Cour d’appel administrative de Paris, le 15 mai 2025, n°23PA02450

Par un arrêt rendu le 15 mai 2025, la Cour administrative d’appel de Paris a statué sur la légalité d’un titre de recette relatif à une occupation domaniale. Une société spécialisée dans l’affichage publicitaire exploitait des dispositifs sur des chantiers en vertu d’une convention signée avec une collectivité territoriale en octobre 2014. Un litige est né concernant le paiement d’une redevance de près d’un million d’euros pour le quatrième trimestre de l’exercice deux mille vingt et un. L’occupant invoquait les difficultés économiques liées à la crise sanitaire pour demander l’annulation du titre et la décharge de son obligation de paiement. Le tribunal administratif de Paris ayant rejeté sa demande initiale le 31 mars 2023, la société a porté le différend devant la juridiction d’appel. La question centrale posée aux juges concernait l’application des mesures de soutien exceptionnelles et la prise en compte des pertes financières dans le calcul du tarif. La Cour administrative d’appel confirme le jugement de première instance en estimant que la situation de l’occupant ne justifiait aucune réduction de la somme réclamée.

I. L’application temporelle restreinte des mesures de suspension des redevances domaniales

A. Le cadre strictement délimité de l’ordonnance du 25 mars 2020

Les mesures d’exception prévues pour pallier les conséquences de la propagation de l’épidémie de covid-19 obéissent à un calendrier législatif particulièrement précis. L’article 6 de l’ordonnance du 25 mars 2020 dispose que le paiement est suspendu quand les « conditions d’exploitation de l’activité de l’occupant sont dégradées dans des proportions manifestement excessives ». Cette suspension ne s’applique toutefois qu’aux créances nées durant la période protégée courant du 12 mars 2020 jusqu’au 23 juillet 2020 inclus. La juridiction d’appel souligne que la créance litigieuse porte sur le dernier trimestre de l’année 2021, excluant ainsi tout bénéfice du dispositif légal de suspension. Le texte spécial ne prévoit pas une dispense définitive de règlement mais organise simplement un report de l’exigibilité des sommes dues par les occupants du domaine.

B. L’absence d’obligation de renégociation pour le rétablissement de l’équilibre contractuel

L’administration n’a aucune obligation juridique de modifier les clauses tarifaires du contrat à l’issue de la période de crise sanitaire majeure. L’ordonnance prévoit seulement qu’un avenant détermine les modifications nécessaires, laissant ainsi une marge de manœuvre discrétionnaire importante à l’autorité propriétaire du domaine public concerné. La Cour administrative d’appel de Paris précise que la collectivité « avait la faculté, le cas échéant, de conclure un tel avenant » sans y être juridiquement contrainte. La signature d’un précédent accord accordant trois mois d’exonération pour l’année 2020 ne créait aucun droit acquis à une renégociation ultérieure des tarifs. Les stipulations contractuelles initiales retrouvent leur pleine force obligatoire dès lors que les circonstances exceptionnelles définies par les textes réglementaires ont cessé de produire leurs effets.

II. La validation du montant de la redevance au regard des avantages tirés de l’occupation

A. L’appréciation de la proportionnalité entre le tarif domanial et l’usage privatif

Le code général de la propriété des personnes publiques impose que la redevance tienne compte des « avantages de toute nature procurés au titulaire de l’autorisation ». Le tarif fixé contractuellement ne doit jamais atteindre un niveau manifestement disproportionné par rapport aux profits que l’occupant est susceptible de retirer de son activité. La société requérante soutenait que la baisse de son chiffre d’affaires rendait le montant de la redevance excessif au regard de la réalité économique du marché. La Cour relève pourtant que le nombre de dispositifs publicitaires exploités était strictement identique à celui des années précédant la crise sanitaire mondiale. Les juges considèrent que le chiffre d’affaires dépend de facteurs commerciaux propres à l’entreprise comme les tarifs facturés aux annonceurs ou les diverses prestations techniques.

B. L’influence neutre du déficit structurel de l’occupant sur le calcul de la redevance

Les difficultés financières d’un cocontractant de l’administration ne sauraient justifier à elles seules une révision à la baisse des redevances dues pour l’occupation. L’instruction a révélé que la société affichait un déficit d’exploitation constant depuis plusieurs années, y compris avant l’apparition de l’épidémie sur le territoire national. La Cour observe que ce contrat connaît en réalité un « déficit structurel », les pertes de 2021 étant comparables à celles enregistrées entre 2017 et 2019. L’administration n’a donc pas commis d’erreur d’appréciation en maintenant le niveau de la redevance défini dans la convention initiale de l’année deux mille quatorze. La stabilité des avantages tirés de la visibilité sur le domaine public justifie le rejet définitif des conclusions tendant à la décharge de l’obligation de payer.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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