Cour d’appel administrative de Marseille, le 9 mai 2025, n°24MA01927

La Cour administrative d’appel de Marseille a rendu, le 9 mai 2025, un arrêt relatif à la répartition des compétences juridictionnelles pour le recouvrement des redevances domaniales.

Des personnes privées occupaient une dépendance du domaine public portuaire pour y exploiter une activité de restauration gastronomique sous le régime d’une autorisation d’occupation temporaire. À la suite d’impayés partiels sur la redevance annuelle de l’année 2020, la collectivité publique a émis une saisie à tiers détenteur pour un montant de seize mille euros. Les occupants ont alors saisi le tribunal administratif de Toulon afin d’obtenir l’annulation de cet acte de poursuite ainsi que la décharge de leur obligation pécuniaire. Par un jugement du 20 juin 2024, les premiers juges ont partiellement déchargé les demandeurs de leur dette, en la limitant à la somme de sept mille euros. La commune a relevé appel de ce jugement en invoquant l’incompétence de la juridiction administrative pour statuer sur les conclusions relatives à l’obligation de payer.

La question posée à la cour d’appel concerne l’identification du juge compétent pour connaître d’une demande de décharge formulée à l’occasion d’une contestation contre un acte de recouvrement. Le juge d’appel annule la décision initiale en affirmant la compétence exclusive du juge de l’exécution pour l’ensemble du contentieux lié au recouvrement des créances locales non fiscales. Cette solution repose sur une lecture stricte des textes législatifs encadrant le recouvrement forcé (I) avant d’en tirer les conséquences procédurales nécessaires par la voie de l’évocation (II).

I. L’affirmation de la compétence judiciaire exclusive en matière de recouvrement

La cour fonde sa décision sur une interprétation combinée des dispositions du code général des collectivités territoriales et du livre des procédures fiscales relatives aux créances non fiscales.

A. Le périmètre légal des contestations relatives au recouvrement

L’article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales dispose que les contestations portant sur la régularité d’un acte de poursuite suivent les modalités du droit fiscal. Les dispositions de l’article L. 281 du livre des procédures fiscales précisent que les recours relatifs à l’obligation au paiement sont portés devant le juge de l’exécution. La juridiction d’appel souligne que cette règle s’applique spécifiquement aux « créances non fiscales des collectivités territoriales » conformément au troisième alinéa du même article. La nature de la créance, issue d’une redevance pour occupation du domaine public, impose donc le respect de ce bloc de compétence au profit de l’ordre judiciaire.

B. La distinction impérative entre le bien-fondé et l’exigibilité de la dette

Le juge d’appel rappelle une distinction fondamentale entre la contestation du titre initial et celle des actes d’exécution forcée pour le recouvrement de la somme due. Il énonce ainsi que « le contentieux du bien-fondé de ces créances est de celle du juge compétent pour en connaître sur le fond » du litige. À l’inverse, l’ensemble des moyens portant sur l’exigibilité ou sur l’obligation de payer dans le cadre du recouvrement relève exclusivement du juge de l’exécution. En statuant sur une demande de décharge liée à une saisie à tiers détenteur, le premier juge a méconnu cette séparation stricte entre les deux ordres juridictionnels.

II. Les conséquences de la méconnaissance des blocs de compétence

La constatation de l’erreur commise par le tribunal administratif conduit la cour à censurer la régularité du jugement avant de trancher elle-même le litige au fond.

A. L’incompétence du juge administratif pour statuer sur la décharge

La Cour administrative d’appel de Marseille observe que les conclusions tendant à la décharge de l’obligation de payer constituent une « contestation relative au recouvrement d’une créance non fiscale ». Elle précise que ces conclusions, lorsqu’elles font suite à un acte de poursuite, échappent totalement à la compétence du juge administratif au profit de l’autorité judiciaire. Le tribunal administratif a donc commis une erreur de droit en se déclarant compétent pour réduire le montant de la dette réclamée par la collectivité publique. La cour affirme que « l’ensemble du contentieux du recouvrement des créances non fiscales des collectivités territoriales est de la compétence du juge de l’exécution ».

B. L’annulation du jugement et le rejet de la demande par voie d’évocation

Le juge d’appel prononce l’annulation partielle du jugement attaqué en tant qu’il a statué sur la décharge sans disposer de la compétence matérielle requise pour cet office. Statuant par la voie de l’évocation, la juridiction administrative rejette la demande initiale des époux au motif qu’elle est « portée devant un ordre de juridiction incompétent ». Cette solution protège la cohérence de la procédure de recouvrement forcé en centralisant le contrôle des actes d’exécution devant le seul magistrat spécialisé du siège judiciaire. L’arrêt confirme ainsi la rigueur des règles de répartition des compétences, même lorsque le litige de fond concerne initialement l’utilisation privative du domaine public administratif.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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