Cour d’appel administrative de Paris, le 18 septembre 2025, n°25PA00590

La cour administrative d’appel de Paris, le 18 septembre 2025, a statué sur la légalité des tarifs d’amarrage d’une marina gérée par un établissement public portuaire. Par une délibération du 25 janvier 2024, cet établissement a fixé les nouveaux tarifs applicables aux usagers d’une structure exploitée sous le régime de la délégation de service public. Une association de défense des plaisanciers et un usager résidant sur son navire ont sollicité l’annulation de cet acte ainsi que de l’arrêté le rendant exécutoire. Le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté leur demande par un jugement du 10 décembre 2024 dont les requérants ont interjeté appel devant la juridiction parisienne. La question posée au juge consistait à déterminer si la redevance présentait un caractère domanial et si les différences tarifaires respectaient le principe d’égalité entre usagers. La cour administrative d’appel de Paris annule le jugement pour irrégularité avant de rejeter au fond la requête, confirmant la légalité des modulations tarifaires opérées.

I. L’irrégularité du jugement et la qualification de la redevance domaniale

A. L’annulation pour omission de statuer et l’évocation de l’affaire

La juridiction d’appel relève d’office une irrégularité tenant à la motivation du jugement rendu en première instance par le tribunal administratif de la Polynésie française. Les juges du premier ressort ont omis de répondre à deux branches du moyen tiré de la rupture d’égalité, relatives à la durée d’amarrage et à la taille des navires. « Cette omission à statuer a ainsi entaché d’irrégularité le jugement », ce qui impose nécessairement son annulation sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de régularité. La cour administrative d’appel de Paris décide alors de faire usage de son pouvoir d’évocation pour statuer immédiatement sur l’ensemble des conclusions présentées par les requérants. Cette procédure permet une administration rapide de la justice en évitant le renvoi de l’affaire devant les premiers juges tout en purgeant le vice de forme initial.

B. La détermination de la nature juridique de la redevance d’occupation

Le juge administratif doit qualifier la nature de la somme réclamée aux usagers pour déterminer le régime juridique applicable et l’étendue de son contrôle juridictionnel. La délibération contestée prévoit une tarification basée principalement sur la longueur du navire et son mode d’amarrage, avec des majorations spécifiques pour les navires habités en permanence. La cour estime que « les redevances fixées au regard desdits critères revêtent (…) le caractère de redevances domaniales » et non de redevances pour service rendu, malgré l’accès à certaines prestations. Cette qualification rend inopérant le moyen tiré de la disproportion entre le montant de la redevance et le coût réel des services tels que la collecte des déchets. L’administration dispose ainsi d’une plus large marge de manœuvre pour fixer le montant de la taxe due par les occupants d’une dépendance du domaine public maritime.

II. La validité du régime tarifaire au regard du principe d’égalité

A. La prise en compte légitime des avantages procurés par l’occupation

Le montant de la redevance domaniale doit être calculé en tenant compte des avantages de toute nature procurés à l’occupant du domaine public par cette jouissance privative. La cour valide ainsi la majoration tarifaire appliquée aux usagers vivant à bord de leur navire, considérant que cet usage constitue un avantage spécifique et matériellement quantifiable. Le juge souligne que « le port autonome (…) était dès lors fondé à prendre en compte cet avantage spécifique » consistant à se dispenser des charges liées à un habitat terrestre. Cette solution s’appuie sur les dispositions locales prévoyant que l’autorité compétente apprécie les bénéfices retirés de l’utilisation des dépendances portuaires pour déterminer le revenu domanial. La tarification ne revêt donc aucun caractère discriminatoire ou stigmatisant mais traduit simplement la valeur économique supérieure de l’occupation intensive par un navire habité.

B. L’absence de rupture d’égalité face à des situations objectives différentes

Le principe d’égalité ne s’oppose pas à l’application de tarifs distincts lorsque les usagers se trouvent dans des situations différentes au regard de l’objet du service. La cour administrative d’appel de Paris juge que les propriétaires de bateaux de moins de vingt-quatre pieds occupent moins d’espace et justifient ainsi un traitement tarifaire plus favorable. De même, « les montants des redevances fixées (…) n’entraîneraient pas une rupture d’égalité » en raison des différences objectives liées à la durée d’amarrage ou au type de navire. La comparaison avec une autre marina gérée en régie est écartée car les caractéristiques techniques et les modes de gestion de ces deux structures sont fondamentalement distincts. Les requérants ne parviennent pas non plus à démontrer une violation de l’obligation de continuité du service public ou l’existence d’une procédure de concertation obligatoire.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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