Cour d’appel de Amiens, le 3 juillet 2025, n°24/03658
Par un arrêt du 3 juillet 2025, la cour d’appel d’Amiens, statuant en matière d’exécution forcée, a liquidé une astreinte provisoire ordonnée à l’encontre d’une société civile immobilière et d’une société commerciale exploitant un magasin d’optique en violation des statuts d’une association syndicale libre.
En l’espèce, une société civile immobilière avait acquis des lots au sein d’un centre commercial et les avait donnés à bail commercial à une société pour l’exercice d’une activité d’optique. Or, l’article 27 des statuts de l’association syndicale libre gérant l’ensemble immobilier interdisait toute activité principale concurrente de celles déjà exercées. Trois sociétés, dont un opticien concurrent, ont agi pour faire cesser cette exploitation. Le juge des référés a ordonné aux deux sociétés de cesser l’activité litigieuse sous astreinte. Le juge de l’exécution a ensuite liquidé l’astreinte à hauteur de 125 000 euros. Entretemps, la chambre économique de la cour d’appel a partiellement confirmé l’ordonnance de référé, supprimant uniquement l’obligation de déposer l’enseigne et modifiant les modalités de l’astreinte. Les sociétés condamnées ont interjeté appel du jugement de liquidation en invoquant l’anéantissement de ce jugement pour perte de fondement juridique et en sollicitant un sursis à statuer dans l’attente d’une décision sur la validité de l’article 27 des statuts.
La question posée à la cour était double. D’une part, il s’agissait de déterminer si la réformation partielle d’une ordonnance de référé par la cour d’appel entraîne l’anéantissement de plein droit du jugement ayant liquidé l’astreinte qu’elle avait ordonnée. D’autre part, la cour devait statuer sur le point de savoir si le juge de l’exécution peut surseoir à statuer dans l’attente d’une décision au fond susceptible de remettre en cause le titre exécutoire.
La cour d’appel d’Amiens confirme le rejet de la demande de sursis à statuer et déboute les appelantes de leur demande d’infirmation du jugement pour anéantissement. Elle retient que l’arrêt du 16 janvier 2025 n’a pas infirmé l’ordonnance de référé dans son intégralité mais l’a confirmée partiellement, de sorte que le fondement juridique de la liquidation demeure. Elle procède néanmoins à une nouvelle liquidation tenant compte des modalités modifiées de l’astreinte.
L’intérêt de cet arrêt réside dans l’articulation qu’il opère entre les pouvoirs du juge de l’exécution et les effets d’une décision d’appel sur la liquidation d’une astreinte. Il sera envisagé, d’une part, les limites des pouvoirs du juge de l’exécution face à une contestation du titre exécutoire (I), et, d’autre part, les effets d’une réformation partielle sur la liquidation de l’astreinte (II).
I. Les limites des pouvoirs du juge de l’exécution face à la contestation du titre
Le juge de l’exécution ne peut modifier ni suspendre l’exécution du titre qui fonde les poursuites (A). La demande de sursis à statuer constitue une demande de suspension déguisée (B).
A. L’interdiction de modifier ou suspendre l’exécution du titre exécutoire
L’article R. 121-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d’exécution dispose que le juge de l’exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l’exécution. La cour d’appel d’Amiens applique cette règle avec rigueur.
Les sociétés condamnées soutenaient que le prononcé d’astreintes et leur liquidation conduisaient à donner effet à des « ententes anticoncurrentielles prohibées » par l’article 27 des statuts de l’association syndicale libre. Elles invoquaient une instance pendante devant le tribunal judiciaire aux fins d’annulation de cet article. La cour rejette ce moyen en relevant qu’il n’appartient pas au juge de l’exécution d’apprécier la pertinence des moyens soulevés devant le juge du fond.
La décision s’inscrit dans une jurisprudence constante qui cantonne strictement les pouvoirs du juge de l’exécution. Celui-ci doit assurer l’exécution du titre sans porter d’appréciation sur sa validité intrinsèque. Une telle appréciation relève exclusivement du juge qui a rendu la décision ou de la juridiction d’appel.
B. Le sursis à statuer analysé comme une suspension prohibée
La cour qualifie la demande de sursis à statuer de demande de suspension déguisée de l’exécution provisoire. Elle rappelle que l’ordonnance de référé bénéficie de l’exécution provisoire de plein droit et que la première présidente a déjà rejeté une demande de suspension le 30 mai 2024.
La cour met en balance deux intérêts : le risque d’annulation de l’article 27 des statuts et la nécessité d’assurer l’exécution de l’ordonnance de référé partiellement confirmée. Elle conclut qu’ordonner un sursis reviendrait à suspendre l’exécution de l’ordonnance alors que cette demande a déjà été rejetée.
Cette analyse révèle la cohérence du système d’exécution provisoire. Le premier président apprécie le critère des conséquences manifestement excessives lors de la demande de suspension. Une fois cette demande rejetée, le juge de l’exécution ne saurait parvenir au même résultat par une voie détournée. La cour refuse ainsi d’examiner le prétendu risque de non-restitution des sommes versées, qui relève du seul contrôle du premier président.
II. Les effets d’une réformation partielle sur la liquidation de l’astreinte
La confirmation partielle de l’obligation principale maintient le fondement de la liquidation (A). Le quantum de l’astreinte doit cependant être adapté aux modalités fixées par la cour d’appel (B).
A. Le maintien du fondement juridique en cas de confirmation partielle
Les appelantes soutenaient que l’arrêt du 16 janvier 2025 avait réformé l’ordonnance de référé et que cette réformation emportait de plein droit l’anéantissement du jugement de liquidation. La cour rejette cette analyse en procédant à une interprétation minutieuse du dispositif de l’arrêt.
La chambre économique avait « confirmé la décision entreprise excepté sur la dépose de l’enseigne et sur les modalités de l’astreinte ». La cour d’appel d’Amiens en déduit que l’obligation de cesser l’activité d’optique a été confirmée et non infirmée. Elle relève que la précision apportée par la chambre économique, distinguant l’obligation de « faire cesser » pour le bailleur et de « cesser » pour le preneur, ne modifie pas la nature de l’obligation mais en précise les modalités d’exécution.
La cour affirme ainsi que la réformation partielle d’une décision assortie d’une astreinte n’entraîne l’anéantissement de la liquidation que si l’obligation principale a été supprimée. Une simple modification des modalités de l’astreinte ne prive pas le jugement de liquidation de son fondement juridique.
B. L’adaptation du quantum aux nouvelles modalités de l’astreinte
La chambre économique avait fixé une astreinte de 250 euros par jour de retard à la charge de chacune des deux sociétés, au lieu d’une astreinte globale de 500 euros. La cour d’appel d’Amiens tire les conséquences de cette modification en procédant à une nouvelle liquidation.
Elle infirme la condamnation globale à 125 000 euros et prononce deux condamnations distinctes de 31 250 euros pour la période du 8 décembre 2023 au 11 avril 2024. Elle ajoute une liquidation de 19 250 euros à la charge de chaque société pour la période du 12 avril au 27 juin 2024.
La cour refuse en revanche de liquider l’astreinte fixée par le juge de l’exécution lui-même. Elle déclare cette demande irrecevable sur le fondement de l’article 910-4 du code de procédure civile, les intimées n’ayant pas formé cette prétention dans leurs premières conclusions. Cette solution rappelle que le principe de concentration des prétentions s’applique également aux demandes de liquidation d’astreinte, même lorsqu’un fait nouveau est survenu en cours d’instance.
Par un arrêt du 3 juillet 2025, la cour d’appel d’Amiens, statuant en matière d’exécution forcée, a liquidé une astreinte provisoire ordonnée à l’encontre d’une société civile immobilière et d’une société commerciale exploitant un magasin d’optique en violation des statuts d’une association syndicale libre.
En l’espèce, une société civile immobilière avait acquis des lots au sein d’un centre commercial et les avait donnés à bail commercial à une société pour l’exercice d’une activité d’optique. Or, l’article 27 des statuts de l’association syndicale libre gérant l’ensemble immobilier interdisait toute activité principale concurrente de celles déjà exercées. Trois sociétés, dont un opticien concurrent, ont agi pour faire cesser cette exploitation. Le juge des référés a ordonné aux deux sociétés de cesser l’activité litigieuse sous astreinte. Le juge de l’exécution a ensuite liquidé l’astreinte à hauteur de 125 000 euros. Entretemps, la chambre économique de la cour d’appel a partiellement confirmé l’ordonnance de référé, supprimant uniquement l’obligation de déposer l’enseigne et modifiant les modalités de l’astreinte. Les sociétés condamnées ont interjeté appel du jugement de liquidation en invoquant l’anéantissement de ce jugement pour perte de fondement juridique et en sollicitant un sursis à statuer dans l’attente d’une décision sur la validité de l’article 27 des statuts.
La question posée à la cour était double. D’une part, il s’agissait de déterminer si la réformation partielle d’une ordonnance de référé par la cour d’appel entraîne l’anéantissement de plein droit du jugement ayant liquidé l’astreinte qu’elle avait ordonnée. D’autre part, la cour devait statuer sur le point de savoir si le juge de l’exécution peut surseoir à statuer dans l’attente d’une décision au fond susceptible de remettre en cause le titre exécutoire.
La cour d’appel d’Amiens confirme le rejet de la demande de sursis à statuer et déboute les appelantes de leur demande d’infirmation du jugement pour anéantissement. Elle retient que l’arrêt du 16 janvier 2025 n’a pas infirmé l’ordonnance de référé dans son intégralité mais l’a confirmée partiellement, de sorte que le fondement juridique de la liquidation demeure. Elle procède néanmoins à une nouvelle liquidation tenant compte des modalités modifiées de l’astreinte.
L’intérêt de cet arrêt réside dans l’articulation qu’il opère entre les pouvoirs du juge de l’exécution et les effets d’une décision d’appel sur la liquidation d’une astreinte. Il sera envisagé, d’une part, les limites des pouvoirs du juge de l’exécution face à une contestation du titre exécutoire (I), et, d’autre part, les effets d’une réformation partielle sur la liquidation de l’astreinte (II).
I. Les limites des pouvoirs du juge de l’exécution face à la contestation du titre
Le juge de l’exécution ne peut modifier ni suspendre l’exécution du titre qui fonde les poursuites (A). La demande de sursis à statuer constitue une demande de suspension déguisée (B).
A. L’interdiction de modifier ou suspendre l’exécution du titre exécutoire
L’article R. 121-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d’exécution dispose que le juge de l’exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l’exécution. La cour d’appel d’Amiens applique cette règle avec rigueur.
Les sociétés condamnées soutenaient que le prononcé d’astreintes et leur liquidation conduisaient à donner effet à des « ententes anticoncurrentielles prohibées » par l’article 27 des statuts de l’association syndicale libre. Elles invoquaient une instance pendante devant le tribunal judiciaire aux fins d’annulation de cet article. La cour rejette ce moyen en relevant qu’il n’appartient pas au juge de l’exécution d’apprécier la pertinence des moyens soulevés devant le juge du fond.
La décision s’inscrit dans une jurisprudence constante qui cantonne strictement les pouvoirs du juge de l’exécution. Celui-ci doit assurer l’exécution du titre sans porter d’appréciation sur sa validité intrinsèque. Une telle appréciation relève exclusivement du juge qui a rendu la décision ou de la juridiction d’appel.
B. Le sursis à statuer analysé comme une suspension prohibée
La cour qualifie la demande de sursis à statuer de demande de suspension déguisée de l’exécution provisoire. Elle rappelle que l’ordonnance de référé bénéficie de l’exécution provisoire de plein droit et que la première présidente a déjà rejeté une demande de suspension le 30 mai 2024.
La cour met en balance deux intérêts : le risque d’annulation de l’article 27 des statuts et la nécessité d’assurer l’exécution de l’ordonnance de référé partiellement confirmée. Elle conclut qu’ordonner un sursis reviendrait à suspendre l’exécution de l’ordonnance alors que cette demande a déjà été rejetée.
Cette analyse révèle la cohérence du système d’exécution provisoire. Le premier président apprécie le critère des conséquences manifestement excessives lors de la demande de suspension. Une fois cette demande rejetée, le juge de l’exécution ne saurait parvenir au même résultat par une voie détournée. La cour refuse ainsi d’examiner le prétendu risque de non-restitution des sommes versées, qui relève du seul contrôle du premier président.
II. Les effets d’une réformation partielle sur la liquidation de l’astreinte
La confirmation partielle de l’obligation principale maintient le fondement de la liquidation (A). Le quantum de l’astreinte doit cependant être adapté aux modalités fixées par la cour d’appel (B).
A. Le maintien du fondement juridique en cas de confirmation partielle
Les appelantes soutenaient que l’arrêt du 16 janvier 2025 avait réformé l’ordonnance de référé et que cette réformation emportait de plein droit l’anéantissement du jugement de liquidation. La cour rejette cette analyse en procédant à une interprétation minutieuse du dispositif de l’arrêt.
La chambre économique avait « confirmé la décision entreprise excepté sur la dépose de l’enseigne et sur les modalités de l’astreinte ». La cour d’appel d’Amiens en déduit que l’obligation de cesser l’activité d’optique a été confirmée et non infirmée. Elle relève que la précision apportée par la chambre économique, distinguant l’obligation de « faire cesser » pour le bailleur et de « cesser » pour le preneur, ne modifie pas la nature de l’obligation mais en précise les modalités d’exécution.
La cour affirme ainsi que la réformation partielle d’une décision assortie d’une astreinte n’entraîne l’anéantissement de la liquidation que si l’obligation principale a été supprimée. Une simple modification des modalités de l’astreinte ne prive pas le jugement de liquidation de son fondement juridique.
B. L’adaptation du quantum aux nouvelles modalités de l’astreinte
La chambre économique avait fixé une astreinte de 250 euros par jour de retard à la charge de chacune des deux sociétés, au lieu d’une astreinte globale de 500 euros. La cour d’appel d’Amiens tire les conséquences de cette modification en procédant à une nouvelle liquidation.
Elle infirme la condamnation globale à 125 000 euros et prononce deux condamnations distinctes de 31 250 euros pour la période du 8 décembre 2023 au 11 avril 2024. Elle ajoute une liquidation de 19 250 euros à la charge de chaque société pour la période du 12 avril au 27 juin 2024.
La cour refuse en revanche de liquider l’astreinte fixée par le juge de l’exécution lui-même. Elle déclare cette demande irrecevable sur le fondement de l’article 910-4 du code de procédure civile, les intimées n’ayant pas formé cette prétention dans leurs premières conclusions. Cette solution rappelle que le principe de concentration des prétentions s’applique également aux demandes de liquidation d’astreinte, même lorsqu’un fait nouveau est survenu en cours d’instance.