La Cour administrative d’appel de Toulouse, dans son arrêt du 11 mars 2025, précise les conditions de caducité d’une déclaration d’utilité publique. Un arrêté préfectoral du 20 décembre 2018 a déclaré d’utilité publique la création d’une zone d’activités, fixant un délai de réalisation de cinq ans. Ce délai expirait le 2 janvier 2024, sans que l’expropriation prévue par le projet n’ait été effectivement réalisée par l’autorité compétente.
Une propriétaire a saisi le tribunal administratif de Toulouse afin d’obtenir l’annulation de l’acte initial et de l’arrêté de cessibilité subséquent du 11 mars 2021. Les premiers juges ont rejeté sa demande par un jugement du 15 avril 2022, ce qui a provoqué l’introduction d’une instance d’appel. La requérante soutient désormais que les actes sont devenus caducs, tandis que l’administration prétend qu’une procédure de prorogation de l’utilité publique demeure possible.
Le juge d’appel doit déterminer si l’expiration du délai de validité d’une déclaration d’utilité publique fait obstacle à la poursuite du contentieux relatif à sa légalité. La Cour administrative d’appel de Toulouse considère que « l’arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 20 décembre 2018 portant déclaration d’utilité publique est devenu caduc ». Elle en déduit que les conclusions dirigées contre cet acte et l’arrêté de cessibilité ont perdu leur objet initial.
**I. La constatation de la caducité de la déclaration d’utilité publique**
**A. Le respect impératif du délai de validité fixé par l’autorité préfectorale**
La Cour rappelle que l’acte déclarant l’utilité publique doit impérativement préciser le délai accordé pour réaliser l’expropriation, conformément au code de l’expropriation. Dans cette espèce, l’acte initial disposait que « la caducité de la déclaration d’utilité publique intervient à l’expiration d’un délai de cinq ans ». Ce terme constituait une limite temporelle stricte à l’exercice du pouvoir d’expropriation par la collectivité territoriale concernée.
Le délai de validité a commencé à courir dès la publication de l’arrêté au recueil des actes administratifs de la préfecture. En l’absence de réalisation effective du projet avant la date butoir du 2 janvier 2024, l’utilité publique de l’opération a juridiquement cessé d’exister. Cette solution garantit la protection du droit de propriété en évitant le maintien indéfini de contraintes d’expropriation sur des parcelles privées.
**B. L’inefficacité d’une volonté de prorogation postérieure à l’expiration du terme**
L’administration tentait de justifier le maintien de l’acte en invoquant une procédure de prorogation prétendument en cours au moment de l’examen du litige. Les juges rejettent fermement cette argumentation en soulignant que « l’expiration du délai de validité de la déclaration fait obstacle à la prorogation de l’acte initial ». Seule une nouvelle déclaration d’utilité publique peut intervenir après ce constat, rendant toute tentative de prolongation juridique de l’acte expiré totalement vaine.
La Cour administrative d’appel de Toulouse confirme ainsi qu’une prorogation suppose nécessairement l’existence d’un acte encore en vigueur au moment de la décision. Le préfet ne pouvait plus légalement prolonger les effets d’une mesure déjà frappée par la caducité en raison de l’écoulement du temps. Cette rigueur temporelle s’impose à l’expropriant qui doit veiller au strict respect des calendriers fixés lors du lancement de l’enquête publique.
**II. L’extinction du litige par la perte d’objet des actes attaqués**
**A. La caducité par ricochet de l’arrêté de cessibilité**
L’annulation ou la caducité de l’acte fondateur d’une opération d’expropriation entraîne nécessairement la disparition des actes administratifs qui en constituent la suite logique. La Cour affirme qu’il « en va nécessairement de même de l’arrêté du 11 mars 2021 portant déclaration de cessibilité des parcelles concernées par l’opération ». Ce lien de dépendance juridique entre la déclaration d’utilité publique et l’arrêté de cessibilité interdit le maintien autonome de ce dernier.
L’arrêté de cessibilité, dont l’objet est de désigner les parcelles à exproprier, perd son fondement juridique dès que l’utilité publique de l’opération disparaît. Il devient alors impossible pour l’administration de poursuivre la phase administrative de l’expropriation sans disposer d’une base légale valide et actuelle. La disparition de l’acte initial fragilise l’ensemble des décisions prises pour la réalisation d’un projet qui n’a plus d’existence juridique certaine.
**B. Le prononcé d’un non-lieu à statuer sur les conclusions d’annulation**
Dès lors que les actes contestés ont cessé de produire des effets juridiques, le juge administratif ne peut plus légalement se prononcer sur leur validité. La juridiction décide donc qu’il « n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins d’annulation de la requête » présentée par la propriétaire expropriée. Cette solution processuelle simplifie le règlement du différend en actant la disparition prématurée de l’objet même de la contestation initiale.
Le constat de cette caducité rend superflue l’analyse des autres moyens de légalité soulevés par la requérante contre le jugement de première instance. L’arrêt souligne que la perte d’objet prive les parties de l’intérêt à agir et dispense le magistrat d’une étude au fond. La procédure se clôture par un constat d’inutilité de la poursuite du procès, les arrêtés litigieux étant sortis prématurément de l’ordonnancement juridique.