Cour d’appel administrative de Nantes, le 4 juillet 2025, n°24NT01487

La cour administrative d’appel de Nantes a rendu, le 4 juillet 2025, une décision précisant les conditions du transfert d’office de voiries privées. Un propriétaire contestait l’incorporation forcée des voies d’un lotissement résidentiel dans le domaine public d’un établissement public de coopération intercommunale. Une association gérait les équipements communs depuis plus de quarante ans avant que la collectivité ne tente d’acquérir les parts de la propriété. Le représentant de l’État a autorisé ce transfert sans indemnité malgré l’opposition persistante de certains colotis détenant une minorité des parts indivises. Le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande d’annulation de cet arrêté préfectoral par un jugement rendu le 26 mars 2024. Le requérant invoque en appel la méconnaissance des formalités légales concernant le plan d’alignement ainsi que l’absence d’un but d’intérêt général. Les magistrats confirment la légalité de l’opération en soulignant la régularité du dossier et l’existence d’un motif suffisant d’aménagement du territoire.

I. La régularité formelle et matérielle de l’acte de transfert

Le juge administratif vérifie d’abord le respect des garanties procédurales imposées par le code de l’urbanisme lors de l’incorporation forcée de biens privés.

A. La validité de l’annexion du plan d’alignement

L’acte portant classement d’office doit obligatoirement comporter l’approbation d’un plan fixant l’assiette des voies effectivement livrées à la circulation du public. Le requérant soutenait que l’absence de ce document au dossier de l’arrêté constituait un vice de forme substantiel entachant la décision administrative. La cour administrative d’appel de Nantes relève toutefois que « le plan d’alignement établi le 18 octobre 2009 a été annexé à l’arrêté en litige ». La simple publication partielle de ce document au recueil des actes administratifs ne remet pas en cause la régularité de la procédure engagée. Le plan demeurait consultable auprès des services préfectoraux, garantissant ainsi une information suffisante des tiers et des propriétaires concernés par l’opération.

B. L’incorporation légitime des réseaux d’assainissement

La contestation portait également sur l’étendue du transfert, le requérant estimant que le réseau d’eaux usées ne constituait pas un accessoire des voies. Le juge administratif écarte ce moyen en constatant que ces équipements sont physiquement intégrés à l’emprise des routes ouvertes à la circulation publique. La juridiction précise que « les réseaux d’assainissement du lotissement reçoivent en amont les effluents du réseau public d’eaux usées » de la collectivité territoriale. Cette interdépendance technique justifie l’inclusion des réseaux souterrains dans le périmètre du transfert d’office décidé par le représentant de l’État dans le département. Le plan d’alignement annexé identifiait d’ailleurs précisément ces ouvrages comme faisant partie intégrante de l’assiette foncière incorporée au domaine public métropolitain.

II. La validation du transfert par la poursuite d’un intérêt général

L’atteinte au droit de propriété induite par cette procédure sans indemnité nécessite la démonstration d’un avantage réel pour l’aménagement du territoire communal.

A. L’application rigoureuse du code de l’urbanisme

L’article L. 318-3 du code de l’urbanisme permet aux communes d’intégrer des voies privées dès lors qu’elles sont ouvertes à la circulation publique. Cette faculté constitue une exception notable au régime de l’expropriation puisqu’elle s’opère sans le versement préalable d’une juste et préalable indemnité. La loi subordonne cette action à la tenue d’une enquête publique préalable permettant aux propriétaires intéressés de faire valoir leurs observations sur le projet. En l’espèce, la collectivité possédait déjà la quasi-totalité des parts du sol du lotissement, rendant nécessaire le transfert des tantièmes restants pour achever l’opération. L’extinction des droits réels sur les biens transférés résulte directement de la décision administrative portant classement des voies dans le domaine public local.

B. La finalité d’aménagement et de mobilité urbaine

Le contrôle du juge administratif porte enfin sur l’existence d’un but d’intérêt général justifiant le recours à cette procédure d’incorporation d’office. La cour administrative d’appel de Nantes observe que les voies du lotissement présentent « une continuité intéressante » pour le maillage viaire avec les quartiers voisins. Le projet facilite l’accès aux zones commerciales et aux pôles d’échanges, répondant ainsi aux besoins de circulation de l’ensemble des habitants de la zone. Cette intégration favorise également le « développement des circulations douces », notamment par la création de liaisons piétonnes vers les espaces naturels protégés de la vallée. L’intérêt général étant ainsi caractérisé par l’amélioration de la desserte urbaine, le juge confirme la validité de l’arrêté préfectoral malgré l’absence d’indemnisation.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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