Deuxième chambre civile de la Cour de cassation, le 26 juin 2025, n°23-23.311
La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, par une décision du 26 juin 2025, illustre le mécanisme du rejet non spécialement motivé prévu à l’article 1014 du code de procédure civile. Cette décision, rendue dans un litige relevant de la chambre des terres de Polynésie française, offre l’occasion d’examiner les conditions et la portée de ce filtrage des pourvois.
Deux consorts avaient formé un pourvoi contre un arrêt rendu le 24 août 2023 par la cour d’appel de Papeete, chambre des terres, dans un litige les opposant à une parente. La nature exacte du différend foncier n’apparaît pas dans la décision commentée. Le dossier fut communiqué au procureur général. Le conseiller référendaire rapporteur présenta son rapport et les parties produisirent leurs observations écrites par l’intermédiaire de leurs avocats respectifs. L’avocat général rendit son avis. Après débats en audience publique le 14 mai 2025, la formation de jugement délibéra.
Les demandeurs au pourvoi invoquaient des moyens de cassation à l’encontre de l’arrêt d’appel. La défenderesse concluait au rejet du pourvoi.
La question posée à la Cour de cassation était de déterminer si les moyens de cassation présentés étaient de nature à entraîner la cassation de l’arrêt attaqué.
La Cour de cassation répond par la négative. Elle juge que « les moyens de cassation, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ». Elle rejette le pourvoi sans motivation spéciale, en application de l’article 1014 alinéa 1er du code de procédure civile. Les demandeurs sont condamnés aux dépens et les demandes au titre de l’article 700 sont rejetées.
Cette décision invite à examiner le mécanisme du filtrage des pourvois par le rejet non spécialement motivé (I), puis à en apprécier les implications procédurales et les limites (II).
I. Le mécanisme du filtrage des pourvois devant la Cour de cassation
Le rejet non spécialement motivé repose sur des conditions d’application précises (A) et traduit une conception particulière du rôle normatif de la haute juridiction (B).
A. Les conditions d’application de l’article 1014 du code de procédure civile
L’article 1014 alinéa 1er du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 6 mai 2017, permet à la Cour de cassation de rejeter un pourvoi par une décision non spécialement motivée lorsque les moyens ne sont « manifestement pas de nature à entraîner la cassation ». Cette formulation implique une appréciation du caractère manifestement non fondé des griefs soulevés.
La décision commentée applique ce texte de manière lapidaire. La Cour énonce que les moyens invoqués ne sont « manifestement pas de nature à entraîner la cassation ». Elle ne précise pas la teneur de ces moyens ni les raisons de leur rejet. Le justiciable ignore ainsi les motifs pour lesquels ses arguments ont été écartés.
Cette technique procédurale suppose un examen préalable des moyens par la formation de jugement. Le conseiller rapporteur analyse le dossier et propose le rejet non motivé. L’avocat général rend son avis. La formation délibère avant de statuer. Le contradictoire est respecté puisque les parties ont produit leurs observations écrites.
B. La fonction régulatrice de la Cour de cassation
Le rejet non spécialement motivé participe de la mission normative de la Cour de cassation. En écartant les pourvois dépourvus de chances sérieuses de succès, la haute juridiction concentre ses ressources sur les questions juridiques méritant une réponse de principe.
Ce mécanisme s’inscrit dans un mouvement de rationalisation du contentieux de cassation. L’encombrement du rôle de la Cour justifie des procédures simplifiées pour les affaires ne soulevant pas de difficulté juridique réelle. La décision commentée en offre une illustration ordinaire.
La chambre des terres de Papeete connaît des litiges fonciers propres à la Polynésie française. Le régime juridique applicable combine droit commun et règles locales. La Cour de cassation conserve son rôle de juridiction suprême pour ce contentieux spécifique. Le rejet non motivé démontre que les questions posées ne justifiaient pas un arrêt de principe.
II. Les implications et les limites du rejet non spécialement motivé
Cette technique procédurale emporte des conséquences sur les droits du justiciable (A) et soulève des interrogations quant à sa compatibilité avec les exigences du procès équitable (B).
A. L’absence de motivation et ses conséquences pour le justiciable
Le rejet non spécialement motivé prive le demandeur au pourvoi de toute explication sur le sort réservé à ses moyens. La décision commentée se borne à constater l’absence manifeste de bien-fondé sans autre précision. Cette brièveté peut susciter une incompréhension légitime.
Les demandeurs sont condamnés aux dépens conformément à l’article 696 du code de procédure civile. Les demandes formées au titre de l’article 700 sont rejetées, tant celle des demandeurs que celle de la défenderesse. Ce rejet réciproque suggère que l’équité ne commandait pas une indemnisation des frais irrépétibles.
La décision met un terme définitif au litige sur le plan procédural. Les voies de recours sont épuisées. Les demandeurs ne disposent d’aucun moyen de contester cette décision. Le caractère définitif du rejet s’impose sans que les parties connaissent les raisons précises de l’échec du pourvoi.
B. La compatibilité avec les exigences du procès équitable
L’article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne des droits de l’homme garantit le droit à un procès équitable. La Cour européenne admet que les juridictions suprêmes puissent motiver leurs décisions de manière succincte. Elle exige toutefois que le justiciable ait bénéficié d’un examen effectif de ses griefs.
Le rejet non spécialement motivé satisfait formellement à cette exigence. La formation de jugement examine les moyens avant de conclure à leur caractère manifestement non fondé. Le rapport du conseiller référendaire et l’avis de l’avocat général attestent de cet examen. Les observations écrites des parties ont été prises en considération.
La décision commentée respecte ce cadre procédural. Elle mentionne la communication du dossier au procureur général, le rapport du conseiller rapporteur, les observations des avocats et l’avis de l’avocat général. La collégialité est assurée par la composition de la formation. Le délibéré précède le prononcé de la décision.
Cette conformité aux exigences conventionnelles n’empêche pas de s’interroger sur l’évolution de cette pratique. Le nombre croissant de rejets non motivés pourrait altérer la perception de la Cour de cassation comme juridiction accessible. L’équilibre entre efficacité procédurale et droit au recours effectif demeure une question sensible.
La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, par une décision du 26 juin 2025, illustre le mécanisme du rejet non spécialement motivé prévu à l’article 1014 du code de procédure civile. Cette décision, rendue dans un litige relevant de la chambre des terres de Polynésie française, offre l’occasion d’examiner les conditions et la portée de ce filtrage des pourvois.
Deux consorts avaient formé un pourvoi contre un arrêt rendu le 24 août 2023 par la cour d’appel de Papeete, chambre des terres, dans un litige les opposant à une parente. La nature exacte du différend foncier n’apparaît pas dans la décision commentée. Le dossier fut communiqué au procureur général. Le conseiller référendaire rapporteur présenta son rapport et les parties produisirent leurs observations écrites par l’intermédiaire de leurs avocats respectifs. L’avocat général rendit son avis. Après débats en audience publique le 14 mai 2025, la formation de jugement délibéra.
Les demandeurs au pourvoi invoquaient des moyens de cassation à l’encontre de l’arrêt d’appel. La défenderesse concluait au rejet du pourvoi.
La question posée à la Cour de cassation était de déterminer si les moyens de cassation présentés étaient de nature à entraîner la cassation de l’arrêt attaqué.
La Cour de cassation répond par la négative. Elle juge que « les moyens de cassation, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ». Elle rejette le pourvoi sans motivation spéciale, en application de l’article 1014 alinéa 1er du code de procédure civile. Les demandeurs sont condamnés aux dépens et les demandes au titre de l’article 700 sont rejetées.
Cette décision invite à examiner le mécanisme du filtrage des pourvois par le rejet non spécialement motivé (I), puis à en apprécier les implications procédurales et les limites (II).
I. Le mécanisme du filtrage des pourvois devant la Cour de cassation
Le rejet non spécialement motivé repose sur des conditions d’application précises (A) et traduit une conception particulière du rôle normatif de la haute juridiction (B).
A. Les conditions d’application de l’article 1014 du code de procédure civile
L’article 1014 alinéa 1er du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 6 mai 2017, permet à la Cour de cassation de rejeter un pourvoi par une décision non spécialement motivée lorsque les moyens ne sont « manifestement pas de nature à entraîner la cassation ». Cette formulation implique une appréciation du caractère manifestement non fondé des griefs soulevés.
La décision commentée applique ce texte de manière lapidaire. La Cour énonce que les moyens invoqués ne sont « manifestement pas de nature à entraîner la cassation ». Elle ne précise pas la teneur de ces moyens ni les raisons de leur rejet. Le justiciable ignore ainsi les motifs pour lesquels ses arguments ont été écartés.
Cette technique procédurale suppose un examen préalable des moyens par la formation de jugement. Le conseiller rapporteur analyse le dossier et propose le rejet non motivé. L’avocat général rend son avis. La formation délibère avant de statuer. Le contradictoire est respecté puisque les parties ont produit leurs observations écrites.
B. La fonction régulatrice de la Cour de cassation
Le rejet non spécialement motivé participe de la mission normative de la Cour de cassation. En écartant les pourvois dépourvus de chances sérieuses de succès, la haute juridiction concentre ses ressources sur les questions juridiques méritant une réponse de principe.
Ce mécanisme s’inscrit dans un mouvement de rationalisation du contentieux de cassation. L’encombrement du rôle de la Cour justifie des procédures simplifiées pour les affaires ne soulevant pas de difficulté juridique réelle. La décision commentée en offre une illustration ordinaire.
La chambre des terres de Papeete connaît des litiges fonciers propres à la Polynésie française. Le régime juridique applicable combine droit commun et règles locales. La Cour de cassation conserve son rôle de juridiction suprême pour ce contentieux spécifique. Le rejet non motivé démontre que les questions posées ne justifiaient pas un arrêt de principe.
II. Les implications et les limites du rejet non spécialement motivé
Cette technique procédurale emporte des conséquences sur les droits du justiciable (A) et soulève des interrogations quant à sa compatibilité avec les exigences du procès équitable (B).
A. L’absence de motivation et ses conséquences pour le justiciable
Le rejet non spécialement motivé prive le demandeur au pourvoi de toute explication sur le sort réservé à ses moyens. La décision commentée se borne à constater l’absence manifeste de bien-fondé sans autre précision. Cette brièveté peut susciter une incompréhension légitime.
Les demandeurs sont condamnés aux dépens conformément à l’article 696 du code de procédure civile. Les demandes formées au titre de l’article 700 sont rejetées, tant celle des demandeurs que celle de la défenderesse. Ce rejet réciproque suggère que l’équité ne commandait pas une indemnisation des frais irrépétibles.
La décision met un terme définitif au litige sur le plan procédural. Les voies de recours sont épuisées. Les demandeurs ne disposent d’aucun moyen de contester cette décision. Le caractère définitif du rejet s’impose sans que les parties connaissent les raisons précises de l’échec du pourvoi.
B. La compatibilité avec les exigences du procès équitable
L’article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne des droits de l’homme garantit le droit à un procès équitable. La Cour européenne admet que les juridictions suprêmes puissent motiver leurs décisions de manière succincte. Elle exige toutefois que le justiciable ait bénéficié d’un examen effectif de ses griefs.
Le rejet non spécialement motivé satisfait formellement à cette exigence. La formation de jugement examine les moyens avant de conclure à leur caractère manifestement non fondé. Le rapport du conseiller référendaire et l’avis de l’avocat général attestent de cet examen. Les observations écrites des parties ont été prises en considération.
La décision commentée respecte ce cadre procédural. Elle mentionne la communication du dossier au procureur général, le rapport du conseiller rapporteur, les observations des avocats et l’avis de l’avocat général. La collégialité est assurée par la composition de la formation. Le délibéré précède le prononcé de la décision.
Cette conformité aux exigences conventionnelles n’empêche pas de s’interroger sur l’évolution de cette pratique. Le nombre croissant de rejets non motivés pourrait altérer la perception de la Cour de cassation comme juridiction accessible. L’équilibre entre efficacité procédurale et droit au recours effectif demeure une question sensible.