Tribunal judiciaire de Bourgoin-Jallieu, le 17 juin 2025, n°25/00065

Le désistement d’instance constitue l’une des causes d’extinction du procès civil distincte du jugement sur le fond. Il permet au demandeur de renoncer à poursuivre la procédure engagée tout en conservant, sauf renonciation expresse, son droit d’action. La décision rendue par le tribunal judiciaire de Bourgoin-Jallieu le 17 juin 2025 offre une illustration classique de ce mécanisme procédural.

En l’espèce, une personne physique avait introduit une instance à l’encontre d’une société commerciale. À l’audience, la demanderesse, représentée par son père muni d’un pouvoir, a déclaré expressément se désister de sa demande afin de saisir une autre juridiction. La défenderesse a accepté ce désistement.

Le tribunal judiciaire de Bourgoin-Jallieu avait été initialement saisi du litige. À l’audience du 17 juin 2025, la demanderesse a manifesté sa volonté de mettre fin à l’instance. Le défendeur a donné son accord à ce désistement.

La question posée au tribunal était de déterminer si le désistement d’instance, expressément formulé par le demandeur et accepté par le défendeur, devait être constaté et quelles conséquences en tirer quant à l’extinction de l’instance et à la charge des frais.

Le tribunal a constaté le désistement d’instance, prononcé l’extinction de l’instance et le dessaisissement de la juridiction, puis mis les frais à la charge de la partie demanderesse.

Le désistement d’instance apparaît comme un acte de renonciation procédurale encadré par des conditions précises (I), dont les effets emportent des conséquences tant sur l’instance que sur la répartition des frais (II).

I. Les conditions du désistement d’instance

Le désistement d’instance suppose la réunion de conditions tenant à la manifestation de volonté du demandeur (A) et à l’acceptation du défendeur (B).

A. La manifestation expresse de la volonté de se désister

Le tribunal relève que la demanderesse « a déclaré expressément à l’audience par l’intermédiaire de son père se désister de sa demande en vue de mettre fin à l’instance ». Cette formulation met en lumière l’exigence d’une volonté non équivoque du demandeur de renoncer à l’instance engagée.

L’article 394 du code de procédure civile dispose que le demandeur peut se désister de sa demande en vue de mettre fin à l’instance. Ce désistement n’est soumis à aucune forme particulière et peut intervenir à tout moment de la procédure. La présente décision illustre cette souplesse formelle puisque le désistement a été déclaré oralement à l’audience.

La représentation de la demanderesse par son père, muni d’un pouvoir, ne fait pas obstacle à la validité du désistement. Le mandataire disposant d’un pouvoir régulier peut valablement accomplir les actes de procédure au nom de son mandant. La décision ne discute pas ce point, ce qui suggère que le pouvoir était suffisamment étendu pour couvrir un acte aussi significatif que le désistement.

La mention selon laquelle la demanderesse entendait « saisir une autre juridiction » révèle qu’il s’agit bien d’un désistement d’instance et non d’un désistement d’action. Cette distinction est fondamentale car le désistement d’instance laisse subsister le droit d’agir tandis que le désistement d’action y met définitivement fin.

B. L’acceptation du défendeur

Le tribunal constate que « le défendeur a accepté explicitement ce désistement ». Cette acceptation constitue une condition de perfection du désistement lorsque le défendeur a présenté des défenses au fond.

L’article 395 du code de procédure civile prévoit que le désistement n’est parfait que par l’acceptation du défendeur si celui-ci a présenté une défense au fond ou une fin de non-recevoir. En l’absence de telles défenses, le désistement produit immédiatement ses effets sans nécessité d’acceptation.

La décision ne précise pas si la défenderesse avait formulé des défenses au fond. L’acceptation explicite mentionnée par le tribunal peut s’expliquer de deux manières. Soit la défenderesse avait effectivement présenté des moyens de défense, auquel cas son acceptation était juridiquement nécessaire. Soit cette acceptation, bien que superfétatoire, a été recueillie par prudence procédurale.

La solution retenue assure la sécurité juridique des parties. L’acceptation explicite du défendeur prévient tout litige ultérieur sur la régularité du désistement. Elle manifeste également le caractère conventionnel que peut revêtir l’extinction de l’instance par désistement.

II. Les effets du désistement d’instance

Le désistement régulièrement formé et accepté produit des effets sur l’instance elle-même (A) ainsi que sur la répartition des frais de procédure (B).

A. L’extinction de l’instance et le dessaisissement du juge

Le tribunal « constate l’extinction de l’instance et le dessaisissement de la juridiction ». Ces deux effets, bien que liés, méritent d’être distingués.

L’extinction de l’instance signifie que le lien juridique d’instance qui unissait les parties devant cette juridiction prend fin. L’article 398 du code de procédure civile précise que le désistement d’instance n’emporte pas renonciation à l’action. La demanderesse conserve donc la faculté d’introduire une nouvelle instance relative au même litige devant une autre juridiction, comme elle a déclaré vouloir le faire.

Le dessaisissement de la juridiction constitue la conséquence directe de l’extinction de l’instance. Le tribunal ne peut plus statuer sur le fond du litige ni sur quelque demande que ce soit, hormis les frais de l’instance. Ce dessaisissement est immédiat et définitif. Aucun recours n’est ouvert contre la décision constatant le désistement puisque celle-ci ne tranche aucune contestation.

La nature de la décision rendue par le tribunal appelle une observation. Il s’agit d’une décision de constat et non d’un jugement au sens strict. Le juge se borne à prendre acte de la volonté concordante des parties sans trancher de litige. Cette nature particulière explique la brièveté de la motivation et l’absence de discussion juridique approfondie.

B. L’imputation des frais à la charge du demandeur

Le tribunal « décide que les frais de l’instance éteinte seront supportés par » la demanderesse. Cette solution correspond à l’application de la règle posée par l’article 399 du code de procédure civile.

Ce texte dispose que le désistement emporte, sauf convention contraire, soumission de payer les frais de l’instance éteinte. Le demandeur qui renonce à poursuivre la procédure qu’il a lui-même initiée doit logiquement en assumer les conséquences financières. Il serait inéquitable de faire supporter au défendeur les frais d’une instance à laquelle il n’a pas souhaité mettre fin.

La décision ne mentionne pas de convention contraire entre les parties. La règle supplétive trouve donc à s’appliquer. Les frais visés comprennent les dépens au sens de l’article 695 du code de procédure civile mais non les frais irrépétibles de l’article 700. Le défendeur n’ayant pas sollicité de condamnation sur ce fondement, le tribunal n’avait pas à statuer sur ce point.

Cette répartition des frais présente un caractère équilibré. Elle sanctionne modérément l’initiative procédurale avortée tout en préservant le droit du demandeur de saisir ultérieurement une juridiction qu’il estime plus appropriée. La mention de la volonté de saisir une autre juridiction laisse présager un nouveau procès dont l’issue demeure incertaine.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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