La Cour de justice de l’Union européenne a rendu un arrêt important le 12 juillet 2012 relatif à l’application de la fiscalité sur la valeur ajoutée. Cette décision précise les conditions d’exonération d’une livraison immobilière portant sur un bâtiment ancien dont la transformation en un immeuble neuf est déjà engagée.
Un acquéreur a obtenu des droits de propriété sur des espaces commerciaux en vue de transformer l’ensemble immobilier en un bâtiment totalement neuf. Des travaux de démolition partielle ont été réalisés par le vendeur avant la cession du bien puis poursuivis par l’acheteur après la livraison effective. La galerie marchande demeurait toutefois accessible au public et au moins un commerce restait en activité le jour de la signature de l’acte notarié.
L’administration fiscale a émis un avis de redressement au titre des droits de transmission en considérant que l’opération était exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée. Le recours formé devant le tribunal d’arrondissement de Haarlem a été rejeté au motif que les travaux n’étaient pas assez avancés pour constater un bâtiment neuf. La cour d’appel d’Amsterdam a confirmé ce jugement le 19 mai 2008 en soulignant que le bâtiment existant était toujours propre à une utilisation commerciale. Le juge de cassation a alors décidé de surseoir à statuer pour interroger la juridiction européenne sur l’interprétation de la sixième directive.
La question posée au juge européen consiste à savoir si la livraison d’un immeuble ancien partiellement démoli doit être soumise à la taxe sur la valeur ajoutée. Il convient de déterminer si le projet de transformation en bâtiment neuf suffit à écarter l’exonération normalement applicable aux ventes de constructions déjà occupées par le passé.
La Cour de justice décide que l’exonération « couvre une opération de livraison d’un bien immeuble composé d’un terrain et d’un bâtiment ancien en cours de transformation ». Cette solution prévaut dès lors que le bâtiment n’a subi que des démolitions partielles et reste, au moins en partie, encore utilisé comme tel.
I. L’affirmation du maintien de la qualification de bâtiment ancien
A. La primauté de l’état matériel de l’immeuble lors de la livraison
La Cour de justice fonde son raisonnement sur la réalité physique de la construction au jour précis où le transfert de propriété intervient entre les parties. Elle rappelle que les États membres peuvent soumettre à la taxe les livraisons effectuées avant la « première occupation » consécutive à une transformation profonde du bien. Cette faculté exige toutefois que les travaux aient déjà donné naissance à un bâtiment substantiellement différent de l’ouvrage initial au moment de sa cession définitive. Un immeuble qui n’a subi que des démolitions partielles conserve son identité juridique de construction ancienne et bénéficie donc du principe général d’exonération de la taxe.
B. L’incidence déterminante de l’utilisation effective du bien
Le juge européen accorde une importance particulière au maintien d’une exploitation commerciale même résiduelle au sein de la galerie marchande pendant la phase de travaux. La présence d’un magasin en activité et l’accès maintenu du public démontrent que le bâtiment ancien n’a pas encore perdu sa fonction économique originelle. Cette occupation persistante empêche de qualifier la livraison de vente d’un bâtiment neuf avant sa première utilisation au sens des dispositions de la sixième directive. La transformation en cours ne suffit pas à créer une nouvelle réalité fiscale tant que l’usage de la structure existante demeure possible pour les occupants.
II. La portée nuancée de l’intention des parties au contrat
A. Une intention économique subordonnée à des critères objectifs
La juridiction souligne que l’intention des contractants de réaliser un bâtiment neuf doit être étayée par des éléments matériels vérifiables pour influencer la qualification fiscale. L’obtention d’un permis de construire par le vendeur constitue un indice probant mais il ne saurait primer sur l’état d’avancement réel du chantier de rénovation. Les juges nationaux doivent s’assurer que l’opération ne constitue pas un montage artificiel visant uniquement à obtenir un avantage fiscal indû par une qualification erronée. L’appréciation globale des circonstances doit confirmer que la mutation porte bien sur un immeuble dont la structure ancienne subsiste encore largement au moment des faits.
B. La préservation de la neutralité et de la sécurité juridique
Cette décision assure une application stricte des exonérations prévues par le droit de l’Union tout en respectant les objectifs de neutralité inhérents à la taxe. En privilégiant des critères physiques et d’utilisation plutôt que des projets futurs, la Cour garantit une prévisibilité nécessaire pour les opérateurs du secteur de l’immobilier. La solution retenue évite des requalifications fiscales aléatoires fondées sur des prévisions de travaux dont l’issue ou le rythme pourraient varier après le transfert de propriété. Le régime de la taxe sur la valeur ajoutée reste ainsi lié à l’état présent du bien livré et non à son évolution potentielle.