Tribunal judiciaire de Marseille, le 13 juin 2025, n°25/01217
L’extension d’une mesure d’expertise judiciaire à un tiers constitue un mécanisme procédural permettant d’assurer l’efficacité des opérations expertales et la protection des droits de toutes les parties potentiellement concernées par un litige. Le juge des référés du tribunal judiciaire de Marseille, dans une ordonnance du 13 juin 2025, illustre les conditions et les effets de cette extension dans le contexte particulier du droit de la copropriété.
En l’espèce, un immeuble situé à Marseille fait l’objet d’un arrêté de mise en sécurité pris par le maire le 19 septembre 2023. Plusieurs copropriétaires, propriétaires de différents lots au sein de cet immeuble, ont obtenu par ordonnance de référé du 24 mai 2024 la désignation d’un expert aux fins de description et de recherche des causes des désordres affectant l’immeuble. Des rapports techniques établis en décembre 2022 et janvier 2023 avaient préalablement identifié des désordres provenant de dégâts des eaux successifs. Au cours des opérations d’expertise, l’expert a indiqué par courriel que le logement d’un autre copropriétaire, propriétaire d’un lot au premier étage, était concerné par les travaux. Ce copropriétaire n’avait pas été partie à l’instance initiale ayant ordonné l’expertise.
Les copropriétaires demandeurs ont alors assigné ce tiers en référé le 10 avril 2025 afin de lui rendre communes et opposables les opérations expertales en cours. Le défendeur, cité à étude, n’a pas comparu à l’audience du 2 mai 2025.
La question posée au juge des référés était de déterminer si les demandeurs justifiaient d’un motif légitime pour obtenir l’extension de la mesure d’expertise précédemment ordonnée à un copropriétaire initialement non partie aux opérations.
Le juge des référés fait droit à la demande. Il déclare communes et opposables au défendeur l’ordonnance de référé du 24 mai 2024 ainsi que les opérations d’expertise, dit que le défendeur sera appelé aux opérations d’expertise et devra y participer, et laisse les dépens à la charge des demandeurs.
Cette décision invite à examiner les conditions de l’extension d’une mesure d’expertise à un tiers (I) avant d’analyser les effets procéduraux de cette extension (II).
I. Les conditions de l’extension d’une mesure d’expertise à un tiers
L’extension d’une expertise judiciaire à un tiers suppose la réunion de conditions tenant au fondement textuel de l’intervention forcée (A) et à l’exigence d’un motif légitime (B).
A. Le fondement textuel de l’intervention forcée aux fins d’opposabilité
Le juge des référés rappelle les dispositions des articles 331 et 333 du code de procédure civile. L’article 331 prévoit qu’un « tiers peut être mis en cause aux fins de condamnation par toute partie qui est en droit d’agir contre lui à titre principal » et qu’« il peut également être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement ». L’article 333 précise que « le tiers mis en cause est tenu de procéder devant la juridiction saisie de la demande originaire ».
Ces textes organisent le mécanisme de l’intervention forcée qui permet à une partie d’attraire un tiers dans une instance en cours. La mise en cause aux fins d’opposabilité du jugement constitue une forme spécifique d’intervention forcée. Elle ne tend pas à obtenir une condamnation du tiers mais à lui rendre opposable la décision à intervenir. Le juge précise que « le tiers doit être appelé en temps utile pour faire valoir sa défense », garantie procédurale fondamentale du contradictoire.
L’application de ce mécanisme à une mesure d’expertise ordonnée en référé sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile présente une particularité. Le juge énonce que « la juridiction des référés peut sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, déclarer commune à une autre partie une mesure d’instruction qu’elle a précédemment ordonnée en référé ». Cette possibilité d’extension est distincte de l’intervention volontaire du tiers et suppose une initiative des parties originaires.
B. L’exigence d’un motif légitime d’extension
Le juge subordonne l’extension de l’expertise à l’existence d’un motif légitime. Il précise qu’« il est alors nécessaire, et suffisant, conformément aux conditions posées par ce texte, qu’il existe un motif légitime de rendre l’expertise commune à d’autres parties que celles initialement visées ». Cette condition reprend l’exigence posée par l’article 145 du code de procédure civile pour l’octroi d’une mesure d’instruction in futurum.
En l’espèce, les demandeurs produisent « un courriel de l’expert mentionnant que le logement de M. [M] [O] est concerné par les travaux ». Le juge en déduit qu’ils « justifient d’un motif légitime pour obtenir la mesure d’extension réclamée dès lors qu’est établi un intérêt manifeste à pouvoir opposer à M. [M] [O] les résultats de l’expertise déjà ordonnée ».
Le motif légitime s’apprécie au regard de l’utilité de l’extension pour les demandeurs. L’implication du lot du défendeur dans les désordres affectant l’immeuble crée un lien suffisant entre ce copropriétaire et l’objet de l’expertise. Les demandeurs ont un intérêt évident à ce que les conclusions de l’expert puissent être opposées à tous les copropriétaires concernés dans une éventuelle action au fond ultérieure.
II. Les effets procéduraux de l’extension de l’expertise
L’extension de l’expertise emporte des conséquences sur la situation du tiers désormais partie aux opérations (A) et sur la répartition des charges du procès (B).
A. L’intégration du tiers aux opérations d’expertise
Le dispositif de l’ordonnance détaille les obligations pesant sur le tiers à la suite de l’extension. Le juge dit que le défendeur « sera appelé aux opérations d’expertise qui lui seront opposables, qu’il devra répondre aux convocations de l’expert, assister aux opérations d’expertise, communiquer à l’expert tous documents que celui-ci estimera nécessaires à l’accomplissement de sa mission et faire toutes observations qu’ils estimeront utiles ».
Ces obligations correspondent à celles incombant à toute partie à une expertise judiciaire. Le tiers acquiert la qualité de partie aux opérations expertales avec les droits et obligations afférents. Il pourra formuler des observations, solliciter des investigations complémentaires et faire valoir ses moyens de défense. Le principe du contradictoire sera ainsi respecté à son égard.
L’opposabilité de l’ordonnance initiale et des opérations d’expertise signifie que le tiers ne pourra plus, dans une instance ultérieure au fond, contester la régularité de l’expertise ou solliciter une nouvelle mesure d’instruction. Les conclusions de l’expert lui seront opposables dans les mêmes conditions qu’aux parties originaires. Cette opposabilité constitue l’intérêt principal de l’extension pour les demandeurs.
B. La charge des dépens de l’instance en extension
Le juge décide de « laisser les dépens du présent référé à la charge de M. [J] [I], M. [Z] [P], Mme [C] [R] épouse [P], M. [A] [X], M. [V] [S], Mme [D] épouse [E], M. [H] [D] et M. [B] [L] ». Il justifie cette répartition par le fait que « la demande étant fondée sur l’article 145 du code de procédure civile ».
Cette solution s’explique par la nature de la demande d’extension. L’instance en extension est introduite dans l’intérêt des demandeurs qui souhaitent pouvoir opposer l’expertise au tiers. Le défendeur n’a commis aucune faute justifiant sa condamnation aux dépens. Il subit passivement une intervention forcée décidée par les autres copropriétaires.
La charge des dépens de l’instance en extension se distingue de celle des frais d’expertise eux-mêmes. Ces derniers ont été mis à la charge des demandeurs par l’ordonnance initiale du 24 mai 2024 et cette répartition n’est pas modifiée par la présente décision. L’extension de l’expertise n’emporte pas automatiquement mise à la charge du tiers d’une quote-part des frais d’expertise, question qui relèvera le cas échéant du juge du fond.
L’extension d’une mesure d’expertise judiciaire à un tiers constitue un mécanisme procédural permettant d’assurer l’efficacité des opérations expertales et la protection des droits de toutes les parties potentiellement concernées par un litige. Le juge des référés du tribunal judiciaire de Marseille, dans une ordonnance du 13 juin 2025, illustre les conditions et les effets de cette extension dans le contexte particulier du droit de la copropriété.
En l’espèce, un immeuble situé à Marseille fait l’objet d’un arrêté de mise en sécurité pris par le maire le 19 septembre 2023. Plusieurs copropriétaires, propriétaires de différents lots au sein de cet immeuble, ont obtenu par ordonnance de référé du 24 mai 2024 la désignation d’un expert aux fins de description et de recherche des causes des désordres affectant l’immeuble. Des rapports techniques établis en décembre 2022 et janvier 2023 avaient préalablement identifié des désordres provenant de dégâts des eaux successifs. Au cours des opérations d’expertise, l’expert a indiqué par courriel que le logement d’un autre copropriétaire, propriétaire d’un lot au premier étage, était concerné par les travaux. Ce copropriétaire n’avait pas été partie à l’instance initiale ayant ordonné l’expertise.
Les copropriétaires demandeurs ont alors assigné ce tiers en référé le 10 avril 2025 afin de lui rendre communes et opposables les opérations expertales en cours. Le défendeur, cité à étude, n’a pas comparu à l’audience du 2 mai 2025.
La question posée au juge des référés était de déterminer si les demandeurs justifiaient d’un motif légitime pour obtenir l’extension de la mesure d’expertise précédemment ordonnée à un copropriétaire initialement non partie aux opérations.
Le juge des référés fait droit à la demande. Il déclare communes et opposables au défendeur l’ordonnance de référé du 24 mai 2024 ainsi que les opérations d’expertise, dit que le défendeur sera appelé aux opérations d’expertise et devra y participer, et laisse les dépens à la charge des demandeurs.
Cette décision invite à examiner les conditions de l’extension d’une mesure d’expertise à un tiers (I) avant d’analyser les effets procéduraux de cette extension (II).
I. Les conditions de l’extension d’une mesure d’expertise à un tiers
L’extension d’une expertise judiciaire à un tiers suppose la réunion de conditions tenant au fondement textuel de l’intervention forcée (A) et à l’exigence d’un motif légitime (B).
A. Le fondement textuel de l’intervention forcée aux fins d’opposabilité
Le juge des référés rappelle les dispositions des articles 331 et 333 du code de procédure civile. L’article 331 prévoit qu’un « tiers peut être mis en cause aux fins de condamnation par toute partie qui est en droit d’agir contre lui à titre principal » et qu’« il peut également être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement ». L’article 333 précise que « le tiers mis en cause est tenu de procéder devant la juridiction saisie de la demande originaire ».
Ces textes organisent le mécanisme de l’intervention forcée qui permet à une partie d’attraire un tiers dans une instance en cours. La mise en cause aux fins d’opposabilité du jugement constitue une forme spécifique d’intervention forcée. Elle ne tend pas à obtenir une condamnation du tiers mais à lui rendre opposable la décision à intervenir. Le juge précise que « le tiers doit être appelé en temps utile pour faire valoir sa défense », garantie procédurale fondamentale du contradictoire.
L’application de ce mécanisme à une mesure d’expertise ordonnée en référé sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile présente une particularité. Le juge énonce que « la juridiction des référés peut sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, déclarer commune à une autre partie une mesure d’instruction qu’elle a précédemment ordonnée en référé ». Cette possibilité d’extension est distincte de l’intervention volontaire du tiers et suppose une initiative des parties originaires.
B. L’exigence d’un motif légitime d’extension
Le juge subordonne l’extension de l’expertise à l’existence d’un motif légitime. Il précise qu’« il est alors nécessaire, et suffisant, conformément aux conditions posées par ce texte, qu’il existe un motif légitime de rendre l’expertise commune à d’autres parties que celles initialement visées ». Cette condition reprend l’exigence posée par l’article 145 du code de procédure civile pour l’octroi d’une mesure d’instruction in futurum.
En l’espèce, les demandeurs produisent « un courriel de l’expert mentionnant que le logement de M. [M] [O] est concerné par les travaux ». Le juge en déduit qu’ils « justifient d’un motif légitime pour obtenir la mesure d’extension réclamée dès lors qu’est établi un intérêt manifeste à pouvoir opposer à M. [M] [O] les résultats de l’expertise déjà ordonnée ».
Le motif légitime s’apprécie au regard de l’utilité de l’extension pour les demandeurs. L’implication du lot du défendeur dans les désordres affectant l’immeuble crée un lien suffisant entre ce copropriétaire et l’objet de l’expertise. Les demandeurs ont un intérêt évident à ce que les conclusions de l’expert puissent être opposées à tous les copropriétaires concernés dans une éventuelle action au fond ultérieure.
II. Les effets procéduraux de l’extension de l’expertise
L’extension de l’expertise emporte des conséquences sur la situation du tiers désormais partie aux opérations (A) et sur la répartition des charges du procès (B).
A. L’intégration du tiers aux opérations d’expertise
Le dispositif de l’ordonnance détaille les obligations pesant sur le tiers à la suite de l’extension. Le juge dit que le défendeur « sera appelé aux opérations d’expertise qui lui seront opposables, qu’il devra répondre aux convocations de l’expert, assister aux opérations d’expertise, communiquer à l’expert tous documents que celui-ci estimera nécessaires à l’accomplissement de sa mission et faire toutes observations qu’ils estimeront utiles ».
Ces obligations correspondent à celles incombant à toute partie à une expertise judiciaire. Le tiers acquiert la qualité de partie aux opérations expertales avec les droits et obligations afférents. Il pourra formuler des observations, solliciter des investigations complémentaires et faire valoir ses moyens de défense. Le principe du contradictoire sera ainsi respecté à son égard.
L’opposabilité de l’ordonnance initiale et des opérations d’expertise signifie que le tiers ne pourra plus, dans une instance ultérieure au fond, contester la régularité de l’expertise ou solliciter une nouvelle mesure d’instruction. Les conclusions de l’expert lui seront opposables dans les mêmes conditions qu’aux parties originaires. Cette opposabilité constitue l’intérêt principal de l’extension pour les demandeurs.
B. La charge des dépens de l’instance en extension
Le juge décide de « laisser les dépens du présent référé à la charge de M. [J] [I], M. [Z] [P], Mme [C] [R] épouse [P], M. [A] [X], M. [V] [S], Mme [D] épouse [E], M. [H] [D] et M. [B] [L] ». Il justifie cette répartition par le fait que « la demande étant fondée sur l’article 145 du code de procédure civile ».
Cette solution s’explique par la nature de la demande d’extension. L’instance en extension est introduite dans l’intérêt des demandeurs qui souhaitent pouvoir opposer l’expertise au tiers. Le défendeur n’a commis aucune faute justifiant sa condamnation aux dépens. Il subit passivement une intervention forcée décidée par les autres copropriétaires.
La charge des dépens de l’instance en extension se distingue de celle des frais d’expertise eux-mêmes. Ces derniers ont été mis à la charge des demandeurs par l’ordonnance initiale du 24 mai 2024 et cette répartition n’est pas modifiée par la présente décision. L’extension de l’expertise n’emporte pas automatiquement mise à la charge du tiers d’une quote-part des frais d’expertise, question qui relèvera le cas échéant du juge du fond.