L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Riom le 17 juin 2025 illustre la rigueur avec laquelle les juridictions sanctionnent les manquements du syndic de copropriété à ses obligations de mandataire. En l’espèce, une société exerçant les fonctions de syndic avait été chargée de conduire des travaux de réfection d’un immeuble dont le budget avait été voté par l’assemblée générale des copropriétaires à hauteur de 631 950 euros. Le syndic signa toutefois des marchés pour un montant de 720 036,51 euros, dépassant ainsi l’enveloppe autorisée. Il omit par ailleurs d’inclure dans le budget présenté les honoraires de l’architecte intervenant sur le chantier. Une nouvelle assemblée générale désigna un autre syndic et refusa de donner quitus à l’ancien gestionnaire. Le syndicat des copropriétaires assigna alors ce dernier en réparation du préjudice subi. Le tribunal judiciaire de Cusset condamna le syndic fautif à payer 124 795,71 euros au titre du dépassement budgétaire et des honoraires d’architecte non votés, ainsi que 21 300 euros correspondant aux honoraires de syndic perçus pour l’année 2020. L’ancien syndic interjeta appel.
La question posée à la Cour d’appel de Riom était double. Il s’agissait d’abord de déterminer si l’autorisation d’ester en justice donnée par l’assemblée générale au nouveau syndic était suffisamment précise pour fonder l’action. Il convenait ensuite d’apprécier si le dépassement du budget voté par le syndic et l’omission des honoraires d’architecte constituaient des fautes engageant sa responsabilité sur le fondement du mandat.
La cour confirme la condamnation principale de 124 795,71 euros mais infirme partiellement le jugement en réduisant à 12 000 euros les dommages-intérêts alloués au titre des honoraires du syndic fautif, estimant qu’il n’existe pas de lien direct entre une faute ponctuelle et la rémunération annuelle du mandataire.
La solution retenue mérite examen tant sur le terrain de la recevabilité de l’action du syndicat des copropriétaires (I) que sur celui de la responsabilité du syndic en qualité de mandataire (II).
I. La recevabilité de l’action fondée sur une autorisation d’ester en justice
La cour se prononce sur la validité de l’autorisation donnée au syndic pour agir en justice (A) avant d’en tirer les conséquences sur la recevabilité de la demande (B).
A. L’appréciation souveraine de la clarté du mandat d’ester
L’appelant soutenait que la résolution autorisant le syndic à agir en justice était entachée d’irrégularité, ce qui devait entraîner l’irrecevabilité de l’assignation. La cour examine la résolution adoptée le 19 juillet 2021 qui autorisait le syndic « d’ester en justice contre la société [ancienne syndic] à la suite de sa gestion pour les travaux de rénovation de l’immeuble (financière et comptable) ». Elle relève que « les termes de cette résolution montrent que les copropriétaires étaient bien informés de la nature du litige et que c’est en parfaite connaissance de cause qu’ils ont voté sans ambiguïté possible l’autorisation clairement donnée au syndic d’ester en justice ».
Cette appréciation s’inscrit dans une jurisprudence constante selon laquelle l’autorisation d’agir doit permettre d’identifier l’objet du litige sans pour autant détailler chaque chef de demande. La Cour de cassation admet en effet que l’assemblée générale puisse donner une habilitation générale dès lors que le fondement et la nature de l’action sont déterminables. La cour d’appel procède ici à une analyse in concreto du procès-verbal, relevant que les copropriétaires avaient reçu toutes les informations nécessaires avant de délibérer.
B. Le rejet de la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité
L’ancien syndic contestait la qualité à agir du syndicat représenté par son nouveau mandataire. La cour écarte cette contestation en jugeant « parfaitement recevable » la demande formée par le syndicat des copropriétaires.
Cette solution s’explique par les règles propres à la copropriété. Le syndic agit comme représentant légal du syndicat et son pouvoir d’ester en justice découle directement de l’autorisation de l’assemblée générale. Dès lors que cette autorisation est régulière, la qualité pour agir ne peut être utilement contestée. La cour applique ici le principe selon lequel la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité doit être rejetée lorsque le demandeur justifie d’une habilitation conforme aux exigences légales.
II. La responsabilité du syndic pour dépassement de son mandat
La cour caractérise les fautes commises par le syndic dans l’exécution de son mandat (A) puis en tire les conséquences indemnitaires (B).
A. La caractérisation d’une faute de gestion constitutive d’un manquement au mandat
La cour relève que le syndic « a outrepassé le mandat qui lui avait été donné, et engagé la copropriété pour une dépense supplémentaire de […] 88 086,51 EUR TTC, commettant ainsi une faute de gestion ». Elle ajoute que l’omission des honoraires d’architecte dans le budget présenté « constitue à charge du syndic une faute professionnelle car le budget global présenté aux copropriétaires devait nécessairement contenir les honoraires de l’architecte ».
L’ancien syndic tentait de reporter la responsabilité sur l’architecte qui aurait commis des erreurs de chiffrage. La cour écarte cet argument en relevant qu’« il lui appartenait de les contrôler, ce qui lui aurait permis de constater le dépassement du budget prévu ». Elle précise qu’« en aucun cas elle ne saurait faire supporter à celui-ci une faute professionnelle de négligence qui à l’évidence lui incombe au premier chef à l’égard de la copropriété ».
Cette motivation illustre l’obligation de diligence pesant sur le syndic professionnel. Mandataire rémunéré, il doit vérifier les documents qu’il soumet à l’assemblée générale et ne peut se retrancher derrière les erreurs d’un tiers pour s’exonérer de sa propre négligence. La cour fait ainsi application de l’article 1992 du Code civil qui soumet le mandataire à une responsabilité appréciée plus sévèrement lorsqu’il perçoit une rémunération.
B. L’évaluation différenciée du préjudice réparable
La cour confirme la condamnation au paiement de 124 795,71 euros, somme correspondant au dépassement budgétaire et aux honoraires d’architecte non votés. Elle rejette l’argument de l’enrichissement sans cause soulevé par l’ancien syndic en relevant qu’« il appartenait au syndic de négocier le montant des travaux nécessaires pour faire coïncider le coût final de l’ouvrage avec les moyens financiers votés par les copropriétaires ».
En revanche, la cour infirme le jugement en ce qu’il avait condamné l’ancien syndic à rembourser l’intégralité de ses honoraires annuels de 21 300 euros. Elle estime qu’« il n’existe aucune relation entre une faute de gestion commise ponctuellement par le syndic lors de l’exercice de son mandat et le montant des honoraires qui lui sont dus au titre des prestations diverses qu’il a fournies au cours d’une année entière ». Elle substitue une indemnité de 12 000 euros en réparation du préjudice causé.
Cette distinction révèle une approche mesurée de la réparation. Le syndic fautif ne saurait être privé de toute rémunération pour une faute ponctuelle, fût-elle caractérisée. La cour opère ainsi une ventilation entre le préjudice directement causé par le dépassement de mandat, qui doit être intégralement réparé, et le préjudice moral ou de désorganisation lié à la mauvaise exécution du mandat, qui justifie une indemnisation distincte. Cette solution préserve le caractère indemnitaire de la responsabilité civile tout en sanctionnant effectivement les manquements du mandataire professionnel.
L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Riom le 17 juin 2025 illustre la rigueur avec laquelle les juridictions sanctionnent les manquements du syndic de copropriété à ses obligations de mandataire. En l’espèce, une société exerçant les fonctions de syndic avait été chargée de conduire des travaux de réfection d’un immeuble dont le budget avait été voté par l’assemblée générale des copropriétaires à hauteur de 631 950 euros. Le syndic signa toutefois des marchés pour un montant de 720 036,51 euros, dépassant ainsi l’enveloppe autorisée. Il omit par ailleurs d’inclure dans le budget présenté les honoraires de l’architecte intervenant sur le chantier. Une nouvelle assemblée générale désigna un autre syndic et refusa de donner quitus à l’ancien gestionnaire. Le syndicat des copropriétaires assigna alors ce dernier en réparation du préjudice subi. Le tribunal judiciaire de Cusset condamna le syndic fautif à payer 124 795,71 euros au titre du dépassement budgétaire et des honoraires d’architecte non votés, ainsi que 21 300 euros correspondant aux honoraires de syndic perçus pour l’année 2020. L’ancien syndic interjeta appel.
La question posée à la Cour d’appel de Riom était double. Il s’agissait d’abord de déterminer si l’autorisation d’ester en justice donnée par l’assemblée générale au nouveau syndic était suffisamment précise pour fonder l’action. Il convenait ensuite d’apprécier si le dépassement du budget voté par le syndic et l’omission des honoraires d’architecte constituaient des fautes engageant sa responsabilité sur le fondement du mandat.
La cour confirme la condamnation principale de 124 795,71 euros mais infirme partiellement le jugement en réduisant à 12 000 euros les dommages-intérêts alloués au titre des honoraires du syndic fautif, estimant qu’il n’existe pas de lien direct entre une faute ponctuelle et la rémunération annuelle du mandataire.
La solution retenue mérite examen tant sur le terrain de la recevabilité de l’action du syndicat des copropriétaires (I) que sur celui de la responsabilité du syndic en qualité de mandataire (II).
I. La recevabilité de l’action fondée sur une autorisation d’ester en justice
La cour se prononce sur la validité de l’autorisation donnée au syndic pour agir en justice (A) avant d’en tirer les conséquences sur la recevabilité de la demande (B).
A. L’appréciation souveraine de la clarté du mandat d’ester
L’appelant soutenait que la résolution autorisant le syndic à agir en justice était entachée d’irrégularité, ce qui devait entraîner l’irrecevabilité de l’assignation. La cour examine la résolution adoptée le 19 juillet 2021 qui autorisait le syndic « d’ester en justice contre la société [ancienne syndic] à la suite de sa gestion pour les travaux de rénovation de l’immeuble (financière et comptable) ». Elle relève que « les termes de cette résolution montrent que les copropriétaires étaient bien informés de la nature du litige et que c’est en parfaite connaissance de cause qu’ils ont voté sans ambiguïté possible l’autorisation clairement donnée au syndic d’ester en justice ».
Cette appréciation s’inscrit dans une jurisprudence constante selon laquelle l’autorisation d’agir doit permettre d’identifier l’objet du litige sans pour autant détailler chaque chef de demande. La Cour de cassation admet en effet que l’assemblée générale puisse donner une habilitation générale dès lors que le fondement et la nature de l’action sont déterminables. La cour d’appel procède ici à une analyse in concreto du procès-verbal, relevant que les copropriétaires avaient reçu toutes les informations nécessaires avant de délibérer.
B. Le rejet de la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité
L’ancien syndic contestait la qualité à agir du syndicat représenté par son nouveau mandataire. La cour écarte cette contestation en jugeant « parfaitement recevable » la demande formée par le syndicat des copropriétaires.
Cette solution s’explique par les règles propres à la copropriété. Le syndic agit comme représentant légal du syndicat et son pouvoir d’ester en justice découle directement de l’autorisation de l’assemblée générale. Dès lors que cette autorisation est régulière, la qualité pour agir ne peut être utilement contestée. La cour applique ici le principe selon lequel la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité doit être rejetée lorsque le demandeur justifie d’une habilitation conforme aux exigences légales.
II. La responsabilité du syndic pour dépassement de son mandat
La cour caractérise les fautes commises par le syndic dans l’exécution de son mandat (A) puis en tire les conséquences indemnitaires (B).
A. La caractérisation d’une faute de gestion constitutive d’un manquement au mandat
La cour relève que le syndic « a outrepassé le mandat qui lui avait été donné, et engagé la copropriété pour une dépense supplémentaire de […] 88 086,51 EUR TTC, commettant ainsi une faute de gestion ». Elle ajoute que l’omission des honoraires d’architecte dans le budget présenté « constitue à charge du syndic une faute professionnelle car le budget global présenté aux copropriétaires devait nécessairement contenir les honoraires de l’architecte ».
L’ancien syndic tentait de reporter la responsabilité sur l’architecte qui aurait commis des erreurs de chiffrage. La cour écarte cet argument en relevant qu’« il lui appartenait de les contrôler, ce qui lui aurait permis de constater le dépassement du budget prévu ». Elle précise qu’« en aucun cas elle ne saurait faire supporter à celui-ci une faute professionnelle de négligence qui à l’évidence lui incombe au premier chef à l’égard de la copropriété ».
Cette motivation illustre l’obligation de diligence pesant sur le syndic professionnel. Mandataire rémunéré, il doit vérifier les documents qu’il soumet à l’assemblée générale et ne peut se retrancher derrière les erreurs d’un tiers pour s’exonérer de sa propre négligence. La cour fait ainsi application de l’article 1992 du Code civil qui soumet le mandataire à une responsabilité appréciée plus sévèrement lorsqu’il perçoit une rémunération.
B. L’évaluation différenciée du préjudice réparable
La cour confirme la condamnation au paiement de 124 795,71 euros, somme correspondant au dépassement budgétaire et aux honoraires d’architecte non votés. Elle rejette l’argument de l’enrichissement sans cause soulevé par l’ancien syndic en relevant qu’« il appartenait au syndic de négocier le montant des travaux nécessaires pour faire coïncider le coût final de l’ouvrage avec les moyens financiers votés par les copropriétaires ».
En revanche, la cour infirme le jugement en ce qu’il avait condamné l’ancien syndic à rembourser l’intégralité de ses honoraires annuels de 21 300 euros. Elle estime qu’« il n’existe aucune relation entre une faute de gestion commise ponctuellement par le syndic lors de l’exercice de son mandat et le montant des honoraires qui lui sont dus au titre des prestations diverses qu’il a fournies au cours d’une année entière ». Elle substitue une indemnité de 12 000 euros en réparation du préjudice causé.
Cette distinction révèle une approche mesurée de la réparation. Le syndic fautif ne saurait être privé de toute rémunération pour une faute ponctuelle, fût-elle caractérisée. La cour opère ainsi une ventilation entre le préjudice directement causé par le dépassement de mandat, qui doit être intégralement réparé, et le préjudice moral ou de désorganisation lié à la mauvaise exécution du mandat, qui justifie une indemnisation distincte. Cette solution préserve le caractère indemnitaire de la responsabilité civile tout en sanctionnant effectivement les manquements du mandataire professionnel.