L’occupation illicite de locaux d’habitation constitue un contentieux récurrent devant les juridictions. La cour d’appel de Pau, dans un arrêt du 17 juin 2025, apporte des précisions utiles sur les conditions procédurales du référé d’heure à heure et sur le régime de l’expulsion des occupants sans droit ni titre.
En l’espèce, une société civile immobilière était propriétaire d’une maison d’habitation. Par procès-verbal de constat du 25 juillet 2024, elle faisait constater que son bien était occupé par plusieurs personnes depuis plusieurs mois. Autorisée à assigner en référé d’heure à heure par ordonnance du 27 août 2024, la société assignait l’un des occupants pour l’audience du 10 septembre 2024.
Le juge des contentieux de la protection, par ordonnance du 15 octobre 2024, ordonnait l’expulsion de l’occupant et rappelait que le délai de deux mois ainsi que la trêve hivernale n’étaient pas applicables. L’occupant interjetait appel, soulevant la caducité de l’assignation au motif que celle-ci n’avait pas été remise au greffe quinze jours avant l’audience conformément à l’article 754 du code de procédure civile. Il sollicitait subsidiairement un délai pour quitter les lieux.
La question posée à la cour était double. Il convenait d’abord de déterminer si l’assignation en référé d’heure à heure était caduque faute de respect du délai de l’article 754 du code de procédure civile. Il fallait ensuite apprécier si l’occupant pouvait bénéficier d’un délai pour quitter les lieux malgré une entrée par voie de fait.
La cour d’appel de Pau rejette l’exception de caducité et confirme l’ordonnance d’expulsion. Elle juge que le délai de quinze jours prévu par l’article 754 ne s’applique que « sous réserve que la date de l’audience soit communiquée plus de quinze jours à l’avance ». Elle confirme également l’inapplicabilité du délai de deux mois et de la trêve hivernale à l’occupation résultant d’une voie de fait.
La solution retenue appelle un examen du régime dérogatoire du référé d’heure à heure au regard des exigences procédurales de droit commun (I), avant d’envisager les conséquences de la caractérisation de la voie de fait sur les droits de l’occupant (II).
I. L’articulation du référé d’heure à heure avec les exigences procédurales de droit commun
Le référé d’heure à heure obéit à un régime procédural spécifique qui neutralise certaines garanties accordées au défendeur (A). La cour d’appel de Pau précise utilement le champ d’application du délai de l’article 754 du code de procédure civile (B).
A. La spécificité procédurale du référé d’heure à heure
Le référé d’heure à heure est prévu par l’article 485 alinéa 2 du code de procédure civile. Il permet au président du tribunal d’autoriser l’assignation à une date proche lorsque le cas requiert célérité. Cette procédure déroge au droit commun des délais de comparution.
L’appelant soutenait que l’assignation délivrée sept jours seulement avant l’audience était caduque en application de l’article 754 du code de procédure civile. Ce texte exige en principe que la remise au greffe intervienne « au moins quinze jours » avant l’audience.
La cour relève que l’autorisation d’assigner avait été accordée le 27 août 2024 pour une audience fixée au 10 septembre 2024. Le délai entre l’ordonnance et l’audience n’était que de quatorze jours. Il était donc matériellement impossible de respecter un délai de quinze jours pour la remise au greffe.
B. L’interprétation téléologique de l’article 754 du code de procédure civile
La cour d’appel de Pau retient une lecture conditionnelle de l’article 754. Le délai de quinze jours n’est exigé que « sous réserve que la date de l’audience soit communiquée plus de quinze jours à l’avance ». Cette condition n’étant pas remplie, la caducité ne pouvait être prononcée.
Cette interprétation est conforme à la lettre du texte. Elle préserve la cohérence du référé d’heure à heure. Exiger le respect d’un délai de quinze jours alors que l’autorisation est accordée moins de quinze jours avant l’audience priverait cette procédure de toute effectivité.
La solution s’inscrit dans une lecture fonctionnelle des règles procédurales. Le formalisme cède devant la finalité de la procédure dès lors que les droits essentiels du défendeur ne sont pas atteints. La cour vérifie implicitement que l’occupant a pu comparaître et présenter sa défense en appel.
La question de la régularité procédurale étant tranchée, la cour devait ensuite statuer sur le fond du litige relatif à l’expulsion.
II. Les conséquences de la voie de fait sur le régime de l’expulsion
La caractérisation de la voie de fait emporte des conséquences significatives sur les droits de l’occupant (A). Le refus d’accorder un délai supplémentaire s’inscrit dans une jurisprudence constante que l’arrêt confirme (B).
A. L’exclusion des protections légales de l’occupant entré par effraction
L’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution prévoit un délai de deux mois suivant le commandement de quitter les lieux. L’article L. 412-6 du même code institue la trêve hivernale suspendant les expulsions du 1er novembre au 31 mars.
Ces protections sont toutefois écartées lorsque l’occupation résulte d’une « introduction dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte ». La cour d’appel de Pau constate que le procès-verbal du 25 juillet 2024 établit une entrée par effraction. La voie de fait est donc caractérisée.
La cour applique l’exception légale sans réserve. Elle rappelle que « ni le délai de deux mois de l’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution, ni la trêve hivernale de l’article L. 412-6 du même code ne sont applicables » en présence d’une voie de fait. Cette exclusion est d’ordre public et ne relève pas du pouvoir d’appréciation du juge.
B. Le refus d’accorder un délai exceptionnel pour quitter les lieux
L’appelant sollicitait subsidiairement un délai jusqu’au 15 mai 2025 pour quitter les lieux. Il invoquait la période hivernale, les températures froides et ses démarches de relogement.
La cour rejette cette demande au motif que l’occupant « se maintient dans les lieux depuis plus de six mois ». Elle estime qu’il n’est pas justifié de lui accorder un délai exceptionnel. Ce délai de six mois court depuis le constat d’occupation. Il correspond également au temps écoulé entre l’engagement de la procédure et l’arrêt d’appel.
La solution est sévère mais cohérente avec la qualification de voie de fait. L’occupant qui entre par effraction ne peut prétendre aux mêmes égards que le locataire défaillant. La cour confirme ainsi l’orientation restrictive de la jurisprudence à l’égard des squatteurs.
L’arrêt précise utilement qu’il n’appartient pas à la cour de désigner un commissaire de justice particulier pour procéder à l’expulsion. Cette mission relève de la partie qui poursuit l’exécution de la décision. La cour refuse ainsi d’outrepasser les limites de son office juridictionnel.
L’occupation illicite de locaux d’habitation constitue un contentieux récurrent devant les juridictions. La cour d’appel de Pau, dans un arrêt du 17 juin 2025, apporte des précisions utiles sur les conditions procédurales du référé d’heure à heure et sur le régime de l’expulsion des occupants sans droit ni titre.
En l’espèce, une société civile immobilière était propriétaire d’une maison d’habitation. Par procès-verbal de constat du 25 juillet 2024, elle faisait constater que son bien était occupé par plusieurs personnes depuis plusieurs mois. Autorisée à assigner en référé d’heure à heure par ordonnance du 27 août 2024, la société assignait l’un des occupants pour l’audience du 10 septembre 2024.
Le juge des contentieux de la protection, par ordonnance du 15 octobre 2024, ordonnait l’expulsion de l’occupant et rappelait que le délai de deux mois ainsi que la trêve hivernale n’étaient pas applicables. L’occupant interjetait appel, soulevant la caducité de l’assignation au motif que celle-ci n’avait pas été remise au greffe quinze jours avant l’audience conformément à l’article 754 du code de procédure civile. Il sollicitait subsidiairement un délai pour quitter les lieux.
La question posée à la cour était double. Il convenait d’abord de déterminer si l’assignation en référé d’heure à heure était caduque faute de respect du délai de l’article 754 du code de procédure civile. Il fallait ensuite apprécier si l’occupant pouvait bénéficier d’un délai pour quitter les lieux malgré une entrée par voie de fait.
La cour d’appel de Pau rejette l’exception de caducité et confirme l’ordonnance d’expulsion. Elle juge que le délai de quinze jours prévu par l’article 754 ne s’applique que « sous réserve que la date de l’audience soit communiquée plus de quinze jours à l’avance ». Elle confirme également l’inapplicabilité du délai de deux mois et de la trêve hivernale à l’occupation résultant d’une voie de fait.
La solution retenue appelle un examen du régime dérogatoire du référé d’heure à heure au regard des exigences procédurales de droit commun (I), avant d’envisager les conséquences de la caractérisation de la voie de fait sur les droits de l’occupant (II).
I. L’articulation du référé d’heure à heure avec les exigences procédurales de droit commun
Le référé d’heure à heure obéit à un régime procédural spécifique qui neutralise certaines garanties accordées au défendeur (A). La cour d’appel de Pau précise utilement le champ d’application du délai de l’article 754 du code de procédure civile (B).
A. La spécificité procédurale du référé d’heure à heure
Le référé d’heure à heure est prévu par l’article 485 alinéa 2 du code de procédure civile. Il permet au président du tribunal d’autoriser l’assignation à une date proche lorsque le cas requiert célérité. Cette procédure déroge au droit commun des délais de comparution.
L’appelant soutenait que l’assignation délivrée sept jours seulement avant l’audience était caduque en application de l’article 754 du code de procédure civile. Ce texte exige en principe que la remise au greffe intervienne « au moins quinze jours » avant l’audience.
La cour relève que l’autorisation d’assigner avait été accordée le 27 août 2024 pour une audience fixée au 10 septembre 2024. Le délai entre l’ordonnance et l’audience n’était que de quatorze jours. Il était donc matériellement impossible de respecter un délai de quinze jours pour la remise au greffe.
B. L’interprétation téléologique de l’article 754 du code de procédure civile
La cour d’appel de Pau retient une lecture conditionnelle de l’article 754. Le délai de quinze jours n’est exigé que « sous réserve que la date de l’audience soit communiquée plus de quinze jours à l’avance ». Cette condition n’étant pas remplie, la caducité ne pouvait être prononcée.
Cette interprétation est conforme à la lettre du texte. Elle préserve la cohérence du référé d’heure à heure. Exiger le respect d’un délai de quinze jours alors que l’autorisation est accordée moins de quinze jours avant l’audience priverait cette procédure de toute effectivité.
La solution s’inscrit dans une lecture fonctionnelle des règles procédurales. Le formalisme cède devant la finalité de la procédure dès lors que les droits essentiels du défendeur ne sont pas atteints. La cour vérifie implicitement que l’occupant a pu comparaître et présenter sa défense en appel.
La question de la régularité procédurale étant tranchée, la cour devait ensuite statuer sur le fond du litige relatif à l’expulsion.
II. Les conséquences de la voie de fait sur le régime de l’expulsion
La caractérisation de la voie de fait emporte des conséquences significatives sur les droits de l’occupant (A). Le refus d’accorder un délai supplémentaire s’inscrit dans une jurisprudence constante que l’arrêt confirme (B).
A. L’exclusion des protections légales de l’occupant entré par effraction
L’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution prévoit un délai de deux mois suivant le commandement de quitter les lieux. L’article L. 412-6 du même code institue la trêve hivernale suspendant les expulsions du 1er novembre au 31 mars.
Ces protections sont toutefois écartées lorsque l’occupation résulte d’une « introduction dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte ». La cour d’appel de Pau constate que le procès-verbal du 25 juillet 2024 établit une entrée par effraction. La voie de fait est donc caractérisée.
La cour applique l’exception légale sans réserve. Elle rappelle que « ni le délai de deux mois de l’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution, ni la trêve hivernale de l’article L. 412-6 du même code ne sont applicables » en présence d’une voie de fait. Cette exclusion est d’ordre public et ne relève pas du pouvoir d’appréciation du juge.
B. Le refus d’accorder un délai exceptionnel pour quitter les lieux
L’appelant sollicitait subsidiairement un délai jusqu’au 15 mai 2025 pour quitter les lieux. Il invoquait la période hivernale, les températures froides et ses démarches de relogement.
La cour rejette cette demande au motif que l’occupant « se maintient dans les lieux depuis plus de six mois ». Elle estime qu’il n’est pas justifié de lui accorder un délai exceptionnel. Ce délai de six mois court depuis le constat d’occupation. Il correspond également au temps écoulé entre l’engagement de la procédure et l’arrêt d’appel.
La solution est sévère mais cohérente avec la qualification de voie de fait. L’occupant qui entre par effraction ne peut prétendre aux mêmes égards que le locataire défaillant. La cour confirme ainsi l’orientation restrictive de la jurisprudence à l’égard des squatteurs.
L’arrêt précise utilement qu’il n’appartient pas à la cour de désigner un commissaire de justice particulier pour procéder à l’expulsion. Cette mission relève de la partie qui poursuit l’exécution de la décision. La cour refuse ainsi d’outrepasser les limites de son office juridictionnel.