Tribunal judiciaire de Évreux, le 18 juin 2025, n°25/00107

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Rendue par le tribunal judiciaire d’Évreux le 18 juin 2025 (RG 25/00107), l’ordonnance de référé commente l’office du juge saisi sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile. Le litige s’inscrit dans un bail commercial conclu en 2009. Le preneur, se plaignant d’une dégradation de l’immeuble loué, a sollicité une mesure d’instruction préalable. Il a produit un constat de commissaire de justice, afin d’étayer l’existence de désordres, et a demandé la désignation d’un expert.

Assigné en référé le 5 mars 2025, le bailleur a contesté l’étendue de la mission proposée, en demandant qu’elle soit strictement circonscrite aux désordres décrits. Le preneur a maintenu ses prétentions à l’audience publique du 21 mai 2025. La juridiction a été saisie d’une demande d’expertise préventive, assortie d’une discussion sur sa portée, et d’une discussion accessoire sur les frais.

La question de droit tenait aux conditions d’octroi d’une mesure d’instruction avant tout procès, et à l’étendue admissible de la mission de l’expert au regard de l’office du juge des référés. Elle portait aussi sur l’imputation des dépens lorsque la mesure est ordonnée sur le fondement de l’article 145. La juridiction retient l’existence d’un motif légitime, ordonne l’expertise, encadre strictement la mission et met les dépens à la charge du demandeur.

L’article 145 est rappelé en ces termes: « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ». La juridiction précise encore qu’« il n’appartient pas à la juridiction des référés de trancher le débat de fond sur les conditions de mise en œuvre de l’action ».

I. Les conditions de l’article 145 et l’office du juge des référés

A. Le motif légitime caractérisé par des éléments contemporains

La juridiction rappelle que la mesure suppose un motif légitime apprécié in concreto, à partir d’indices sérieux et actuels. Elle retient que la production d’un constat de commissaire de justice caractérise un commencement de preuve des désordres invoqués. Le constat établit l’état dégradé des lieux, en lien direct avec l’obligation de délivrance alléguée par le preneur. Cette pièce, contemporaine et pertinente, justifie une investigation technique préalable.

Le juge adopte une motivation brève et stricte, conforme à la finalité probatoire de l’article 145. Il retient que « la mesure demandée préserve les droits des autres parties et sera donc ordonnée ». L’exigence d’utilité et de proportionnalité apparaît satisfaite. Le souci de neutralité sur le fond irrigue l’ensemble du raisonnement, qui demeure cantonné à la conservation de preuves.

B. La neutralité du juge sur le fond du litige

La décision rappelle expressément la limite de l’office du juge des référés. Conformément au texte, il ne lui appartient pas de statuer sur le bien-fondé des prétentions futures. La motivation est explicite: « il n’appartient pas à la juridiction des référés de trancher le débat de fond ». Ce rappel évite toute dérive vers une appréciation anticipée des responsabilités.

La solution s’inscrit dans une jurisprudence exigeant un lien direct avec un litige potentiel, sans préjuger de l’issue. Le motif légitime n’équivaut ni à une présomption de responsabilité ni à une qualification juridique préalable. Le juge se borne à ouvrir un cadre probatoire, afin de préserver l’égalité des armes et d’éclairer ultérieurement la juridiction de jugement.

II. L’encadrement de la mission d’expertise et les conséquences procédurales

A. La délimitation de la mission pour éviter une appréciation juridique

La juridiction ordonne l’expertise, mais en aménage strictement la mission. Elle énonce: « Il ne saurait cependant être donné pour mission à l’expert de se prononcer sur les travaux nécessaires au respect de l’obligation de délivrance et porter ainsi une appréciation juridique. » L’expert doit décrire les désordres, en apprécier l’impact sur l’usage et la solidité, chiffrer des travaux, et fournir des éléments de fait.

Ce cadrage évite de déléguer au technicien la qualification juridique des manquements contractuels. Il préserve la séparation des rôles entre juge et expert, garantissant une expertise factuelle. L’ouverture à des « désordres connexes » procède d’une économie de procédure, sans excéder la cause technique apparente, et demeure compatible avec le contradictoire.

B. Le régime des dépens et la qualité de partie perdante

S’agissant des frais, la juridiction rappelle une règle constante en matière de référé probatoire. Elle juge que « la partie défenderesse à une demande d’expertise ordonnée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ne peut être considérée comme la partie perdante ». Le demandeur est donc tenu aux dépens, et aucune indemnité n’est allouée au titre de l’article 700.

Ce choix renforce la nature préventive et neutre de la mesure probatoire. L’imputation au demandeur, qui prend l’initiative, cohère avec la logique de provision et de consignation. La fixation d’un calendrier, l’exigence d’un pré-rapport et l’information du juge du contrôle structurent une procédure maîtrisée, au service d’une instruction utile et proportionnée.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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