Cour d’appel de Rouen, le 24 juillet 2025, n°24/00432
L’arrêt rendu par la cour d’appel de Rouen le 24 juillet 2025 illustre les difficultés inhérentes à la conciliation des travaux entrepris par un bailleur et du droit du preneur à la jouissance paisible des lieux loués. En l’espèce, une entrepreneuse individuelle exploitait un salon de beauté dans un local commercial depuis 2012. La propriété de l’immeuble avait été transférée à une commune en mars 2019. Celle-ci entreprit des travaux de rénovation à compter de janvier 2020. La locataire cessa de régler ses loyers à partir de mars 2020, invoquant des nuisances incompatibles avec son activité. Un commandement de payer lui fut délivré en décembre 2020. Elle remit les clés du local en février 2021. Elle assigna la commune aux fins de condamnation au paiement d’une indemnité d’éviction et de dommages et intérêts, tout en sollicitant la réduction de son arriéré locatif. Le tribunal judiciaire de Rouen, par jugement du 20 décembre 2023, condamna la commune à verser une indemnité limitée à 800 euros au titre de la perte de chiffre d’affaires et rejeta la demande d’indemnité d’éviction. La locataire interjeta appel. Elle soutenait que le bailleur avait manqué à son obligation d’assurer la jouissance paisible du local pendant les travaux, que la rupture du bail lui était imputable et que le loyer devait être réduit proportionnellement à la privation de jouissance. La commune répliquait que les travaux étaient nécessaires compte tenu de l’état d’insalubrité laissé par l’ancien propriétaire, que leur durée n’était pas anormale et que la locataire avait choisi de ne plus exploiter son local.
La cour d’appel de Rouen devait déterminer si le bailleur avait manqué à son obligation de garantir au preneur la jouissance paisible des lieux durant les travaux, si ce manquement justifiait une réduction du loyer et une indemnisation des préjudices subis, et enfin si le locataire pouvait prétendre à une indemnité d’éviction.
La cour d’appel infirme partiellement le jugement. Elle retient le manquement du bailleur à son obligation de jouissance paisible pour les mois de janvier et février 2020 ainsi que du 17 mai 2020 au 1er février 2021. Elle condamne la commune à verser 6 136 euros au titre de la perte de chiffre d’affaires, 2 000 euros au titre du préjudice moral et 463,38 euros au titre des frais de constat. Elle ordonne la réduction du loyer de 1 400 euros et confirme le rejet de la demande d’indemnité d’éviction.
La solution retenue par la cour d’appel de Rouen mérite examen tant au regard de l’étendue de l’obligation de jouissance paisible pesant sur le bailleur (I) que des conséquences indemnitaires du manquement à cette obligation (II).
I. La caractérisation du manquement à l’obligation de jouissance paisible
La cour d’appel consacre une conception rigoureuse de l’obligation de jouissance paisible en matière de bail commercial (A), tout en circonscrivant avec précision les périodes de trouble imputables au bailleur (B).
A. L’affirmation d’une obligation de garantie à la charge du bailleur
La cour rappelle que « le bailleur est tenu, par la nature du contrat et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière, de garantir au preneur la jouissance paisible des locaux, ce qui le rend responsable des troubles qui y sont apportés et qu’il ne peut s’en exonérer qu’en cas de force majeure ». Cette formulation consacre une obligation de résultat pesant sur le bailleur. L’article 1719, 3° du code civil impose au bailleur de faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail. La jurisprudence interprète cette disposition comme instituant une véritable garantie dont le bailleur ne peut s’exonérer que par la preuve de la force majeure.
En l’espèce, la commune invoquait la nécessité des travaux compte tenu de l’état d’insalubrité de l’immeuble. La cour écarte cet argument en relevant que « la commune de [Localité 9] ne conteste pas être à l’origine de l’état dans lequel se trouve le bien loué » et qu’elle « n’en justifie nullement par un état des lieux ». Le bailleur qui entreprend des travaux dans les lieux loués demeure responsable des troubles occasionnés au preneur, quand bien même ces travaux seraient nécessaires. La circonstance que l’ancien propriétaire aurait laissé l’immeuble en mauvais état est inopérante dès lors que le nouveau propriétaire a succédé dans les droits et obligations du bailleur initial.
La solution retenue s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence qui refuse d’admettre que le caractère nécessaire ou urgent des travaux puisse constituer un fait justificatif exonérant le bailleur de sa responsabilité.
B. La délimitation des périodes de trouble effectif
La cour procède à une analyse circonstanciée des éléments de preuve pour déterminer les périodes durant lesquelles le trouble de jouissance est caractérisé. Elle retient le manquement du bailleur pour les mois de janvier et février 2020, puis du 17 mai 2020 au 1er février 2021, en excluant toutefois la période de confinement sanitaire.
Les constats d’huissier jouent un rôle déterminant dans l’établissement du trouble. Le procès-verbal du 14 mai 2020 révèle que « la façade de l’immeuble et le pignon ouest sont échafaudés » et que « dans l’atelier de soins le parquet flottant est légèrement gondolé ». Celui du 27 octobre 2020 mentionne « la présence d’une bâche en plastique de protection tendue en travers de la pièce, des traces de reprise de plâtre, une découpe dans le placo plâtre au plafond » et une fuite d’eau rendant impossible l’exploitation de l’activité.
La cour souligne qu’« un salon de beauté étant un lieu offrant des soins destinés à se détendre et à se relaxer, les désagréments occasionnés par les travaux (‘) sont à l’origine d’un trouble manifeste à la quiétude nécessaire à l’exercice de cette activité ». Cette appréciation tient compte de la nature particulière de l’activité exercée. Les exigences d’hygiène et de propreté inhérentes à un institut de beauté rendent ce type de commerce particulièrement vulnérable aux nuisances de chantier.
La cour exclut toutefois la période du 30 octobre au 15 décembre 2020, correspondant au confinement sanitaire. Le trouble de jouissance résultant d’une mesure administrative générale ne saurait être imputé au bailleur. Cette distinction témoigne du souci de la cour de n’indemniser que les préjudices présentant un lien de causalité direct avec les manquements du bailleur.
II. Les conséquences indemnitaires du manquement du bailleur
La reconnaissance du manquement du bailleur emporte des conséquences tant sur le plan de l’indemnisation des préjudices subis (A) que sur celui de la réduction du loyer, tandis que la demande d’indemnité d’éviction se heurte à l’absence de perte effective du fonds de commerce (B).
A. La réparation intégrale des préjudices liés au trouble de jouissance
La cour accorde à la locataire une indemnisation substantielle couvrant plusieurs postes de préjudice. Au titre de la perte de chiffre d’affaires, elle retient la méthode de comparaison mensuelle entre les années 2019 et 2020, permettant de « prendre en compte l’impact de la crise Covid sur la crise économique ». Cette méthode évite d’imputer au bailleur des pertes résultant du contexte sanitaire général. L’indemnité est fixée à 6 136 euros.
La reconnaissance du préjudice moral est particulièrement significative. La cour relève que la locataire s’est adressée « à de nombreuses reprises au bailleur » pour l’informer de ses difficultés et que « la réponse du bailleur a consisté d’une part à lui reprocher d’avoir suspendu les prélèvements de loyer (‘) et d’autre part à lui indiquer que le conseil municipal allait voter une délibération (‘) pour engager une procédure de recouvrement ». Le comportement du bailleur, consistant à délivrer un commandement de payer alors que le local était inexploitable, puis à pratiquer une saisie administrative à tiers détenteur malgré la compensation ordonnée par le premier juge, caractérise une attitude particulièrement rigoureuse justifiant l’allocation de 2 000 euros de dommages et intérêts.
Sur le fondement de l’article 1724 du code civil, la cour ordonne une réduction du loyer de 1 400 euros pour la période excédant vingt et un jours de travaux. Cette disposition permet au preneur de bénéficier d’une diminution proportionnelle du loyer lorsque les réparations le privent d’une partie de la chose louée au-delà de ce délai.
B. Le rejet de l’indemnité d’éviction faute de perte du fonds de commerce
La confirmation du rejet de la demande d’indemnité d’éviction repose sur un motif pragmatique. La cour constate que la locataire « a déplacé en début d’année 2021 son activité à son domicile » et qu’elle « exerce à son domicile sous la même enseigne ». L’intéressée reconnaît elle-même que « son chiffre d’affaires est revenu à la normale en février 2021 lorsqu’elle a pu reprendre pleinement son activité ».
L’article L. 145-14 du code de commerce prévoit que l’indemnité d’éviction est « égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement » et « comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce ». Or, la cour relève que « Madame [T] en déplaçant son activité n’a pas perdu son fonds de commerce » et qu’elle « ne justifie pas de la perte de clientèle alléguée ni de ce qu’elle ne peut pas proposer les mêmes prestations ».
La locataire invoquait l’impossibilité de louer un nouveau local compte tenu de sa situation financière. La cour admet que ce préjudice pourrait théoriquement être réparé au titre de l’indemnité d’éviction mais constate qu’« aucune pièce actualisée n’est versée aux débats par l’appelante concernant le prix du marché d’un local équivalent ». La charge de la preuve de l’existence et de l’étendue du préjudice incombe au demandeur. En l’absence d’éléments probants, la demande ne peut qu’être rejetée.
Cette solution illustre la distinction entre la perte du droit au renouvellement, qui ouvre droit à indemnité d’éviction, et la perte effective du fonds de commerce, qui conditionne le quantum de cette indemnité. La poursuite de l’activité sous la même enseigne, avec une clientèle maintenue, prive la demande de son fondement. La cour d’appel de Rouen adopte ainsi une approche concrète de l’indemnité d’éviction, subordonnée à la démonstration d’un préjudice réel et non d’une simple privation du droit au bail.
L’arrêt rendu par la cour d’appel de Rouen le 24 juillet 2025 illustre les difficultés inhérentes à la conciliation des travaux entrepris par un bailleur et du droit du preneur à la jouissance paisible des lieux loués. En l’espèce, une entrepreneuse individuelle exploitait un salon de beauté dans un local commercial depuis 2012. La propriété de l’immeuble avait été transférée à une commune en mars 2019. Celle-ci entreprit des travaux de rénovation à compter de janvier 2020. La locataire cessa de régler ses loyers à partir de mars 2020, invoquant des nuisances incompatibles avec son activité. Un commandement de payer lui fut délivré en décembre 2020. Elle remit les clés du local en février 2021. Elle assigna la commune aux fins de condamnation au paiement d’une indemnité d’éviction et de dommages et intérêts, tout en sollicitant la réduction de son arriéré locatif. Le tribunal judiciaire de Rouen, par jugement du 20 décembre 2023, condamna la commune à verser une indemnité limitée à 800 euros au titre de la perte de chiffre d’affaires et rejeta la demande d’indemnité d’éviction. La locataire interjeta appel. Elle soutenait que le bailleur avait manqué à son obligation d’assurer la jouissance paisible du local pendant les travaux, que la rupture du bail lui était imputable et que le loyer devait être réduit proportionnellement à la privation de jouissance. La commune répliquait que les travaux étaient nécessaires compte tenu de l’état d’insalubrité laissé par l’ancien propriétaire, que leur durée n’était pas anormale et que la locataire avait choisi de ne plus exploiter son local.
La cour d’appel de Rouen devait déterminer si le bailleur avait manqué à son obligation de garantir au preneur la jouissance paisible des lieux durant les travaux, si ce manquement justifiait une réduction du loyer et une indemnisation des préjudices subis, et enfin si le locataire pouvait prétendre à une indemnité d’éviction.
La cour d’appel infirme partiellement le jugement. Elle retient le manquement du bailleur à son obligation de jouissance paisible pour les mois de janvier et février 2020 ainsi que du 17 mai 2020 au 1er février 2021. Elle condamne la commune à verser 6 136 euros au titre de la perte de chiffre d’affaires, 2 000 euros au titre du préjudice moral et 463,38 euros au titre des frais de constat. Elle ordonne la réduction du loyer de 1 400 euros et confirme le rejet de la demande d’indemnité d’éviction.
La solution retenue par la cour d’appel de Rouen mérite examen tant au regard de l’étendue de l’obligation de jouissance paisible pesant sur le bailleur (I) que des conséquences indemnitaires du manquement à cette obligation (II).
I. La caractérisation du manquement à l’obligation de jouissance paisible
La cour d’appel consacre une conception rigoureuse de l’obligation de jouissance paisible en matière de bail commercial (A), tout en circonscrivant avec précision les périodes de trouble imputables au bailleur (B).
A. L’affirmation d’une obligation de garantie à la charge du bailleur
La cour rappelle que « le bailleur est tenu, par la nature du contrat et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière, de garantir au preneur la jouissance paisible des locaux, ce qui le rend responsable des troubles qui y sont apportés et qu’il ne peut s’en exonérer qu’en cas de force majeure ». Cette formulation consacre une obligation de résultat pesant sur le bailleur. L’article 1719, 3° du code civil impose au bailleur de faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail. La jurisprudence interprète cette disposition comme instituant une véritable garantie dont le bailleur ne peut s’exonérer que par la preuve de la force majeure.
En l’espèce, la commune invoquait la nécessité des travaux compte tenu de l’état d’insalubrité de l’immeuble. La cour écarte cet argument en relevant que « la commune de [Localité 9] ne conteste pas être à l’origine de l’état dans lequel se trouve le bien loué » et qu’elle « n’en justifie nullement par un état des lieux ». Le bailleur qui entreprend des travaux dans les lieux loués demeure responsable des troubles occasionnés au preneur, quand bien même ces travaux seraient nécessaires. La circonstance que l’ancien propriétaire aurait laissé l’immeuble en mauvais état est inopérante dès lors que le nouveau propriétaire a succédé dans les droits et obligations du bailleur initial.
La solution retenue s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence qui refuse d’admettre que le caractère nécessaire ou urgent des travaux puisse constituer un fait justificatif exonérant le bailleur de sa responsabilité.
B. La délimitation des périodes de trouble effectif
La cour procède à une analyse circonstanciée des éléments de preuve pour déterminer les périodes durant lesquelles le trouble de jouissance est caractérisé. Elle retient le manquement du bailleur pour les mois de janvier et février 2020, puis du 17 mai 2020 au 1er février 2021, en excluant toutefois la période de confinement sanitaire.
Les constats d’huissier jouent un rôle déterminant dans l’établissement du trouble. Le procès-verbal du 14 mai 2020 révèle que « la façade de l’immeuble et le pignon ouest sont échafaudés » et que « dans l’atelier de soins le parquet flottant est légèrement gondolé ». Celui du 27 octobre 2020 mentionne « la présence d’une bâche en plastique de protection tendue en travers de la pièce, des traces de reprise de plâtre, une découpe dans le placo plâtre au plafond » et une fuite d’eau rendant impossible l’exploitation de l’activité.
La cour souligne qu’« un salon de beauté étant un lieu offrant des soins destinés à se détendre et à se relaxer, les désagréments occasionnés par les travaux (‘) sont à l’origine d’un trouble manifeste à la quiétude nécessaire à l’exercice de cette activité ». Cette appréciation tient compte de la nature particulière de l’activité exercée. Les exigences d’hygiène et de propreté inhérentes à un institut de beauté rendent ce type de commerce particulièrement vulnérable aux nuisances de chantier.
La cour exclut toutefois la période du 30 octobre au 15 décembre 2020, correspondant au confinement sanitaire. Le trouble de jouissance résultant d’une mesure administrative générale ne saurait être imputé au bailleur. Cette distinction témoigne du souci de la cour de n’indemniser que les préjudices présentant un lien de causalité direct avec les manquements du bailleur.
II. Les conséquences indemnitaires du manquement du bailleur
La reconnaissance du manquement du bailleur emporte des conséquences tant sur le plan de l’indemnisation des préjudices subis (A) que sur celui de la réduction du loyer, tandis que la demande d’indemnité d’éviction se heurte à l’absence de perte effective du fonds de commerce (B).
A. La réparation intégrale des préjudices liés au trouble de jouissance
La cour accorde à la locataire une indemnisation substantielle couvrant plusieurs postes de préjudice. Au titre de la perte de chiffre d’affaires, elle retient la méthode de comparaison mensuelle entre les années 2019 et 2020, permettant de « prendre en compte l’impact de la crise Covid sur la crise économique ». Cette méthode évite d’imputer au bailleur des pertes résultant du contexte sanitaire général. L’indemnité est fixée à 6 136 euros.
La reconnaissance du préjudice moral est particulièrement significative. La cour relève que la locataire s’est adressée « à de nombreuses reprises au bailleur » pour l’informer de ses difficultés et que « la réponse du bailleur a consisté d’une part à lui reprocher d’avoir suspendu les prélèvements de loyer (‘) et d’autre part à lui indiquer que le conseil municipal allait voter une délibération (‘) pour engager une procédure de recouvrement ». Le comportement du bailleur, consistant à délivrer un commandement de payer alors que le local était inexploitable, puis à pratiquer une saisie administrative à tiers détenteur malgré la compensation ordonnée par le premier juge, caractérise une attitude particulièrement rigoureuse justifiant l’allocation de 2 000 euros de dommages et intérêts.
Sur le fondement de l’article 1724 du code civil, la cour ordonne une réduction du loyer de 1 400 euros pour la période excédant vingt et un jours de travaux. Cette disposition permet au preneur de bénéficier d’une diminution proportionnelle du loyer lorsque les réparations le privent d’une partie de la chose louée au-delà de ce délai.
B. Le rejet de l’indemnité d’éviction faute de perte du fonds de commerce
La confirmation du rejet de la demande d’indemnité d’éviction repose sur un motif pragmatique. La cour constate que la locataire « a déplacé en début d’année 2021 son activité à son domicile » et qu’elle « exerce à son domicile sous la même enseigne ». L’intéressée reconnaît elle-même que « son chiffre d’affaires est revenu à la normale en février 2021 lorsqu’elle a pu reprendre pleinement son activité ».
L’article L. 145-14 du code de commerce prévoit que l’indemnité d’éviction est « égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement » et « comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce ». Or, la cour relève que « Madame [T] en déplaçant son activité n’a pas perdu son fonds de commerce » et qu’elle « ne justifie pas de la perte de clientèle alléguée ni de ce qu’elle ne peut pas proposer les mêmes prestations ».
La locataire invoquait l’impossibilité de louer un nouveau local compte tenu de sa situation financière. La cour admet que ce préjudice pourrait théoriquement être réparé au titre de l’indemnité d’éviction mais constate qu’« aucune pièce actualisée n’est versée aux débats par l’appelante concernant le prix du marché d’un local équivalent ». La charge de la preuve de l’existence et de l’étendue du préjudice incombe au demandeur. En l’absence d’éléments probants, la demande ne peut qu’être rejetée.
Cette solution illustre la distinction entre la perte du droit au renouvellement, qui ouvre droit à indemnité d’éviction, et la perte effective du fonds de commerce, qui conditionne le quantum de cette indemnité. La poursuite de l’activité sous la même enseigne, avec une clientèle maintenue, prive la demande de son fondement. La cour d’appel de Rouen adopte ainsi une approche concrète de l’indemnité d’éviction, subordonnée à la démonstration d’un préjudice réel et non d’une simple privation du droit au bail.