Cour d’appel administrative de Paris, le 6 juin 2025, n°24PA03505

La Cour administrative d’appel de Paris, par un arrêt rendu le 6 juin 2025, se prononce sur la légalité d’une délibération approuvant la quatrième modification d’un plan local d’urbanisme. L’acte contesté visait à reclasser un secteur initialement voué à l’urbanisation en zones agricole et naturelle, tout en créant des emplacements réservés pour des équipements publics. Plusieurs propriétaires terriens ont sollicité l’annulation de cette décision devant le tribunal administratif de Melun, lequel a rejeté leurs demandes conjointes par un jugement du 2 juillet 2024. Les requérants soutenaient notamment que l’ampleur des changements imposait le recours à une procédure de révision plutôt qu’à une simple modification du document d’urbanisme. Ils invoquaient également une rupture de cohérence manifeste entre ce nouveau zonage protecteur et les orientations générales du projet d’aménagement et de développement durables. La juridiction d’appel devait donc déterminer si le passage d’une zone urbanisable à une zone protégée constituait une modification substantielle des orientations politiques de la commune. Par sa décision, la Cour confirme le jugement de première instance et valide l’intégralité de la procédure ainsi que les choix de zonage opérés.

I. L’affirmation de la légalité procédurale face à la stabilité des orientations d’aménagement

A. La distinction opérée entre modification et révision du plan local d’urbanisme

La Cour écarte d’abord le moyen tiré de l’irrégularité de la procédure suivie en rappelant les conditions strictes imposant une révision du plan local d’urbanisme. Elle souligne que les changements apportés n’avaient pas pour objet de modifier les orientations fondamentales définies par le projet d’aménagement et de développement durables initial. Le juge administratif considère que « ces modifications n’ont pas formellement pour objet de changer les orientations définies par le projet d’aménagement et de développement durable approuvé le 20 janvier 2012 ». L’établissement public territorial a donc pu légalement utiliser la procédure de modification prévue par l’article L. 153-36 du code de l’urbanisme pour ajuster son règlement. Les magistrats précisent que la réduction d’une zone à urbaniser ne s’assimile pas à la réduction d’une zone naturelle ou agricole déjà protégée. Cette interprétation permet de maintenir une certaine souplesse administrative tant que l’économie générale du projet urbain n’est pas remise en cause par les auteurs du plan.

B. La préservation de la cohérence entre le zonage réglementaire et le projet politique

L’analyse de la Cour porte ensuite sur l’articulation entre les nouvelles règles d’urbanisme et les objectifs fixés par le projet d’aménagement et de développement durables. Les requérants affirmaient que la suppression de la majeure partie d’une zone destinée au logement contredisait l’ambition de densification urbaine affichée par la commune. Cependant, le juge relève que le projet initial ne mentionnait le secteur des anciennes serres que pour définir des orientations futures sous réserve d’études complémentaires. La Cour affirme alors que « la modification envisagée, qui maintient un programme de logements dans la zone conservée et qui instaure une zone agricole et naturelle, n’est pas incohérente ». Cette solution consacre la primauté de l’analyse globale du territoire sur l’adéquation parfaite d’une disposition particulière à un objectif ponctuel du plan. La protection des milieux naturels et la gestion des risques d’inondation justifient pleinement ce rééquilibrage au détriment d’une urbanisation immédiate de l’ensemble du secteur concerné.

II. La validation du zonage protecteur fondé sur des impératifs d’intérêt général

A. La reconnaissance légale du potentiel agronomique de terrains anciennement exploités

Le litige portait également sur la légalité du classement en zone agricole de parcelles supportant d’anciennes serres horticoles et situées à proximité immédiate d’espaces déjà urbanisés. Les propriétaires contestaient ce choix en invoquant l’absence d’activité actuelle et l’artificialisation partielle des sols par des bâtiments techniques ou des habitations. Pour la Cour, le potentiel agronomique ou économique d’une terre ne dépend pas exclusivement de son exploitation effective au moment de l’élaboration du document. Elle retient que « les circonstances que ces parcelles comportent un bâti ou qu’elles étaient anciennement classées dans une zone où les constructions étaient autorisées ne font pas obstacle à leur classement ». Le juge valide ainsi la volonté des auteurs du plan de protéger des espaces présentant des caractéristiques propices à une future activité agricole. Cette position renforce le pouvoir souverain des autorités locales pour déterminer le parti d’aménagement en fonction des perspectives de développement durable.

B. La justification discrétionnaire de la création d’emplacements réservés aux ouvrages publics

Enfin, la décision confirme la régularité des emplacements réservés pour la création d’un cimetière paysager et d’un équipement scolaire ou sportif sur les parcelles litigieuses. Les requérants arguaient que le caractère indicatif de la localisation de certains équipements et l’absence de projet précisément défini entachaient la délibération d’illégalité. La Cour rappelle toutefois qu’une commune peut légalement instituer de telles servitudes sans disposer d’un plan d’aménagement déjà finalisé au jour de la délibération. Elle estime que « la commune justifie d’un projet d’intérêt général en précisant sa localisation et ses caractéristiques » dans le rapport de présentation soumis à l’enquête. Le besoin croissant en équipements publics liés à la poussée démographique locale constitue un motif suffisant pour justifier ces réserves foncières au profit de la collectivité. L’arrêt souligne ainsi que le droit de délaissement reconnu aux propriétaires constitue la seule contrepartie légale à cette limitation de leur droit de construire.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

Laisser un commentaire

En savoir plus sur Avocats en droit immobilier et droit des affaires - Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture