Conseil constitutionnel affirme que « la différence de traitement instituée par les dispositions contestées repose sur une différence de situation » parfaitement objective et rationnelle. Cette distinction est en rapport direct avec l’objet de la loi, assurant ainsi la validité constitutionnelle du dispositif au regard du principe d’égalité. La décision confirme ainsi que le législateur peut différencier les charges pesant sur les entreprises en fonction de leur impact réel sur la production de déchets.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

Laisser un commentaire

En savoir plus sur Avocats en droit immobilier et droit des affaires - Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture