Cour d’appel administrative de Marseille, le 18 septembre 2025, n°23MA03091

La cour administrative d’appel de Marseille a rendu, le 18 septembre 2025, une décision précisant le régime de l’abandon de terrains au profit d’une commune.

Un syndicat de copropriété a déclaré délaisser trois parcelles non bâties pour bénéficier de l’exonération fiscale prévue par le code général des impôts.

Le tribunal administratif de Nice a d’abord annulé le refus de la collectivité d’acter ce transfert de propriété avant d’ordonner l’exécution des formalités.

La collectivité a alors interjeté appel en soutenant que les terrains comprenaient des aménagements de soutènement les excluant de la catégorie des terres vaines.

La question posée est de savoir si des parcelles comportant des ouvrages techniques nécessaires à un ensemble résidentiel peuvent faire l’objet d’un abandon perpétuel.

La juridiction annule le premier jugement car l’existence de structures en béton interdit de qualifier ces sols de terres vaines au sens de la loi.

Le juge administratif confronte la nature géologique des parcelles à leur utilité fonctionnelle pour déterminer la légalité de l’abandon au profit de la collectivité.

**I. La délimitation stricte du champ d’application de l’abandon de propriété**

La mise en œuvre de cette faculté de renonciation exige de respecter le cadre textuel strict tout en comprenant le caractère définitif de l’acte.

**A. L’interprétation textuelle des catégories de terrains éligibles**

L’article 1401 du code général des impôts vise les « terres vaines et vagues, les landes et bruyères et les terrains habituellement inondés ou dévastés par les eaux ». Ce texte permet aux contribuables de s’affranchir de l’imposition foncière en renonçant à la propriété de ces espaces au profit de la commune.

Cette énumération légale impose une lecture étroite excluant tout terrain dont la destination originelle aurait été modifiée par une intervention humaine ou économique. Ainsi, le juge vérifie que la parcelle ne comporte aucun aménagement spécifique susceptible de la rendre propre à un usage agricole ou industriel.

**B. L’automaticité du transfert de propriété au profit de la commune**

Pour les biens éligibles, le transfert de propriété s’opère unilatéralement sans que l’autorité municipale ne puisse subordonner l’abandon à une condition d’acceptation préalable. La volonté du propriétaire suffit à déclencher la mutation dès lors que les parcelles entrent matériellement dans le champ d’application de la loi.

L’absence d’opposition de la commune rend cette renonciation définitive dès que le propriétaire a accompli les formalités de déclaration prescrites par le texte législatif. Toutefois, ce mécanisme automatique suppose l’absence totale d’ouvrages artificiels servant de support technique aux constructions résidentielles environnantes afin de rester valable.

**II. L’exclusion fonctionnelle des parcelles aménagées du dispositif d’affranchissement**

L’usage technique des terrains au sein d’une zone habitée interdit d’y voir des terres vaines et vagues afin de préserver l’équilibre des charges communales.

**A. La persistance d’un aménagement lié à une fin d’habitation**

Le juge relève que les parcelles litigieuses présentent des « ouvrages en béton ou en pierre destinés à soutenir le talus » d’un immeuble voisin. Ces infrastructures techniques, incluant des voies de circulation, démontrent que le terrain n’est pas dépourvu d’aménagement de nature à servir l’habitation.

Ainsi, la présence de dispositifs de confortement constitue une amélioration matérielle incompatible avec la qualification de terre vaine telle que définie par la jurisprudence administrative. Le terrain demeure rattaché fonctionnellement à l’ensemble immobilier dont il assure la stabilité physique et la desserte par des voies carrossables.

**B. La protection des deniers publics contre les abandons frauduleux**

La cour refuse d’autoriser un transfert de charge financière vers le budget public lorsque les terrains conservent une utilité directe pour la copropriété privée. La collectivité ne saurait être contrainte d’assumer la responsabilité de parcelles dont l’usage premier reste lié à la jouissance d’un ensemble résidentiel.

Cette solution empêche le détournement de la loi fiscale par des propriétaires cherchant à se délester de l’entretien de structures liées à leur patrimoine immobilier. L’abandon de propriété ne doit pas devenir un instrument de décharge de responsabilités civiles ou techniques incombant normalement aux détenteurs du bien.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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