Cour d’appel de Grenoble, le 1 juillet 2025, n°25/00358

L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Grenoble le 1er juillet 2025 illustre le mécanisme de la requête en omission de statuer prévu par l’article 463 du code de procédure civile. Cette décision s’inscrit dans le contentieux locatif opposant un bailleur social à son locataire.

Les faits de l’espèce sont les suivants. Un locataire avait accumulé un arriéré de loyers et de charges. Le bailleur a fait délivrer un commandement de payer le 2 janvier 2023, entraînant la résiliation de plein droit du bail à la date du 2 février 2023. Le juge des contentieux de la protection de Grenoble a statué par ordonnance du 14 mars 2024. Le locataire a interjeté appel de cette décision le 25 mars 2024.

Par arrêt du 14 janvier 2025, la Cour d’appel de Grenoble a partiellement infirmé l’ordonnance entreprise. Elle a condamné le locataire au paiement de la somme de 1 989,99 euros au titre de l’arriéré. Elle lui a accordé un délai de douze mois pour s’acquitter de sa dette par versements mensuels de 50 euros. Elle lui a également octroyé un délai d’un an pour quitter les lieux.

Le bailleur avait sollicité dans ses conclusions une clause de déchéance en cas de non-respect des délais accordés. La cour n’avait pas répondu à cette demande. Le 28 janvier 2025, le bailleur a déposé une requête en omission de statuer. Le locataire n’a pas conclu sur ce point. La question posée à la juridiction était de savoir si elle avait effectivement omis de statuer sur le chef de demande relatif à la clause de déchéance et si elle devait compléter son arrêt en ce sens.

La Cour d’appel de Grenoble a fait droit à la requête. Elle a ajouté au dispositif de l’arrêt initial la mention selon laquelle le locataire sera « déchu de plein droit » du bénéfice des délais s’il ne respecte pas les modalités de paiement fixées.

Le régime de la requête en omission de statuer constitue un outil procédural essentiel permettant de pallier l’incomplétude d’une décision de justice (I). L’adjonction d’une clause de déchéance assure l’effectivité des délais de paiement accordés au débiteur (II).

I. La requête en omission de statuer comme remède à l’incomplétude de la décision judiciaire

La cour rappelle les conditions de recevabilité de la requête en omission de statuer (A) avant de caractériser l’omission commise (B).

A. Les conditions de mise en œuvre de la requête

L’article 463 du code de procédure civile offre aux parties la possibilité de demander à une juridiction de compléter sa décision lorsqu’elle a omis de statuer sur un chef de demande. La cour reproduit les termes de ce texte en précisant que le juge peut « compléter son jugement sans porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs ». Ce mécanisme préserve l’autorité de chose jugée attachée aux dispositions déjà tranchées.

La demande doit être présentée dans un délai d’un an à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée. En l’espèce, la requête a été déposée le 28 janvier 2025, soit quatorze jours après l’arrêt du 14 janvier 2025. Le délai était manifestement respecté. Le juge est saisi par simple requête de l’une des parties. La procédure est contradictoire puisque les parties doivent être entendues ou appelées.

B. La caractérisation de l’omission de statuer

La cour constate qu’il « est avéré » que le bailleur avait formulé une demande précise dans ses conclusions. La société bailleresse sollicitait expressément que les délais accordés soient « conditionnés » par le respect du paiement de l’arriéré et du loyer courant. Elle demandait qu’à défaut de respecter ces obligations, le locataire soit « déchu de plein droit de leur bénéfice ».

La cour relève qu’il « est constant » qu’elle a omis de statuer sur ce point. Cette reconnaissance est dépourvue d’ambiguïté. L’omission porte sur un chef de demande distinct et autonome. La clause de déchéance ne se confond pas avec l’octroi des délais. Elle en constitue la contrepartie procédurale destinée à garantir leur effectivité.

II. La clause de déchéance comme garantie de l’effectivité des délais de paiement

L’adjonction de la clause de déchéance répond à une logique d’équilibre entre les intérêts des parties (A) et s’inscrit dans une pratique jurisprudentielle établie (B).

A. L’équilibre entre protection du débiteur et sécurité du créancier

Les délais de paiement accordés au titre de l’article 1343-5 du code civil constituent une faveur pour le débiteur. Ils lui permettent de s’acquitter de sa dette de manière échelonnée. En l’espèce, le locataire bénéficiait de douze mois pour régler sa dette par versements de 50 euros. Il disposait également d’un an pour quitter les lieux.

Ces mesures de clémence ne sauraient être inconditionnelles. Le créancier doit pouvoir obtenir l’exécution forcée si le débiteur manque à ses engagements. La clause de déchéance assure cet équilibre. Elle prévoit que le locataire sera « déchu de plein droit » du bénéfice des délais s’il ne respecte pas les modalités de paiement. Le défaut de règlement d’une seule mensualité rend immédiatement exigible l’intégralité de la dette.

B. Une pratique jurisprudentielle conforme au droit positif

L’insertion d’une clause de déchéance constitue une pratique courante en matière de délais de paiement. Les juridictions assortissent régulièrement les échéanciers judiciaires d’une telle clause. Cette pratique permet d’éviter que le créancier ne doive engager une nouvelle procédure en cas de défaillance du débiteur.

La décision commentée s’inscrit dans cette logique. La cour fait droit à la demande du bailleur en ajoutant au dispositif la mention relative à la déchéance. Elle ordonne que cette décision rectificative soit mentionnée sur la minute et les expéditions de l’arrêt initial. Les dépens restent à la charge du Trésor public, solution logique dès lors que l’omission est imputable à la juridiction elle-même.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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