Cour d’appel de Lyon, le 18 juin 2025, n°24/04029

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Cour d’appel de Lyon, 18 juin 2025. Saisie d’un appel à bref délai contre une ordonnance de référé, la juridiction devait apprécier la portée d’exigences de forme en appel. L’espèce naît d’un ouvrage ferroviaire ancien, menacé par des désordres imputés à un canal de dérivation, et d’une expertise ordonnée pour en diagnostiquer les causes.

Le premier juge a rejeté la demande de mise en cause d’un syndicat mixte, tout en ordonnant une expertise aux frais d’un établissement public. Les propriétaires du fonds ont limité leur appel à ce seul chef, sollicitant l’annulation et l’extension des opérations d’expertise au syndicat. Le syndicat a opposé la caducité pour défaut de conclusions conformes, subsidiairement l’absence de moyens au soutien de l’annulation, d’autres participants s’en rapportant, l’État demeurant défaillant.

La question de droit portait sur l’office de la cour au regard des articles 542 et 954 du code de procédure civile, dans le cadre de la procédure accélérée applicable. Plus précisément, il s’agissait de savoir si l’absence de moyens d’annulation développés dans la discussion des conclusions interdisait à la cour d’examiner le chef critiqué, quand bien même le dispositif sollicitait l’annulation.

La solution est ferme. La cour rappelle d’abord que « l’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel ». Elle ajoute, au visa de l’article 954, que « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion ». Constatant l’absence de moyens d’annulation dans la discussion, elle énonce que « dans ces conditions et en application du troisième alinéa de l’article 954, la cour ne peut que dire n’y avoir lieu à annulation ». Enfin, « en l’absence de demande de réformation », il ne reste « aucune autre prétention » et la confirmation s’impose. La cour écarte toutefois l’exception de caducité, les conclusions ayant été déposées en temps utile et le dispositif circonscrivant clairement la dévolution.

I. Le sens de la décision: le rappel du principe dispositif et de la technique d’appel

A. La délimitation de la dévolution et l’écartement de la caducité
La cour vérifie d’abord la régularité externe de l’appel. La déclaration limitait explicitement la dévolution au refus de mise en cause. Les conclusions ont été remises dans le délai de l’article 905-2, de sorte que la caducité n’était pas encourue. Le raisonnement retient la logique du double filtre, déclaratif puis conclusif, qui borne l’office de la juridiction d’appel sans priver l’appelant d’un contrôle effectif à bref délai.

Ce faisant, la cour articule les textes avec mesure. Elle relève que le dispositif des conclusions vise bien l’« annulation du chef de la décision attaquée ». Elle en déduit la recevabilité de la critique dans son périmètre, conformément à l’économie des articles 542 et 910-4. Le contentieux procédural s’éteint donc sur ce point, la juridiction recentrant l’examen sur le contenu de la discussion, seul apte à porter les moyens au soutien de la prétention affichée.

B. Le nécessaire portage des moyens dans la discussion des conclusions
Le cœur de la décision tient à l’application stricte de l’article 954, alinéa 3. La cour cite que « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens […] que s’ils sont invoqués dans la discussion ». Elle constate l’absence de moyens articulés pour fonder l’annulation demandée, ce qui ferme l’office du juge d’appel. La sanction n’est pas la caducité, mais un non-lieu à statuer sur l’annulation.

Cette solution s’enracine dans la logique du principe dispositif. L’appelant fixe la prétention par le dispositif, puis charge la discussion d’en porter les moyens. À défaut d’argumentation, la prétention demeure inexaminable. La cour énonce alors, de manière pédagogique, que « la cour ne peut que dire n’y avoir lieu à annulation », appliquant la frontière nette entre affichage des demandes et exposition des motifs juridiques qui les soutiennent.

II. Valeur et portée: un formalisme raisonnable et structurant en procédure accélérée

A. Un rappel salutaire de la méthode des conclusions d’appel
La décision adopte une rigueur utile à la lisibilité du procès d’appel. Elle rappelle que « lorsque l’appelant ne demande, dans le dispositif de ses conclusions, ni l’infirmation ni l’annulation du jugement, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement ». Par symétrie, lorsque la demande d’annulation figure au dispositif, l’examen ne peut avoir lieu sans moyens dans la discussion. La cohérence de l’ensemble renforce la prévisibilité pour les praticiens.

La valeur de l’arrêt tient à la distinction claire entre recevabilité de l’appel et opérabilité de la prétention. Le premier seuil est franchi par la combinaison déclaration‑délais‑dispositif. Le second exige une discussion nourrie et ciblée. La cour contribue ainsi à consolider la discipline des écritures, particulièrement en circuits brefs, sans excès formaliste ni atteinte au droit d’accès au juge.

B. Effets pratiques pour le contentieux des référés‑expertise
La portée de l’arrêt dépasse l’espèce, où l’enjeu était l’extension d’une expertise à un tiers public. En pratique, les parties qui limitent leur appel à un chef procédural devront insérer des moyens précis d’annulation dans la discussion, sous peine d’un non-lieu et d’une confirmation mécanique. Cette exigence s’accorde avec la finalité d’efficacité du bref délai.

La décision invite enfin à une stratégie d’anticipation. En référé‑expertise, l’assignation de tiers et la mise en cause pour opposabilité requièrent, en appel, une argumentation dédiée et distincte d’un simple renvoi aux pièces. À défaut, l’appel ne produit aucun effet utile, la charge des frais en découlant. L’arrêt éclaire ainsi, avec mesure, la ligne de crête entre célérité procédurale et effectivité du contrôle d’appel.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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