Cour d’appel de Aix-en-Provence, le 2 juillet 2025, n°21/06939
La saisie-attribution constitue une voie d’exécution redoutable qui permet au créancier muni d’un titre exécutoire d’appréhender immédiatement les créances de son débiteur. La régularité de sa dénonciation conditionne toutefois sa validité. L’arrêt rendu par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence le 2 juillet 2025 illustre les exigences procédurales qui entourent la contestation d’un tel acte par la voie de l’inscription de faux.
Un gérant de société, affilié à l’organisme de recouvrement des cotisations sociales, a fait l’objet d’une saisie-attribution pratiquée le 13 août 2019 sur ses comptes bancaires en exécution d’une contrainte. Le procès-verbal de saisie lui a été signifié le 19 août 2019 par dépôt en l’étude de l’huissier, ce dernier ayant mentionné l’absence du destinataire de son domicile. Contestant la véracité de cette mention, le débiteur a formé une inscription de faux et assigné le créancier afin de voir déclarer nul ce procès-verbal.
Par jugement du 22 avril 2021, le Tribunal judiciaire de Marseille a rejeté la demande, considérant que le demandeur ne démontrait pas sa présence à son domicile lors du passage de l’huissier. Le tribunal a condamné le demandeur à une amende civile de 500 euros et à verser une indemnité au titre des frais irrépétibles. Le débiteur a interjeté appel le 7 mai 2021.
Devant la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, l’appelant soutient que l’acte de signification comporte une mention mensongère et produit des attestations établissant sa présence sur les lieux. Il fait valoir qu’en matière d’inscription de faux, la démonstration d’un grief n’est pas requise. L’intimé réplique que les attestations produites ne prouvent pas la présence effective du destinataire au moment précis du passage de l’huissier.
La question posée à la cour était celle de savoir si la procédure d’inscription de faux pouvait être jugée sans communication préalable au ministère public.
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence ordonne la réouverture des débats et le renvoi de la procédure devant le conseiller de la mise en état afin que le dossier soit communiqué pour avis au procureur général.
L’arrêt met en lumière le caractère impératif de la communication au ministère public en matière d’inscription de faux (I) et révèle les enjeux procéduraux qui président à la contestation de la régularité d’une signification (II).
I. Le caractère impératif de la communication au ministère public
L’inscription de faux contre un acte authentique obéit à un régime procédural strict qui impose l’intervention du ministère public (A). Cette exigence revêt un caractère d’ordre public qui s’impose à tous les degrés de juridiction (B).
A. L’intervention obligatoire du parquet en matière d’inscription de faux
La cour rappelle les dispositions combinées des articles 303 et 425 du code de procédure civile. Elle énonce que « l’inscription de faux contre un acte authentique donne lieu à communication au ministère public ». Cette communication n’est pas une simple faculté laissée à l’appréciation du juge. Elle constitue une formalité substantielle dont l’omission affecte la régularité de la procédure.
L’intervention du ministère public en cette matière se justifie par la nature même de l’inscription de faux. Cette procédure tend à démontrer qu’un acte revêtu de l’authenticité contient des énonciations contraires à la vérité. L’acte authentique, dressé par un officier public, fait foi jusqu’à inscription de faux des constatations que celui-ci a personnellement effectuées. Mettre en cause la sincérité de telles énonciations revient potentiellement à imputer à l’officier instrumentaire la commission d’un faux en écriture publique.
Le ministère public dispose à cet égard de prérogatives propres. La cour souligne qu’il peut « en cas de renonciation ou de transaction sur l’inscription de faux, requérir toutes les mesures propres à réserver l’exercice de poursuites pénales ». Cette faculté témoigne de l’intérêt que la société attache à la sincérité des actes authentiques et à la répression des atteintes qui leur sont portées.
B. L’application de cette exigence à tous les degrés de juridiction
La cour affirme que « les prescriptions de l’art. 425 ont un caractère d’ordre public et sont applicables devant la cour d’appel, même dans le cas où la cause a été communiquée au ministère public en première instance ». Cette formulation établit une règle claire. La communication au parquet n’est pas épuisée par son accomplissement devant les premiers juges. Elle doit être renouvelée devant la juridiction d’appel.
Le caractère d’ordre public de cette exigence emporte plusieurs conséquences. Le juge doit relever d’office le défaut de communication, quand bien même aucune partie n’aurait soulevé ce moyen. Les parties ne sauraient renoncer à cette formalité ni en couvrir l’irrégularité par leur silence. La cour tire les conséquences de ce constat en ordonnant la réouverture des débats.
La solution retenue illustre la primauté des garanties procédurales sur l’efficacité du traitement contentieux. Alors que le litige était en état d’être jugé au fond, la cour diffère sa décision pour permettre l’accomplissement d’une formalité substantielle. Cette rigueur procédurale témoigne de l’importance que l’ordre juridique attache à la sincérité des actes authentiques.
II. Les enjeux de la contestation de la signification par inscription de faux
L’inscription de faux contre un procès-verbal d’huissier soulève des difficultés probatoires spécifiques (A). Elle s’inscrit dans un contentieux plus large relatif aux conditions de validité des saisies (B).
A. La charge de la preuve dans l’inscription de faux
Le demandeur à l’inscription de faux supporte la charge de démontrer la fausseté des énonciations de l’acte authentique qu’il conteste. Cette règle trouve son fondement dans la force probante attachée aux constatations personnelles de l’officier public. L’huissier de justice qui relate avoir constaté l’absence du destinataire de son domicile engage sa responsabilité professionnelle et pénale sur cette affirmation.
En l’espèce, l’appelant « fait valoir que l’acte de signification du 19 août 2019 comporte une mention fausse en ce qu’elle fait état d’une impossibilité de dénonce à sa personne pour cause d’absence de son domicile, alors qu’il rapporte la preuve par diverses attestations qu’il y était présent, occupé à des travaux à l’extérieur ». La force probante des attestations produites constituera l’enjeu central du débat au fond.
Le tribunal de première instance avait considéré que les attestations ne démontraient pas la présence du destinataire « au moment précis du passage de l’huissier ». Cette appréciation restrictive de la preuve illustre la difficulté de renverser la foi attachée aux constatations de l’officier ministériel. La production d’une preuve négative, celle de n’avoir pas été absent, se heurte à des obstacles pratiques considérables.
L’appelant invoque également l’absence de nécessité de démontrer un grief en matière d’inscription de faux. Cet argument mérite attention. L’inscription de faux tend à établir la fausseté intrinsèque d’un acte, indépendamment des conséquences que cette fausseté peut entraîner. La démonstration du faux devrait suffire à emporter l’annulation de l’acte, sans que le demandeur ait à prouver le préjudice qu’il en subit.
B. Les conséquences de la nullité sur la procédure de saisie
L’appelant soutient que « la nullité de la dénonce de saisie-attribution entraîne la nullité de la saisie subséquente ». Cette affirmation appelle une analyse nuancée des effets de l’irrégularité de la signification.
La dénonciation de la saisie-attribution au débiteur constitue une formalité essentielle. L’article R. 211-3 du code des procédures civiles d’exécution impose que cette dénonciation intervienne dans un délai de huit jours à compter de la signification de l’acte de saisie. À défaut, la saisie est caduque. La régularité de la dénonciation conditionne donc la consolidation des effets de la saisie.
La signification par dépôt à l’étude de l’huissier ne constitue qu’un mode subsidiaire de notification. L’article 655 du code de procédure civile prescrit que l’huissier doit d’abord tenter de signifier l’acte à personne, puis à domicile. Ce n’est qu’en cas d’impossibilité de recourir à ces modes prioritaires qu’il peut procéder par dépôt à son étude. L’appelant fait précisément valoir que « d’autres personnes étaient présentes, qui étaient susceptibles de prendre l’acte en ses lieux et place, de sorte que les modes de signification prioritaires auraient dû être privilégiés ».
La cour devra, après communication au ministère public, trancher ces questions substantielles. La solution finale éclairera l’articulation entre la force probante des actes d’huissier et les garanties dont bénéficie le débiteur saisi dans le cadre des voies d’exécution. L’équilibre entre l’efficacité du recouvrement forcé et la protection des droits du débiteur demeure au coeur de ce contentieux.
La saisie-attribution constitue une voie d’exécution redoutable qui permet au créancier muni d’un titre exécutoire d’appréhender immédiatement les créances de son débiteur. La régularité de sa dénonciation conditionne toutefois sa validité. L’arrêt rendu par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence le 2 juillet 2025 illustre les exigences procédurales qui entourent la contestation d’un tel acte par la voie de l’inscription de faux.
Un gérant de société, affilié à l’organisme de recouvrement des cotisations sociales, a fait l’objet d’une saisie-attribution pratiquée le 13 août 2019 sur ses comptes bancaires en exécution d’une contrainte. Le procès-verbal de saisie lui a été signifié le 19 août 2019 par dépôt en l’étude de l’huissier, ce dernier ayant mentionné l’absence du destinataire de son domicile. Contestant la véracité de cette mention, le débiteur a formé une inscription de faux et assigné le créancier afin de voir déclarer nul ce procès-verbal.
Par jugement du 22 avril 2021, le Tribunal judiciaire de Marseille a rejeté la demande, considérant que le demandeur ne démontrait pas sa présence à son domicile lors du passage de l’huissier. Le tribunal a condamné le demandeur à une amende civile de 500 euros et à verser une indemnité au titre des frais irrépétibles. Le débiteur a interjeté appel le 7 mai 2021.
Devant la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, l’appelant soutient que l’acte de signification comporte une mention mensongère et produit des attestations établissant sa présence sur les lieux. Il fait valoir qu’en matière d’inscription de faux, la démonstration d’un grief n’est pas requise. L’intimé réplique que les attestations produites ne prouvent pas la présence effective du destinataire au moment précis du passage de l’huissier.
La question posée à la cour était celle de savoir si la procédure d’inscription de faux pouvait être jugée sans communication préalable au ministère public.
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence ordonne la réouverture des débats et le renvoi de la procédure devant le conseiller de la mise en état afin que le dossier soit communiqué pour avis au procureur général.
L’arrêt met en lumière le caractère impératif de la communication au ministère public en matière d’inscription de faux (I) et révèle les enjeux procéduraux qui président à la contestation de la régularité d’une signification (II).
I. Le caractère impératif de la communication au ministère public
L’inscription de faux contre un acte authentique obéit à un régime procédural strict qui impose l’intervention du ministère public (A). Cette exigence revêt un caractère d’ordre public qui s’impose à tous les degrés de juridiction (B).
A. L’intervention obligatoire du parquet en matière d’inscription de faux
La cour rappelle les dispositions combinées des articles 303 et 425 du code de procédure civile. Elle énonce que « l’inscription de faux contre un acte authentique donne lieu à communication au ministère public ». Cette communication n’est pas une simple faculté laissée à l’appréciation du juge. Elle constitue une formalité substantielle dont l’omission affecte la régularité de la procédure.
L’intervention du ministère public en cette matière se justifie par la nature même de l’inscription de faux. Cette procédure tend à démontrer qu’un acte revêtu de l’authenticité contient des énonciations contraires à la vérité. L’acte authentique, dressé par un officier public, fait foi jusqu’à inscription de faux des constatations que celui-ci a personnellement effectuées. Mettre en cause la sincérité de telles énonciations revient potentiellement à imputer à l’officier instrumentaire la commission d’un faux en écriture publique.
Le ministère public dispose à cet égard de prérogatives propres. La cour souligne qu’il peut « en cas de renonciation ou de transaction sur l’inscription de faux, requérir toutes les mesures propres à réserver l’exercice de poursuites pénales ». Cette faculté témoigne de l’intérêt que la société attache à la sincérité des actes authentiques et à la répression des atteintes qui leur sont portées.
B. L’application de cette exigence à tous les degrés de juridiction
La cour affirme que « les prescriptions de l’art. 425 ont un caractère d’ordre public et sont applicables devant la cour d’appel, même dans le cas où la cause a été communiquée au ministère public en première instance ». Cette formulation établit une règle claire. La communication au parquet n’est pas épuisée par son accomplissement devant les premiers juges. Elle doit être renouvelée devant la juridiction d’appel.
Le caractère d’ordre public de cette exigence emporte plusieurs conséquences. Le juge doit relever d’office le défaut de communication, quand bien même aucune partie n’aurait soulevé ce moyen. Les parties ne sauraient renoncer à cette formalité ni en couvrir l’irrégularité par leur silence. La cour tire les conséquences de ce constat en ordonnant la réouverture des débats.
La solution retenue illustre la primauté des garanties procédurales sur l’efficacité du traitement contentieux. Alors que le litige était en état d’être jugé au fond, la cour diffère sa décision pour permettre l’accomplissement d’une formalité substantielle. Cette rigueur procédurale témoigne de l’importance que l’ordre juridique attache à la sincérité des actes authentiques.
II. Les enjeux de la contestation de la signification par inscription de faux
L’inscription de faux contre un procès-verbal d’huissier soulève des difficultés probatoires spécifiques (A). Elle s’inscrit dans un contentieux plus large relatif aux conditions de validité des saisies (B).
A. La charge de la preuve dans l’inscription de faux
Le demandeur à l’inscription de faux supporte la charge de démontrer la fausseté des énonciations de l’acte authentique qu’il conteste. Cette règle trouve son fondement dans la force probante attachée aux constatations personnelles de l’officier public. L’huissier de justice qui relate avoir constaté l’absence du destinataire de son domicile engage sa responsabilité professionnelle et pénale sur cette affirmation.
En l’espèce, l’appelant « fait valoir que l’acte de signification du 19 août 2019 comporte une mention fausse en ce qu’elle fait état d’une impossibilité de dénonce à sa personne pour cause d’absence de son domicile, alors qu’il rapporte la preuve par diverses attestations qu’il y était présent, occupé à des travaux à l’extérieur ». La force probante des attestations produites constituera l’enjeu central du débat au fond.
Le tribunal de première instance avait considéré que les attestations ne démontraient pas la présence du destinataire « au moment précis du passage de l’huissier ». Cette appréciation restrictive de la preuve illustre la difficulté de renverser la foi attachée aux constatations de l’officier ministériel. La production d’une preuve négative, celle de n’avoir pas été absent, se heurte à des obstacles pratiques considérables.
L’appelant invoque également l’absence de nécessité de démontrer un grief en matière d’inscription de faux. Cet argument mérite attention. L’inscription de faux tend à établir la fausseté intrinsèque d’un acte, indépendamment des conséquences que cette fausseté peut entraîner. La démonstration du faux devrait suffire à emporter l’annulation de l’acte, sans que le demandeur ait à prouver le préjudice qu’il en subit.
B. Les conséquences de la nullité sur la procédure de saisie
L’appelant soutient que « la nullité de la dénonce de saisie-attribution entraîne la nullité de la saisie subséquente ». Cette affirmation appelle une analyse nuancée des effets de l’irrégularité de la signification.
La dénonciation de la saisie-attribution au débiteur constitue une formalité essentielle. L’article R. 211-3 du code des procédures civiles d’exécution impose que cette dénonciation intervienne dans un délai de huit jours à compter de la signification de l’acte de saisie. À défaut, la saisie est caduque. La régularité de la dénonciation conditionne donc la consolidation des effets de la saisie.
La signification par dépôt à l’étude de l’huissier ne constitue qu’un mode subsidiaire de notification. L’article 655 du code de procédure civile prescrit que l’huissier doit d’abord tenter de signifier l’acte à personne, puis à domicile. Ce n’est qu’en cas d’impossibilité de recourir à ces modes prioritaires qu’il peut procéder par dépôt à son étude. L’appelant fait précisément valoir que « d’autres personnes étaient présentes, qui étaient susceptibles de prendre l’acte en ses lieux et place, de sorte que les modes de signification prioritaires auraient dû être privilégiés ».
La cour devra, après communication au ministère public, trancher ces questions substantielles. La solution finale éclairera l’articulation entre la force probante des actes d’huissier et les garanties dont bénéficie le débiteur saisi dans le cadre des voies d’exécution. L’équilibre entre l’efficacité du recouvrement forcé et la protection des droits du débiteur demeure au coeur de ce contentieux.