Cour d’appel de Aix-en-Provence, le 26 juin 2025, n°21/08398

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Rendue par la cour d’appel d’Aix-en-Provence le 26 juin 2025, la décision oppose un bailleur commercial et son preneur quant à la validité d’un bail verbal et à ses suites. Les locaux, situés en zone soumise à un plan de prévention du risque d’inondation, avaient été affectés à l’ouverture d’une école. Une déclaration préalable de changement de destination a été tacitement admise, puis annulée en 2016 par le juge administratif, au motif d’une augmentation de la population exposée. Le bailleur a alors sollicité la caducité du bail et une indemnité d’occupation, tandis que le preneur invoquait un dol, subsidiairement un manquement à l’obligation de délivrance, et réclamait des dommages‑intérêts. Par un jugement de 2021, le tribunal a écarté le dol, prononcé la résiliation aux torts du bailleur, fixé une indemnité d’occupation par paliers et alloué 20 000 euros de dommages‑intérêts. La cour d’appel confirme l’essentiel, refuse la caducité, écarte le dol, maintient la résiliation aux torts du bailleur, précise le caractère mensuel de l’indemnité d’occupation et fixe les créances après ouverture de la procédure collective.

La question de droit porte d’abord sur la caractérisation d’un dol par réticence, en lien avec les prescriptions d’urbanisme, ensuite sur l’étendue de l’obligation de délivrance face à une décision administrative empêchant l’usage convenu. La cour répond en retenant l’absence de manoeuvres dolosives, tout en jugeant que le bailleur assume le risque administratif et engage sa responsabilité contractuelle. Ainsi, elle affirme que « le dol […] ne se présume pas et doit être prouvé » et que « le fait […] d’avoir envisagé la possibilité d’aménager le rez‑de‑chaussée pour une destination autre que l’habitation ne caractérise pas une mauvaise foi ». Elle ajoute surtout, à propos de la délivrance, qu’« il revient au bailleur d’assumer les conséquences d’une décision administrative interdisant l’aménagement du local pour l’exercice de l’activité prévue ».

A. L’absence de dol face à une information urbanistique partagée

La cour retient une information complète sur le contexte administratif dès l’origine, ce qui exclut l’erreur provoquée. Elle souligne que les réunions en mairie ont exposé la situation contentieuse et les aléas du dépôt d’une déclaration préalable. Elle constate aussi que la destination initiale des lieux importait peu, dès lors que « la discussion sur la destination initiale, habitation ou commerciale, est sans intérêt », le projet d’école constituant en tout état de cause un changement de destination augmentant la population exposée. La charge de la preuve du dol n’est pas satisfaite, puisque les éléments versés n’établissent ni dissimulation intentionnelle, ni manoeuvres déterminantes.

Cette solution s’appuie sur une lecture stricte du dol par réticence, où l’obligation d’information se jauge au regard des données disponibles et effectivement partagées. La cour rappelle que « l’appelante ne produit aucune pièce établissant que la bailleresse lui aurait “laissé croire que le local était d’ores et déjà habitable” », ce qui écarte la tromperie alléguée. Elle relève enfin que l’absence de bail écrit ne révèle aucune intention frauduleuse, les échanges démontrant des projets divergents plutôt qu’une manoeuvre. La nullité pour dol ne pouvant suppléer l’insécurité urbanistique, la discussion se déplace vers le terrain des obligations de délivrance.

B. La délivrance conforme et le risque administratif à la charge du bailleur

La cour assoit la résiliation aux torts du bailleur sur l’article 1719 du code civil, qui commande une délivrance utile à l’usage stipulé. Elle énonce de manière nette qu’« il résulte de ces dispositions qu’il revient au bailleur d’assumer les conséquences d’une décision administrative interdisant l’aménagement du local pour l’exercice de l’activité prévue ». Le dépôt de la déclaration préalable au nom du preneur demeure indifférent, car il ne transfère ni le risque, ni la responsabilité de délivrance utile.

Ce raisonnement conduit logiquement à écarter la caducité, qui aurait anéanti rétroactivement l’obligation contractuelle sans imputabilité. La cour « confirme […] la résiliation du bail aux torts de la bailleresse et non la caducité du bail », ce qui sauvegarde le cadre de la responsabilité contractuelle et ses conséquences réparatrices. Elle refuse aussi la résiliation aux torts du preneur, l’usage ponctuel d’un espace extérieur pour des livraisons étant étranger à toute violation caractérisée. La solution privilégie la sécurité du régime de la délivrance et l’équilibre des obligations locatives.

A. La clarification d’un principe directeur en matière de baux commerciaux

La décision confère une portée claire au principe selon lequel le bailleur supporte le risque d’inconstructibilité ou d’inexploitabilité administrative, lorsque l’usage contractuel se heurte à une interdiction. Elle réaffirme, dans un contentieux fréquent des locaux soumis à contraintes, que la délivrance conforme englobe l’aptitude juridique des lieux. L’affirmation selon laquelle « le fait […] d’avoir demandé à la preneuse d’effectuer la déclaration préalable […] ne décharge aucunement la bailleresse » consolide l’indisponibilité de la clause de transfert implicite du risque.

Une telle clarification sert la prévisibilité des relations commerciales. Elle incite les bailleurs à diligenter les vérifications nécessaires et, le cas échéant, à subordonner l’entrée en jouissance à l’obtention d’autorisations. Elle incite également les preneurs à documenter les échanges précontractuels et à sécuriser la destination contractuelle. Le choix de la résiliation, plutôt que la caducité, confirme que l’anéantissement du bail procède d’un manquement exécutoire, ouvrant droit à réparation mesurée.

B. L’office d’appréciation: indemnité d’occupation et preuve du préjudice

La cour approuve une indemnité d’occupation graduée et en précise l’assiette mensuelle, en tenant compte de la « particulière précarité » liée aux aléas administratifs et judiciaires. Cette modulation s’accorde avec l’occupation effective et l’avantage tiré des lieux, sans confondre indemnité et loyer de marché. Elle articule, de plus, la fixation des créances avec la procédure collective, en refusant les intérêts en application du texte commercial, ce qui préserve l’égalité des créanciers.

S’agissant des dommages du preneur, l’office reste exigeant. La cour juge non démontrées les pertes de chiffre d’affaires alléguées, faute de pièces comptables probantes, et maintient l’indemnisation à 20 000 euros. Elle note que des frais de délocalisation hypothétiques ne sauraient prospérer après la liquidation. Cette prudence probatoire évite une surindemnisation et réaffirme que le préjudice doit découler directement de la résiliation imputable, être certain et dûment justifié. L’équilibre atteint conforte la cohérence d’ensemble de la solution.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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