Cour d’appel de Orléans, le 15 juillet 2025, n°23/00151

Rendue par la Cour d’appel d’Orléans le 15 juillet 2025, la décision commente la responsabilité d’un intermédiaire immobilier et l’étendue de la réparation due par l’acquéreur défaillant. Les vendeurs avaient consenti une promesse en avril 2019. L’acquéreur ne s’est pas présenté à la réitération, tandis qu’un acompte stipulé au compromis n’avait pas été versé. Les vendeurs ont recherché la responsabilité délictuelle de l’intermédiaire, invoquant un défaut de diligence et de conseil, et contractuelle de l’acquéreur, sur le fondement d’une clause pénale et de préjudices annexes.

Par jugement du tribunal judiciaire d’Orléans du 2 novembre 2022, l’acquéreur a été condamné à la clause pénale et à des dommages-intérêts complémentaires, tandis que les demandes dirigées contre l’intermédiaire ont été rejetées. Les vendeurs ont relevé appel, critiquant le rejet des prétentions contre l’intermédiaire et sollicitant une majoration de l’indemnisation complémentaire. L’intermédiaire a conclu à la confirmation, soutenant l’absence de faute au regard de son mandat et l’inopposabilité de la clause pénale.

La question posée tenait, d’abord, à la portée de l’obligation de diligence et de conseil de l’intermédiaire face à un acompte non versé et à la renonciation ultérieure de l’acquéreur à la condition suspensive. Elle portait, ensuite, sur l’articulation entre clause pénale et réparation de préjudices annexes, notamment quant à la preuve du lien causal et aux limites procédurales de l’appel.

La cour confirme l’absence de faute de l’intermédiaire, relevant que l’acompte n’était pas exigible avant l’acte et qu’aucun indice de défaillance avérée n’existait à la signature. Elle confirme, en outre, le rejet des prétentions indemnitaires au-delà de ce que le premier juge avait alloué, rappelant la borne de l’effet dévolutif et l’exigence d’un lien causal. Elle s’appuie sur « L’article 1231-1 du code civil [qui] dispose que le débiteur est condamné […] au paiement de dommages et intérêts » et souligne que « les appelants n’établissent pas que l’agence immobilière aurait commis une faute en lien avec les préjudices allégués ».

I. Les limites de la responsabilité de l’intermédiaire immobilier

A. L’acompte non versé et l’information due au mandant

La cour constate d’abord que la stipulation relative à l’acompte ne comportait aucun terme impératif avant l’acte authentique. Elle énonce, de manière nette, que « cette clause ne prévoit pas de délai pour le versement de l’acompte », de sorte que l’exigibilité s’appréciait au plus tard à la réitération. Elle ajoute que l’acompte s’imputait sur les sommes dues et n’empêchait pas la signature de l’acte, l’acquéreur pouvant régler le prix sans déduction préalable.

L’argument tenant à un défaut d’information anticipée est également écarté. La cour relève que « si l’agence immobilière n’a informé les vendeurs du défaut de versement de l’acompte qu’au jour du rendez-vous », cette information n’aurait pas, à elle seule, permis la résolution du compromis ni forcé la réitération. Elle précise que l’absence d’acompte ne caractérisait pas, en soi, un risque sérieux au jour du compromis.

La motivation retient enfin l’absence d’indice objectif de défaillance lors de l’avant-contrat, où l’engagement était assorti d’une clause pénale dissuasive. La cour approuve le raisonnement selon lequel « l’absence de versement de l’acompte […] n’était pas [de] nature à caractériser l’existence d’un risque » propre à justifier une mise en garde renforcée ou des mesures conservatoires.

B. La renonciation à la condition suspensive et l’inopérance des critiques sur la solvabilité

La condition suspensive de prêt figurait au compromis, stipulée dans l’intérêt exclusif de l’acquéreur. La cour constate que l’acquéreur a, postérieurement, choisi de s’en affranchir, ce qui neutralisait toute prérogative particulière de l’intermédiaire à ce stade. Elle affirme que « la condition suspensive liée à l’octroi d’un prêt […] [étant] stipulée dans l’intérêt exclusif de l’acquéreur », la renonciation ultérieure n’imposait ni mise en garde additionnelle ni recommandation de garanties.

Les critiques relatives aux vérifications d’identité, de domicile ou de solvabilité ne prospèrent pas davantage. La cour note que « aucun élément n’établit que le défaut de réitération de la vente était causé par l’insolvabilité de l’acquéreur » et qu’aucune impossibilité de payer n’a été alléguée à l’audience notariale. Aucune prévision raisonnable de l’abstention de se présenter n’était démontrée.

La solution se clôt sur l’absence de faute prouvée en lien causal avec les préjudices invoqués. La cour l’énonce expressément : « En conséquence, les appelants n’établissent pas que l’agence immobilière aurait commis une faute en lien avec les préjudices allégués. » La confirmation du rejet des demandes dirigées contre l’intermédiaire s’imposait donc, au regard d’une obligation de moyens correctement exécutée.

II. L’indemnisation due par l’acquéreur défaillant et ses bornes

A. Effet dévolutif et possibilité de cumuler clause pénale et dommages-intérêts

Devant le premier juge, l’acquéreur a été condamné à la clause pénale et à une somme complémentaire au titre de chefs annexes. Devant la cour, les vendeurs sollicitaient une augmentation. La juridiction retient l’effet dévolutif circonscrit, relevant que « seule peut donc être examinée en appel, la demande portant sur la différence entre la somme sollicitée et la somme allouée ». Cette affirmation borne strictement l’office du juge d’appel, en l’absence d’appel sur le chef déjà favorable.

La compatibilité entre clause pénale et réparation de chefs distincts demeure admise, pourvu qu’ils présentent un lien causal certain et ne fassent pas double emploi. Ici, le premier juge avait déjà opéré un tri, écartant des demandes redondantes ou étrangères au dommage contractuel. La cour s’y conforme, rappelant le cadre légal commun de la responsabilité contractuelle tel que posé par l’article 1231-1.

En définitive, le cumul ne peut aboutir qu’à l’indemnisation de postes distincts, prouvés et causaux, dans la limite de l’effet dévolutif. La cour confirme, sans excès, des montants jugés proportionnés au manquement de l’acquéreur, et refuse la majoration sollicitée faute d’assise procédurale et probatoire.

B. L’exclusion des chefs sans lien causal et l’appréciation des preuves

S’agissant des postes contemporains de la non-réitération, la cour approuve l’exclusion de certains frais. Elle retient que « les frais de rénovation du nouveau bien acquis ne présentent pas de lien de causalité avec le défaut de réitération », ce qui interdit de les imputer à l’acquéreur défaillant. Sont également exclus les frais relevant des dépens et de l’article 700, non indemnisables au titre du dommage contractuel.

La discussion sur l’acompte est clarifiée. La cour énonce que la somme « avait vocation à s’imputer sur le prix, les honoraires et les frais » et ne constitue pas, en elle-même, un préjudice des vendeurs lorsque la vente ne se réalise pas par la seule faute de l’acquéreur. Cette analyse évite un double compte et maintient une cohérence avec la fonction de la clause pénale.

Enfin, la demande de réparation d’un préjudice moral autonome est écartée, faute d’éléments spécifiques. La cour souligne que « les appelants n’établissent pas qu’ils auraient subi un dommage distinct de celui indemnisé par la clause pénale », ce qui maintient la stricte distinction entre clauses forfaitaires et chefs supplémentaires dûment établis. L’arrêt confirme ainsi, avec mesure, l’économie du premier jugement et rejette les demandes additionnelles.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

Laisser un commentaire

En savoir plus sur Avocats en droit immobilier et droit des affaires - Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture