Par un arrêt rendu le 7 mars 2025, la Cour administrative d’appel de Paris a précisé les modalités de reprise d’un avantage fiscal outre-mer. Des contribuables avaient bénéficié d’une réduction d’impôt sur le revenu au titre de l’année 2015 pour un investissement dans le logement social. L’administration a remis en cause cet avantage suite à l’abandon du projet de construction, révélé lors de la vérification de comptabilité d’une société tierce. Les requérants ont sollicité la décharge des cotisations supplémentaires devant le tribunal administratif de Paris, lequel a rejeté leur demande le 20 mars 2024. Ils soutiennent devant la Cour que la procédure est irrégulière et que la reprise aurait dû intervenir au titre de l’année 2015. La juridiction d’appel doit déterminer si l’administration peut légalement fonder une rectification sur des pièces issues du contrôle d’un tiers sans communication préalable. Elle doit également identifier l’année exacte à laquelle la reprise de l’avantage fiscal doit être rattachée en cas d’inexécution des engagements. La Cour administrative d’appel de Paris rejette la requête en validant l’usage des renseignements tiers et en fixant la reprise à l’année de l’abandon du projet.
**I. La régularité de la procédure de rectification fiscale**
**A. La validité de l’utilisation de documents obtenus auprès de tiers**
La Cour rappelle que l’administration peut « légalement utiliser des éléments d’information recueillis par elle chez un autre contribuable » pour fonder des rectifications. Cette faculté n’est subordonnée qu’à l’obligation d’informer le contribuable de la teneur et de l’origine de ces renseignements avant la mise en recouvrement. Les juges considèrent que l’obligation d’information prévue à l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales a été respectée en l’espèce. Les renseignements ont été annexés à la réponse aux observations du contribuable, permettant ainsi une discussion contradictoire effective sur les motifs du rehaussement. L’administration n’était pas tenue d’exercer formellement son droit de communication dès lors qu’elle disposait déjà des pièces nécessaires issues d’une autre procédure.
**B. L’inopposabilité de la doctrine administrative relative à la procédure**
L’arrêt souligne que la doctrine relative à la procédure d’imposition « n’est pas opposable à l’administration sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales ». Ce principe classique limite la garantie contre les changements d’interprétation de la loi aux seules questions portant sur l’assiette de l’impôt. La Cour confirme ainsi que les contribuables ne peuvent utilement se prévaloir d’instructions administratives pour critiquer les modalités formelles du contrôle fiscal. Cette solution garantit la primauté de la loi procédurale sur les commentaires administratifs, tout en préservant les droits fondamentaux de la défense. L’examen de la régularité formelle conduit les juges à valider la procédure avant d’analyser le bien-fondé de la reprise de l’avantage fiscal.
**II. Le bien-fondé temporel de la reprise de l’avantage fiscal**
**A. La détermination de l’année de reprise de la réduction d’impôt**
La Cour administrative d’appel de Paris applique strictement les dispositions du code général des impôts prévoyant une reprise au titre de l’année d’inexécution des engagements. Les juges relèvent que « l’administration fiscale s’est fondée sur la circonstance que la société avait renoncé au projet immobilier » au cours de l’année 2017. Le délai de deux ans imparti pour l’achèvement des fondations n’ayant pas été respecté, le fait générateur de la reprise fiscale est légalement constitué. La date d’abandon effectif du projet prime donc sur la date de souscription initiale pour déterminer l’exercice d’imposition des sommes ainsi récupérées. Cette solution assure une corrélation temporelle entre la perte de l’avantage fiscal et l’événement mettant fin à l’éligibilité du dispositif de défiscalisation.
**B. L’absence d’incidence de l’ignorance alléguée de l’abandon du projet**
L’argument fondé sur l’absence de réception du courrier d’information relatif à l’échec de l’opération est jugé inopérant par la juridiction administrative d’appel. La décision précise que de telles circonstances sont sans incidence dès lors que l’avantage peut être repris pour défaut d’initiation du projet immobilier. La réalité de l’abandon est établie par les constatations du service et les déclarations concordantes des dirigeants de la structure de portage financier. L’administration était donc « en droit de procéder à la reprise de l’avantage fiscal » au seul motif de la rupture des engagements de construction. Cette approche objective souligne la responsabilité du contribuable qui doit s’assurer de la réalisation effective de ses investissements outre-mer pour conserver ses droits.