Cour de justice de l’Union européenne, le 17 novembre 2022, n°C-578/21

La Cour de justice de l’Union européenne rejette le pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne rendu le 7 juillet 2021. Le litige portait sur la légalité d’un régime de taxation foncière appliqué au secteur de la production d’électricité au sein d’un État membre.

Des producteurs d’énergie éolienne soutenaient que les méthodes d’évaluation des biens immobiliers favorisaient indûment les centrales utilisant des combustibles fossiles par une sous-évaluation de leur assiette fiscale.

L’institution chargée de la concurrence a conclu, après un examen préliminaire, que la mesure ne constituait pas une aide d’État au sens du droit de l’Union. Les requérantes ont alors saisi le Tribunal de l’Union européenne d’un recours en annulation contre cette décision de non-objection.

Celui-ci ayant rejeté leur demande, elles ont formé un pourvoi devant la Cour de justice en invoquant l’existence de difficultés sérieuses lors de l’instruction. Les juges devaient déterminer si l’ensemble des indices fournis imposait objectivement l’ouverture d’une procédure formelle d’examen par l’autorité compétente.

La Cour de justice valide le raisonnement des premiers juges en précisant d’abord les critères d’identification des doutes sérieux (I) avant de borner strictement les obligations d’enquête (II).

I. La caractérisation rigoureuse des difficultés sérieuses lors de l’examen préliminaire

A. L’insuffisance de la durée de l’instruction comme indice de doute

La Cour rappelle que la phase préliminaire vise à permettre à l’institution d’acquérir la conviction que la mesure examinée ne constitue pas une aide. Elle souligne que « la durée de la procédure d’examen préliminaire ne saurait à elle seule permettre de déduire que cette institution aurait dû ouvrir la procédure formelle ».

L’écoulement du temps ne suffit pas à caractériser l’existence de doutes, surtout lorsque les échanges avec les parties justifient les délais observés. Cette approche préserve l’efficacité du contrôle administratif tout en évitant une automaticité procédurale fondée sur de simples critères chronologiques.

B. La conciliation de la complexité technique avec la célérité procédurale

La technicité des questions soulevées ne commande pas systématiquement le passage à une phase d’examen approfondie sous peine de paralyser l’action administrative. Les juges précisent qu’« une telle complexité ne signifie pas que la Commission doive, en toute hypothèse, ouvrir la procédure formelle d’examen ».

L’autorité peut légitimement discuter de points techniques avec l’État membre durant la phase initiale pour surmonter les obstacles éventuellement rencontrés. La complexité constitue une circonstance de fait mais ne démontre pas l’existence de difficultés insurmontables pour l’institution lors du premier examen.

L’appréciation des indices de doute repose également sur une répartition précise de la charge de la preuve entre les parties et l’administration.

II. La délimitation stricte des obligations d’enquête pesant sur l’institution

A. La confirmation du régime probatoire incombant aux parties requérantes

Le caractère objectif des difficultés sérieuses impose au demandeur de l’annulation de rapporter la preuve de leur existence à partir d’indices concordants. La Cour confirme que cette preuve « doit être rapportée par le demandeur de l’annulation de cette décision » en se fondant sur les circonstances de l’espèce.

Le juge de l’Union exerce un contrôle sur l’erreur manifeste d’appréciation sans pour autant se substituer au pouvoir d’instruction de l’organe décisionnel. Cette rigueur probatoire protège la sécurité juridique des décisions prises au terme d’un examen diligent et cohérent de premier niveau.

B. L’exclusion d’une obligation de recherche proactive d’informations publiques

L’obligation de diligence n’impose pas à l’autorité de pallier les carences des plaignants dans la présentation de leurs arguments ou des preuves pertinentes. Il est jugé qu’« il ne lui incombe toutefois pas de rechercher, de sa propre initiative et à défaut de tout indice en ce sens, toutes les informations ».

L’examen doit porter sur les éléments dont l’institution disposait ou pouvait disposer au moment de l’adoption de l’acte juridique contesté. Le respect de l’impartialité n’implique pas une recherche exhaustive d’informations publiques en l’absence d’indications précises fournies par les intéressés durant la procédure.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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