Tribunal judiciaire de Grenoble, le 19 juin 2025, n°22/04262
Le contentieux de la copropriété génère un abondant volume de décisions relatives à la contestation des assemblées générales. La question des règles de vote applicables aux travaux portant sur les parties communes, qu’elles soient générales ou spéciales, demeure une source récurrente de litiges. Le Tribunal judiciaire de Grenoble, dans un jugement rendu le 19 juin 2025, apporte des précisions utiles sur l’articulation entre les dispositions légales et les stipulations du règlement de copropriété.
En l’espèce, un ensemble immobilier constitué de trois montées avait tenu une assemblée générale le 21 juin 2022. Plusieurs copropriétaires ont contesté cette assemblée, invoquant l’inintelligibilité de la convocation, l’irrégularité du procès-verbal et la contrariété des votes relatifs aux travaux de ravalement des façades et de réfection de l’étanchéité des terrasses. Les demandeurs soutenaient que la convocation ne contenait pas les éléments essentiels des contrats de travaux et que le vote par montée était contraire au règlement de copropriété, les façades relevant selon eux des parties communes générales.
Le syndicat des copropriétaires opposait la régularité de la convocation au regard de l’article 64-1 du décret du 17 mars 1967 permettant la consultation des documents sur un espace sécurisé. Il ajoutait que le règlement de copropriété qualifiait les façades de parties communes particulières, justifiant ainsi un vote par montée.
La question posée au tribunal était double : d’une part, la convocation et le procès-verbal de l’assemblée générale étaient-ils réguliers ? D’autre part, le vote par montée pour des travaux portant à la fois sur les façades et les terrasses était-il conforme aux règles applicables en présence de parties communes spéciales ?
Le Tribunal judiciaire de Grenoble déboute les demandeurs de l’ensemble de leurs prétentions. Il retient que la convocation était claire et précise, le renvoi à un espace sécurisé pour consulter les documents étant conforme à l’article 64-1 du décret de 1967. Sur le fond, le tribunal relève que le règlement de copropriété qualifie tant les façades que les terrasses de « choses communes particulières », rendant régulier le vote par montée. Il ajoute que « l’opération de ravalement général projetée consistant manifestement en une opération unique et indivisible, nécessitant non seulement la rénovation de la façade de chaque bâtiment, mais également de porter remède aux défauts d’étanchéité des terrasses, il n’y avait pas lieu de prévoir un vote séparé sur chaque lot de travaux projetés ».
Cette décision mérite examen tant au regard de la régularité formelle de l’assemblée générale (I) que des règles de vote applicables aux travaux portant sur les parties communes spéciales (II).
I. La confirmation de la régularité formelle de l’assemblée générale
Le tribunal procède à un examen méthodique des griefs formels soulevés par les demandeurs, validant la conformité de la convocation aux exigences réglementaires (A) avant de constater l’absence de démonstration des irrégularités alléguées (B).
A. La validation du recours à l’espace sécurisé pour la communication des documents
Les demandeurs invoquaient une violation de l’article 11 du décret du 17 mars 1967, lequel impose la notification des conditions essentielles des contrats « au plus tard en même temps que l’ordre du jour ». La convocation renvoyait les copropriétaires à consulter les documents relatifs aux travaux sur leur espace sécurisé dédié.
Le tribunal écarte ce moyen en relevant que « les copropriétaires sont renvoyés à consulter les documents sur leur espace sécurisé dédié, ce qui est parfaitement régulier au regard de l’article 64-1 du décret du 17 mars 1967 ». Cette disposition, introduite par le décret du 27 juin 2019, autorise en effet la mise à disposition des documents par voie électronique sur un espace sécurisé.
Cette solution s’inscrit dans la modernisation des modalités de communication au sein des copropriétés. L’article 64-1 précise que la mise à disposition sur l’espace en ligne sécurisé vaut notification. Le tribunal fait une application littérale de ce texte. Cette interprétation paraît conforme à l’esprit de la réforme visant à faciliter la dématérialisation des échanges en copropriété. Elle suppose cependant que les copropriétaires aient effectivement accès à cet espace, ce que le jugement ne discute pas. La charge de la preuve d’un éventuel défaut d’accès incomberait aux demandeurs qui n’ont pas soulevé ce point.
B. L’insuffisance de la contestation relative au décompte des voix
Les demandeurs alléguaient que « les décomptes de majorité sont également sujet à caution puisque le nombre de copropriétaire ayant pris part au vote ne correspond pas, y compris en comptabilisant les abstentionnistes, avec ceux présents ».
Le tribunal constate que « les demandeurs n’expliquent pas en quoi les décomptes de majorité seraient « sujets à caution » ». Il relève que le nombre de copropriétaires mentionné en page 1 du procès-verbal (28 présents, 6 représentés, 35 absents) correspond à celui figurant en page 18. Il en déduit qu’« aucune difficulté affectant le décompte des voix ne semble pouvoir être relevée ».
Cette motivation illustre l’exigence probatoire pesant sur le demandeur à l’action en nullité d’une assemblée générale. La simple affirmation d’une irrégularité ne suffit pas ; encore faut-il la démontrer concrètement. Le tribunal procède ici à une vérification des éléments du procès-verbal et constate leur cohérence. L’emploi de la locution « ne semble pouvoir être relevée » traduit une prudence du juge qui, en l’absence d’éléments contraires apportés par les demandeurs, ne peut que constater la régularité apparente du document.
II. La conformité du vote par montée aux règles des parties communes spéciales
Le tribunal aborde ensuite la question centrale du litige, relative aux modalités de vote pour les travaux. Il examine d’abord la qualification des éléments concernés au regard du règlement de copropriété (A) puis valide le caractère indivisible de l’opération de ravalement (B).
A. La qualification déterminante des façades en parties communes particulières
Les demandeurs soutenaient que les façades relevaient des parties communes générales et qu’en conséquence, le vote aurait dû intervenir au niveau de la copropriété dans son ensemble et non par montée.
Le tribunal se réfère à l’article 6-2 de la loi du 10 juillet 1965 issu de la loi ELAN du 23 novembre 2018, qui définit les parties communes spéciales comme « celles affectées à l’usage ou à l’utilité de plusieurs copropriétaires ». Il précise que « seuls prennent part au vote les copropriétaires à l’usage ou à l’utilité desquels sont affectées ces parties communes ». Examinant le règlement de copropriété, le tribunal relève que « si « l’ensemble architectural des façades sur rue et sur cour » est inclus dans les « choses communes générales », les « façades et leurs ornements », tout comme les terrasses, constituent des « choses communes particulières » ».
Cette distinction entre « l’ensemble architectural des façades » et « les façades et leurs ornements » est subtile mais déterminante. Le règlement de copropriété opère une différenciation entre l’aspect général de l’ensemble immobilier, commun à tous, et les façades proprement dites de chaque bâtiment. Cette qualification contractuelle s’impose au juge qui doit appliquer les stipulations du règlement, sous réserve de leur conformité à l’ordre public. Le tribunal en tire la conséquence logique que « le vote par immeuble, s’agissant de travaux portant sur des choses communes particulières, et non des choses communes générales, se révèle être régulier ».
B. La validation du vote unique pour une opération indivisible
Les demandeurs contestaient également le vote bloqué portant simultanément sur le ravalement des façades et la réfection de l’étanchéité des terrasses, arguant que chaque résolution ne devait avoir qu’un seul objet.
Le tribunal écarte ce moyen en retenant que « l’opération de ravalement général projetée consistant manifestement en une opération unique et indivisible, nécessitant non seulement la rénovation de la façade de chaque bâtiment, mais également de porter remède aux défauts d’étanchéité des terrasses, il n’y avait pas lieu de prévoir un vote séparé sur chaque lot de travaux projetés ». Il vise expressément un arrêt de la Cour de cassation du 9 février 2022 (3e civ., n° 21-10.408) à l’appui de cette solution.
Cette jurisprudence admet qu’une opération présentant un caractère indivisible puisse faire l’objet d’un vote unique. La notion d’indivisibilité s’apprécie au regard de la nature technique des travaux : lorsque des interventions sur différents éléments de l’immeuble sont interdépendantes, leur dissociation artificielle pour le vote serait source de complications. En l’espèce, le ravalement et l’étanchéité participent d’une même logique de rénovation de l’enveloppe du bâtiment. Le tribunal retient cette qualification sans que les demandeurs n’aient apporté d’éléments techniques contraires.
Enfin, le tribunal relève laconiquement que « les demandeurs ne justifient pas que des travaux d’étanchéité des terrasses avaient déjà été votés en 2021 », écartant ainsi le moyen tiré d’un prétendu double vote. Cette exigence probatoire rappelle que la contestation d’une assemblée générale requiert une démonstration rigoureuse des irrégularités alléguées.
Le contentieux de la copropriété génère un abondant volume de décisions relatives à la contestation des assemblées générales. La question des règles de vote applicables aux travaux portant sur les parties communes, qu’elles soient générales ou spéciales, demeure une source récurrente de litiges. Le Tribunal judiciaire de Grenoble, dans un jugement rendu le 19 juin 2025, apporte des précisions utiles sur l’articulation entre les dispositions légales et les stipulations du règlement de copropriété.
En l’espèce, un ensemble immobilier constitué de trois montées avait tenu une assemblée générale le 21 juin 2022. Plusieurs copropriétaires ont contesté cette assemblée, invoquant l’inintelligibilité de la convocation, l’irrégularité du procès-verbal et la contrariété des votes relatifs aux travaux de ravalement des façades et de réfection de l’étanchéité des terrasses. Les demandeurs soutenaient que la convocation ne contenait pas les éléments essentiels des contrats de travaux et que le vote par montée était contraire au règlement de copropriété, les façades relevant selon eux des parties communes générales.
Le syndicat des copropriétaires opposait la régularité de la convocation au regard de l’article 64-1 du décret du 17 mars 1967 permettant la consultation des documents sur un espace sécurisé. Il ajoutait que le règlement de copropriété qualifiait les façades de parties communes particulières, justifiant ainsi un vote par montée.
La question posée au tribunal était double : d’une part, la convocation et le procès-verbal de l’assemblée générale étaient-ils réguliers ? D’autre part, le vote par montée pour des travaux portant à la fois sur les façades et les terrasses était-il conforme aux règles applicables en présence de parties communes spéciales ?
Le Tribunal judiciaire de Grenoble déboute les demandeurs de l’ensemble de leurs prétentions. Il retient que la convocation était claire et précise, le renvoi à un espace sécurisé pour consulter les documents étant conforme à l’article 64-1 du décret de 1967. Sur le fond, le tribunal relève que le règlement de copropriété qualifie tant les façades que les terrasses de « choses communes particulières », rendant régulier le vote par montée. Il ajoute que « l’opération de ravalement général projetée consistant manifestement en une opération unique et indivisible, nécessitant non seulement la rénovation de la façade de chaque bâtiment, mais également de porter remède aux défauts d’étanchéité des terrasses, il n’y avait pas lieu de prévoir un vote séparé sur chaque lot de travaux projetés ».
Cette décision mérite examen tant au regard de la régularité formelle de l’assemblée générale (I) que des règles de vote applicables aux travaux portant sur les parties communes spéciales (II).
I. La confirmation de la régularité formelle de l’assemblée générale
Le tribunal procède à un examen méthodique des griefs formels soulevés par les demandeurs, validant la conformité de la convocation aux exigences réglementaires (A) avant de constater l’absence de démonstration des irrégularités alléguées (B).
A. La validation du recours à l’espace sécurisé pour la communication des documents
Les demandeurs invoquaient une violation de l’article 11 du décret du 17 mars 1967, lequel impose la notification des conditions essentielles des contrats « au plus tard en même temps que l’ordre du jour ». La convocation renvoyait les copropriétaires à consulter les documents relatifs aux travaux sur leur espace sécurisé dédié.
Le tribunal écarte ce moyen en relevant que « les copropriétaires sont renvoyés à consulter les documents sur leur espace sécurisé dédié, ce qui est parfaitement régulier au regard de l’article 64-1 du décret du 17 mars 1967 ». Cette disposition, introduite par le décret du 27 juin 2019, autorise en effet la mise à disposition des documents par voie électronique sur un espace sécurisé.
Cette solution s’inscrit dans la modernisation des modalités de communication au sein des copropriétés. L’article 64-1 précise que la mise à disposition sur l’espace en ligne sécurisé vaut notification. Le tribunal fait une application littérale de ce texte. Cette interprétation paraît conforme à l’esprit de la réforme visant à faciliter la dématérialisation des échanges en copropriété. Elle suppose cependant que les copropriétaires aient effectivement accès à cet espace, ce que le jugement ne discute pas. La charge de la preuve d’un éventuel défaut d’accès incomberait aux demandeurs qui n’ont pas soulevé ce point.
B. L’insuffisance de la contestation relative au décompte des voix
Les demandeurs alléguaient que « les décomptes de majorité sont également sujet à caution puisque le nombre de copropriétaire ayant pris part au vote ne correspond pas, y compris en comptabilisant les abstentionnistes, avec ceux présents ».
Le tribunal constate que « les demandeurs n’expliquent pas en quoi les décomptes de majorité seraient « sujets à caution » ». Il relève que le nombre de copropriétaires mentionné en page 1 du procès-verbal (28 présents, 6 représentés, 35 absents) correspond à celui figurant en page 18. Il en déduit qu’« aucune difficulté affectant le décompte des voix ne semble pouvoir être relevée ».
Cette motivation illustre l’exigence probatoire pesant sur le demandeur à l’action en nullité d’une assemblée générale. La simple affirmation d’une irrégularité ne suffit pas ; encore faut-il la démontrer concrètement. Le tribunal procède ici à une vérification des éléments du procès-verbal et constate leur cohérence. L’emploi de la locution « ne semble pouvoir être relevée » traduit une prudence du juge qui, en l’absence d’éléments contraires apportés par les demandeurs, ne peut que constater la régularité apparente du document.
II. La conformité du vote par montée aux règles des parties communes spéciales
Le tribunal aborde ensuite la question centrale du litige, relative aux modalités de vote pour les travaux. Il examine d’abord la qualification des éléments concernés au regard du règlement de copropriété (A) puis valide le caractère indivisible de l’opération de ravalement (B).
A. La qualification déterminante des façades en parties communes particulières
Les demandeurs soutenaient que les façades relevaient des parties communes générales et qu’en conséquence, le vote aurait dû intervenir au niveau de la copropriété dans son ensemble et non par montée.
Le tribunal se réfère à l’article 6-2 de la loi du 10 juillet 1965 issu de la loi ELAN du 23 novembre 2018, qui définit les parties communes spéciales comme « celles affectées à l’usage ou à l’utilité de plusieurs copropriétaires ». Il précise que « seuls prennent part au vote les copropriétaires à l’usage ou à l’utilité desquels sont affectées ces parties communes ». Examinant le règlement de copropriété, le tribunal relève que « si « l’ensemble architectural des façades sur rue et sur cour » est inclus dans les « choses communes générales », les « façades et leurs ornements », tout comme les terrasses, constituent des « choses communes particulières » ».
Cette distinction entre « l’ensemble architectural des façades » et « les façades et leurs ornements » est subtile mais déterminante. Le règlement de copropriété opère une différenciation entre l’aspect général de l’ensemble immobilier, commun à tous, et les façades proprement dites de chaque bâtiment. Cette qualification contractuelle s’impose au juge qui doit appliquer les stipulations du règlement, sous réserve de leur conformité à l’ordre public. Le tribunal en tire la conséquence logique que « le vote par immeuble, s’agissant de travaux portant sur des choses communes particulières, et non des choses communes générales, se révèle être régulier ».
B. La validation du vote unique pour une opération indivisible
Les demandeurs contestaient également le vote bloqué portant simultanément sur le ravalement des façades et la réfection de l’étanchéité des terrasses, arguant que chaque résolution ne devait avoir qu’un seul objet.
Le tribunal écarte ce moyen en retenant que « l’opération de ravalement général projetée consistant manifestement en une opération unique et indivisible, nécessitant non seulement la rénovation de la façade de chaque bâtiment, mais également de porter remède aux défauts d’étanchéité des terrasses, il n’y avait pas lieu de prévoir un vote séparé sur chaque lot de travaux projetés ». Il vise expressément un arrêt de la Cour de cassation du 9 février 2022 (3e civ., n° 21-10.408) à l’appui de cette solution.
Cette jurisprudence admet qu’une opération présentant un caractère indivisible puisse faire l’objet d’un vote unique. La notion d’indivisibilité s’apprécie au regard de la nature technique des travaux : lorsque des interventions sur différents éléments de l’immeuble sont interdépendantes, leur dissociation artificielle pour le vote serait source de complications. En l’espèce, le ravalement et l’étanchéité participent d’une même logique de rénovation de l’enveloppe du bâtiment. Le tribunal retient cette qualification sans que les demandeurs n’aient apporté d’éléments techniques contraires.
Enfin, le tribunal relève laconiquement que « les demandeurs ne justifient pas que des travaux d’étanchéité des terrasses avaient déjà été votés en 2021 », écartant ainsi le moyen tiré d’un prétendu double vote. Cette exigence probatoire rappelle que la contestation d’une assemblée générale requiert une démonstration rigoureuse des irrégularités alléguées.