Par un arrêt rendu le 20 mars 2025, la Cour administrative d’appel de Marseille précise les modalités du contrôle exercé sur la légalité des documents d’urbanisme. Une société contestait la délibération approuvant un plan local d’urbanisme intercommunal qui classait sa parcelle en zone à urbaniser destinée aux activités économiques. Le requérant souhaitait initialement y implanter un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, projet rendu impossible par ce nouveau zonage. Le tribunal administratif de Marseille avait rejeté la demande d’annulation de cet acte par un jugement prononcé le 10 janvier 2024. La société soutenait que le classement litigieux était incompatible avec le schéma de cohérence territoriale et incohérent avec le projet d’aménagement et de développement durables. Elle invoquait également une erreur manifeste d’appréciation ainsi que des vices de procédure relatifs à la signature de l’acte et à la motivation de l’enquête publique. La question centrale consistait à déterminer si le juge doit apprécier la légalité d’un zonage au regard du seul terrain concerné ou à l’échelle globale du territoire. La juridiction d’appel rejette la requête en confirmant la primauté d’une analyse d’ensemble pour vérifier la conformité des prescriptions du document d’urbanisme.
I. La consécration d’une appréciation globale de la compatibilité et de la cohérence des documents d’urbanisme
A. Une méthode de contrôle de compatibilité avec le schéma de cohérence territoriale excluant l’analyse ponctuelle
Le juge administratif définit strictement l’intensité du contrôle de compatibilité entre le plan local d’urbanisme et le document de rang supérieur. Il appartient à la juridiction de « rechercher, dans le cadre d’une analyse globale le conduisant à se placer à l’échelle de l’ensemble du territoire couvert en prenant en compte l’ensemble des prescriptions du document supérieur » si les objectifs ne sont pas contrariés. Cette approche holistique interdit au requérant de se prévaloir de l’inadéquation du classement de sa seule parcelle avec une orientation isolée du schéma de cohérence territoriale. La Cour administrative d’appel de Marseille souligne ainsi que la mixité fonctionnelle doit s’apprécier à l’échelle de la centralité communale entière et non terrain par terrain. Le juge refuse donc de censurer un choix de spécialisation économique de certains sites dès lors qu’il contribue à l’équilibre général souhaité par les auteurs du document supérieur. Cette solution préserve la liberté des autorités locales dans la déclinaison opérationnelle des orientations stratégiques fixées au niveau intercommunal.
B. L’exigence de cohérence avec le projet d’aménagement et de développement durables saisie à l’échelle du territoire
Le contrôle de la cohérence interne entre le règlement et le projet d’aménagement et de développement durables répond à une logique juridique identique. La Cour administrative d’appel de Marseille rappelle que « l’inadéquation d’une disposition du règlement (…) ne suffit pas nécessairement (…) à caractériser une incohérence » avec les orientations générales définies par les auteurs du plan. Le juge privilégie une confrontation globale entre les règles d’utilisation des sols et les objectifs politiques du document d’urbanisme pour en vérifier la validité. En l’espèce, le classement d’un secteur en zone à urbaniser pour accueillir des activités économiques ne contredit pas l’objectif général d’urbanisme raisonné et durable. La circonstance qu’un projet spécifique de résidence pour séniors soit empêché ne suffit pas à démontrer une méconnaissance de l’article L. 151-8 du code de l’urbanisme. La juridiction administrative confirme ainsi que la cohérence s’évalue par rapport à la stratégie globale de développement du territoire plutôt que par rapport aux intérêts particuliers des propriétaires.
II. La réaffirmation de la marge d’appréciation des auteurs du plan local d’urbanisme
A. Le refus de censurer l’opportunité des choix de zonage au nom du pouvoir de planification
Le juge administratif limite son intervention à la sanction de l’erreur manifeste d’appréciation commise par les auteurs du document local d’urbanisme. Ces derniers doivent déterminer le parti d’aménagement en tenant compte de la situation existante mais également des « perspectives d’avenir » qu’ils entendent privilégier. La Cour administrative d’appel de Marseille affirme explicitement qu’il « n’appartient pas au juge administratif de se prononcer sur l’opportunité d’un classement retenu » par l’autorité compétente. Un propriétaire ne peut donc utilement soutenir qu’un classement en zone urbaine serait plus justifié par la localisation ou la configuration de ses terres. Le choix de destiner un secteur à l’activité économique plutôt qu’à l’habitat relève du pouvoir discrétionnaire de la puissance publique dans la conduite de sa politique foncière. Cette retenue juridictionnelle garantit que la définition de l’intérêt général reste la mission première des instances démocratiquement élues au sein de la métropole.
B. L’indifférence des irrégularités formelles et des classements antérieurs sur la validité de la délibération
La solution rendue confirme également que le droit à l’urbanisme n’offre aucune garantie de maintien des droits acquis ou des classements passés. Le fait qu’une parcelle ait été constructible sous l’empire d’un document précédent ne fait pas obstacle à son reclassement ultérieur en zone d’urbanisation future. Le juge souligne qu’une telle modification ne constitue pas en soi une erreur manifeste d’appréciation même si elle contrarie les espérances de réalisation d’un programme immobilier. Par ailleurs, la Cour administrative d’appel de Marseille écarte les critiques relatives au formalisme de la délibération en précisant que l’absence de délégation de signature pour la certification conforme est sans incidence. La régularité de la procédure d’enquête publique est également préservée car la commission n’est pas tenue de répondre spécifiquement à chaque observation déposée par le public. L’arrêt consacre ainsi la solidité juridique du plan local d’urbanisme face aux contestations portant sur des aspects purement formels ou sur la préservation de situations individuelles.