La cour administrative d’appel de Nantes a rendu, le 4 juillet 2025, un arrêt relatif aux conditions de recevabilité du recours pour excès de pouvoir en urbanisme. Les propriétaires d’une maison ont contesté l’arrêté par lequel un maire ne s’est pas opposé à la déclaration préalable déposée pour la reconstruction d’un abri mitoyen. Après le rejet de leur recours gracieux par une décision implicite, ils ont saisi le tribunal administratif de Caen afin d’obtenir l’annulation de l’acte initial. Par un jugement du 13 octobre 2023, les premiers juges ont rejeté la demande comme irrecevable faute d’intérêt à agir des requérants. Ces derniers ont alors interjeté appel devant la juridiction nantaise en soutenant que le projet affectait directement leur jouissance paisible et leur vue. La question posée portait sur la caractérisation de l’intérêt à agir d’un voisin immédiat invoquant une perte de vue sur l’horizon marin. La cour devait également se prononcer sur l’opposabilité des délais de recours en l’absence de preuve certaine d’affichage sur le terrain d’assiette. La cour administrative d’appel de Nantes annule le jugement attaqué en reconnaissant la recevabilité de la requête puis renvoie l’affaire devant les premiers juges. Cette solution commande d’analyser la caractérisation de l’intérêt à agir du voisin immédiat puis d’étudier la protection du droit au recours face aux défaillances de publicité.
I. La caractérisation souveraine de l’intérêt à agir du voisin immédiat
A. L’exigence d’une atteinte directe aux conditions de jouissance
L’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme subordonne la recevabilité du recours à l’existence d’une atteinte directe aux « conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien ». Cette disposition impose au requérant de préciser l’atteinte invoquée par des éléments suffisamment étayés sans toutefois exiger la preuve d’un caractère certain. Les juges vérifient ainsi que la construction autorisée engendre une modification substantielle de l’environnement immédiat de la propriété occupée régulièrement par l’auteur du recours. En l’espèce, la cour relève que le projet se situe à une quarantaine de mètres de la maison des requérants malgré sa faible emprise. Cette appréciation concrète des faits permet d’écarter une application trop rigide des critères de distance au profit d’une analyse réelle des nuisances potentielles. La juridiction administrative assure ainsi un équilibre entre la sécurité juridique du bénéficiaire et le droit au recours des tiers lésés par le projet.
B. La présomption d’intérêt liée à l’impact visuel du projet
La cour administrative d’appel de Nantes rappelle que le « voisin immédiat justifie, en principe, d’un intérêt à agir » lorsqu’il invoque la localisation du projet. Les requérants disposaient d’une vue sur la mer depuis leur véranda que l’édification nouvelle était de nature à masquer partiellement selon les photographies. L’arrêt souligne que la clôture de séparation existante ne masquait pas complètement cet horizon avant l’intervention de la décision de non-opposition contestée par les voisins. En retenant une « atteinte à la vue dont ils jouissent », le juge administratif consacre le préjudice esthétique comme un élément constitutif de la jouissance du bien. Cette reconnaissance de l’intérêt à agir protège les administrés contre des constructions qui, bien que réduites, altèrent significativement la valeur d’usage de leur propriété. Le juge d’appel censure ainsi l’interprétation restrictive du tribunal administratif de Caen qui avait dénié toute qualité pour agir aux voisins lésés.
II. La protection du droit au recours face aux défaillances de publicité
A. L’inopposabilité du délai de recours faute d’affichage régulier
La recevabilité d’un recours dépend du respect des délais de procédure dont le point de départ est fixé par l’affichage régulier de l’autorisation d’urbanisme. L’article R. 600-2 du code de l’urbanisme dispose que ce délai court à l’égard des tiers à compter du premier jour d’une période continue d’affichage. Or, il n’était pas établi en l’espèce que l’arrêté litigieux avait été affiché sur le terrain d’assiette conformément aux prescriptions législatives et réglementaires. En l’absence de preuve de cet affichage, le délai de deux mois n’a jamais commencé à courir contre les tiers voisins de l’opération de construction. Le recours gracieux formé plusieurs mois après la décision ne pouvait donc pas être qualifié de tardif par l’administration ou par le bénéficiaire. Cette rigueur probatoire imposée au pétitionnaire garantit que les tiers ne soient pas privés de leur droit à une défense effective par une publicité défaillante.
B. L’annulation du jugement pour irrégularité et le renvoi de l’affaire
La cour administrative d’appel de Nantes constate que « le jugement attaqué est entaché d’irrégularité et doit être annulé » puisque la demande était parfaitement recevable. Le tribunal administratif de Caen ayant rejeté la requête pour une irrecevabilité erronée, il n’avait pas examiné les moyens de légalité soulevés au fond. La cour décide alors de renvoyer l’affaire devant les premiers juges afin qu’il soit statué sur la validité intrinsèque de l’arrêté de non-opposition. Cette procédure respecte le principe du double degré de juridiction en permettant aux parties de débattre à nouveau des vices propres au dossier d’urbanisme. L’annulation prononcée par la cour rappelle aux autorités municipales l’importance de la preuve de l’affichage pour sécuriser les décisions relatives à l’occupation du sol. Les requérants obtiennent ainsi la possibilité de faire juger le bien-fondé de leur contestation initiale concernant la complétude du dossier et la méconnaissance du code.