Cour d’appel de Paris, le 2 juillet 2025, n°22/09675
Now using node v22.15.1 (npm v10.8.2) Utilisation de Node.js v20.19.4 et npm 10.8.2 Codex est déjà installé. Lancement de Codex… La Cour d’appel de Paris, 2 juillet 2025, statue à la suite d’un contrôle fiscal réalisé après la livraison d’un programme d’attribution en état futur d’achèvement soumis au régime de défiscalisation, auquel des investisseurs avaient souscrit par acquisition de parts. L’administration a rappelé la TVA due, estimant que les rémunérations des associés fondateurs, en contrepartie d’activités de maîtrise d’ouvrage et de promotion immobilière, devaient entrer dans le prix de revient et être soumises à la taxe. Déboutés devant le juge administratif, les investisseurs ont été actionnés en recouvrement à proportion de leurs droits et ont recherché, devant le juge civil, la responsabilité de plusieurs intervenants, notamment le cabinet d’expertise comptable chargé d’une mission de présentation des comptes et d’établissement de la liasse fiscale.
Par jugement du 4 avril 2022, le tribunal judiciaire a rejeté les demandes formées contre le cabinet d’expertise comptable. L’appel a été régulièrement interjeté. À la suite d’un incident de procédure, la cour n’est saisie que des prétentions dirigées contre ce professionnel. Les appelants soutiennent que le cabinet a failli à son devoir de conseil et de mise en garde, en validant une déclaration fiscale non conforme et en s’abstenant de signaler l’obligation d’intégrer les rémunérations litigieuses au coût de revient. L’intimée réplique que sa mission était strictement limitée à la formalisation de la liasse, sans tenue ni révision, et qu’aucun préjudice indemnisable ni lien de causalité n’est caractérisé.
La question posée est double. D’abord, déterminer l’étendue des obligations d’un expert-comptable investi d’une mission de présentation assortie de l’établissement d’une déclaration de résultat. Ensuite, apprécier si des associés, tiers au contrat de mission, peuvent obtenir réparation des sommes mises à leur charge au titre d’un rappel de TVA, au regard des conditions classiques de la responsabilité. La Cour rappelle d’emblée que « L’engagement de la responsabilité d’un expert-comptable nécessite la démonstration d’une faute, d’un lien de causalité et d’un préjudice ». Elle précise la consistance normative de la mission et le devoir de conseil, puis écarte l’indemnisation, le rappel de TVA constituant une dette fiscale due et le lien de causalité faisant défaut. La décision confirme ainsi le rejet des demandes dirigées contre l’expert-comptable.
I. Le sens de la décision: délimitation des devoirs et constat de la faute
A. Devoirs de l’expert-comptable en mission de présentation
La Cour expose un socle normatif net, rappelant que « L’expert-comptable doit mettre en œuvre toutes les diligences qui lui sont dictées par les normes professionnelles mais également toutes celles que l’on est en droit d’attendre d’un professionnel normalement diligent ». Elle ajoute, s’agissant de la source contractuelle, que « La lettre de mission définit le cadre et l’étendue de la mission que doit remplir l’expert-comptable ». En présence d’une mission de présentation et d’une formalisation de la liasse fiscale, l’office du professionnel ne se réduit pas à un rôle passif de transmetteur d’écritures. La Cour souligne le nécessaire contrôle de cohérence et de vraisemblance des comptes, à l’aune de l’objet social et de l’opération menée, et l’obligation de veiller à la conformité de la déclaration fiscale aux exigences légales.
Cette articulation lie étroitement le contenu de la mission aux informations pertinentes connues du professionnel. Le juge souligne que la présentation des comptes suppose des vérifications minimales de plausibilité et l’identification des retraitements fiscaux nécessaires. La solution, ainsi formulée, dépasse la stricte exécution matérielle d’une liasse pour consacrer une exigence de vigilance et d’alerte. Elle irrigue la suite du raisonnement.
B. La faute de conseil caractérisée au regard de l’obligation d’alerte
La Cour identifie la carence déterminante du professionnel sur le terrain du conseil fiscal. Elle énonce que la mission impliquait, eu égard à l’opération immobilière et à ses incidences, d’alerter sur l’intégration des rémunérations des opérateurs dans le coût de revient et, en cas de refus, de ne pas formaliser la déclaration. Le motif est formulé avec netteté: « Elle aurait donc dû signaler à sa cliente la nécessité de comptabiliser la rémunération des associés fondateurs dans la détermination du coût de revient et en cas de refus de celle-ci refuser d’établir la déclaration fiscale. » La Cour en déduit: « Faute de l’avoir fait, elle a manqué à ses obligations contractuelles et ainsi engagé sa responsabilité civile. »
Cette caractérisation de la faute s’inscrit dans la logique d’un devoir de conseil substantiel, indépendant du niveau d’honoraires et du périmètre exact de la tenue. Elle confirme, par ailleurs, que le manquement contractuel peut constituer, à l’égard des tiers, un fait fautif distinct susceptible d’engager la responsabilité délictuelle. Le raisonnement, cependant, appelle une seconde série de vérifications, relatives au préjudice et au lien causal.
II. La valeur et la portée: rigueur probatoire du préjudice, absence de causalité et lignes jurisprudentielles
A. Une exigence cohérente du devoir de conseil, conforme aux lignes acquises
La solution renforce, sans excès, la cohérence du devoir de conseil en mission de présentation. En obligeant l’expert-comptable à une alerte effective, le juge conforte une jurisprudence constante qui subordonne la responsabilité à l’utilité concrète de la mise en garde, sans ériger la mission en révision générale. Le rappel selon lequel « La lettre de mission définit le cadre et l’étendue de la mission » cadre l’analyse, tout en reconnaissant, à due proportion, l’exigence de cohérence et de conformité de la liasse.
Cette position s’accorde avec la faculté, admise par le droit positif, pour un tiers au contrat d’invoquer un manquement contractuel sur le terrain de la responsabilité extracontractuelle. La faute de conseil demeure donc utilement caractérisée. Reste alors à établir un dommage indemnisable et un enchaînement causal certain, conditions que la Cour contrôle avec une rigueur qui emporte la décision de confirmation.
B. Le refus d’indemnisation: dette fiscale due, carence du débiteur principal et rupture du lien causal
Le cœur du rejet indemnitaire tient à la nature de la somme réclamée et à la causalité. Sur le premier point, la Cour affirme que « le rappel au titre des droits de TVA ne peut pas constituer un préjudice indemnisable s’agissant d’une imposition due ». L’assiette et le principe même de la taxe, rappelés après contentieux administratif, excluent que son paiement, en principal, devienne un dommage réparable. S’y ajoute l’absence de preuve du paiement des pénalités ou leur remise gracieuse, ce qui prive la demande d’assise autonome.
Sur le second point, le lien de causalité est rompu par l’interposition de la carence du débiteur social. Les investisseurs n’ont été actionnés qu’en raison du non-paiement par la société, en application du régime légal des sociétés civiles. Cette défaillance exclusive fait écran entre la faute de l’expert-comptable et le dommage allégué, lequel n’apparaît ni certain ni directement imputable au manquement retenu. La Cour en déduit logiquement la confirmation du rejet des demandes indemnitaires, nonobstant la faute de conseil établie.
Cette combinaison de principes emporte des conséquences pratiques claires. L’expert-comptable demeure débiteur d’un devoir d’alerte substantiel, y compris en mission de présentation. Toutefois, l’indemnisation des associés suppose, au-delà de la faute, la preuve d’un dommage distinct d’une dette fiscale due et un lien causal direct, ce qui fait ici défaut. En définitive, la décision maintient l’équilibre entre l’exigence professionnelle et la rigueur probatoire du contentieux indemnitaire.
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Utilisation de Node.js v20.19.4 et npm 10.8.2
Codex est déjà installé.
Lancement de Codex…
La Cour d’appel de Paris, 2 juillet 2025, statue à la suite d’un contrôle fiscal réalisé après la livraison d’un programme d’attribution en état futur d’achèvement soumis au régime de défiscalisation, auquel des investisseurs avaient souscrit par acquisition de parts. L’administration a rappelé la TVA due, estimant que les rémunérations des associés fondateurs, en contrepartie d’activités de maîtrise d’ouvrage et de promotion immobilière, devaient entrer dans le prix de revient et être soumises à la taxe. Déboutés devant le juge administratif, les investisseurs ont été actionnés en recouvrement à proportion de leurs droits et ont recherché, devant le juge civil, la responsabilité de plusieurs intervenants, notamment le cabinet d’expertise comptable chargé d’une mission de présentation des comptes et d’établissement de la liasse fiscale.
Par jugement du 4 avril 2022, le tribunal judiciaire a rejeté les demandes formées contre le cabinet d’expertise comptable. L’appel a été régulièrement interjeté. À la suite d’un incident de procédure, la cour n’est saisie que des prétentions dirigées contre ce professionnel. Les appelants soutiennent que le cabinet a failli à son devoir de conseil et de mise en garde, en validant une déclaration fiscale non conforme et en s’abstenant de signaler l’obligation d’intégrer les rémunérations litigieuses au coût de revient. L’intimée réplique que sa mission était strictement limitée à la formalisation de la liasse, sans tenue ni révision, et qu’aucun préjudice indemnisable ni lien de causalité n’est caractérisé.
La question posée est double. D’abord, déterminer l’étendue des obligations d’un expert-comptable investi d’une mission de présentation assortie de l’établissement d’une déclaration de résultat. Ensuite, apprécier si des associés, tiers au contrat de mission, peuvent obtenir réparation des sommes mises à leur charge au titre d’un rappel de TVA, au regard des conditions classiques de la responsabilité. La Cour rappelle d’emblée que « L’engagement de la responsabilité d’un expert-comptable nécessite la démonstration d’une faute, d’un lien de causalité et d’un préjudice ». Elle précise la consistance normative de la mission et le devoir de conseil, puis écarte l’indemnisation, le rappel de TVA constituant une dette fiscale due et le lien de causalité faisant défaut. La décision confirme ainsi le rejet des demandes dirigées contre l’expert-comptable.
I. Le sens de la décision: délimitation des devoirs et constat de la faute
A. Devoirs de l’expert-comptable en mission de présentation
La Cour expose un socle normatif net, rappelant que « L’expert-comptable doit mettre en œuvre toutes les diligences qui lui sont dictées par les normes professionnelles mais également toutes celles que l’on est en droit d’attendre d’un professionnel normalement diligent ». Elle ajoute, s’agissant de la source contractuelle, que « La lettre de mission définit le cadre et l’étendue de la mission que doit remplir l’expert-comptable ». En présence d’une mission de présentation et d’une formalisation de la liasse fiscale, l’office du professionnel ne se réduit pas à un rôle passif de transmetteur d’écritures. La Cour souligne le nécessaire contrôle de cohérence et de vraisemblance des comptes, à l’aune de l’objet social et de l’opération menée, et l’obligation de veiller à la conformité de la déclaration fiscale aux exigences légales.
Cette articulation lie étroitement le contenu de la mission aux informations pertinentes connues du professionnel. Le juge souligne que la présentation des comptes suppose des vérifications minimales de plausibilité et l’identification des retraitements fiscaux nécessaires. La solution, ainsi formulée, dépasse la stricte exécution matérielle d’une liasse pour consacrer une exigence de vigilance et d’alerte. Elle irrigue la suite du raisonnement.
B. La faute de conseil caractérisée au regard de l’obligation d’alerte
La Cour identifie la carence déterminante du professionnel sur le terrain du conseil fiscal. Elle énonce que la mission impliquait, eu égard à l’opération immobilière et à ses incidences, d’alerter sur l’intégration des rémunérations des opérateurs dans le coût de revient et, en cas de refus, de ne pas formaliser la déclaration. Le motif est formulé avec netteté: « Elle aurait donc dû signaler à sa cliente la nécessité de comptabiliser la rémunération des associés fondateurs dans la détermination du coût de revient et en cas de refus de celle-ci refuser d’établir la déclaration fiscale. » La Cour en déduit: « Faute de l’avoir fait, elle a manqué à ses obligations contractuelles et ainsi engagé sa responsabilité civile. »
Cette caractérisation de la faute s’inscrit dans la logique d’un devoir de conseil substantiel, indépendant du niveau d’honoraires et du périmètre exact de la tenue. Elle confirme, par ailleurs, que le manquement contractuel peut constituer, à l’égard des tiers, un fait fautif distinct susceptible d’engager la responsabilité délictuelle. Le raisonnement, cependant, appelle une seconde série de vérifications, relatives au préjudice et au lien causal.
II. La valeur et la portée: rigueur probatoire du préjudice, absence de causalité et lignes jurisprudentielles
A. Une exigence cohérente du devoir de conseil, conforme aux lignes acquises
La solution renforce, sans excès, la cohérence du devoir de conseil en mission de présentation. En obligeant l’expert-comptable à une alerte effective, le juge conforte une jurisprudence constante qui subordonne la responsabilité à l’utilité concrète de la mise en garde, sans ériger la mission en révision générale. Le rappel selon lequel « La lettre de mission définit le cadre et l’étendue de la mission » cadre l’analyse, tout en reconnaissant, à due proportion, l’exigence de cohérence et de conformité de la liasse.
Cette position s’accorde avec la faculté, admise par le droit positif, pour un tiers au contrat d’invoquer un manquement contractuel sur le terrain de la responsabilité extracontractuelle. La faute de conseil demeure donc utilement caractérisée. Reste alors à établir un dommage indemnisable et un enchaînement causal certain, conditions que la Cour contrôle avec une rigueur qui emporte la décision de confirmation.
B. Le refus d’indemnisation: dette fiscale due, carence du débiteur principal et rupture du lien causal
Le cœur du rejet indemnitaire tient à la nature de la somme réclamée et à la causalité. Sur le premier point, la Cour affirme que « le rappel au titre des droits de TVA ne peut pas constituer un préjudice indemnisable s’agissant d’une imposition due ». L’assiette et le principe même de la taxe, rappelés après contentieux administratif, excluent que son paiement, en principal, devienne un dommage réparable. S’y ajoute l’absence de preuve du paiement des pénalités ou leur remise gracieuse, ce qui prive la demande d’assise autonome.
Sur le second point, le lien de causalité est rompu par l’interposition de la carence du débiteur social. Les investisseurs n’ont été actionnés qu’en raison du non-paiement par la société, en application du régime légal des sociétés civiles. Cette défaillance exclusive fait écran entre la faute de l’expert-comptable et le dommage allégué, lequel n’apparaît ni certain ni directement imputable au manquement retenu. La Cour en déduit logiquement la confirmation du rejet des demandes indemnitaires, nonobstant la faute de conseil établie.
Cette combinaison de principes emporte des conséquences pratiques claires. L’expert-comptable demeure débiteur d’un devoir d’alerte substantiel, y compris en mission de présentation. Toutefois, l’indemnisation des associés suppose, au-delà de la faute, la preuve d’un dommage distinct d’une dette fiscale due et un lien causal direct, ce qui fait ici défaut. En définitive, la décision maintient l’équilibre entre l’exigence professionnelle et la rigueur probatoire du contentieux indemnitaire.