Par un arrêt rendu le 6 mars 2025, la Cour administrative d’appel de Douai apporte des précisions sur la répartition des compétences en matière d’assistance internationale.
Un contribuable a fait l’objet d’un examen de sa situation fiscale personnelle portant sur plusieurs années civiles au titre de l’impôt sur le revenu. L’administration a notifié des propositions de rectification sans toutefois émettre immédiatement des titres exécutoires pour le paiement des sommes dont elle estimait être créancière. Le 18 mars 2022, les autorités françaises ont sollicité l’assistance d’un autre État membre de l’Union européenne pour pratiquer des mesures conservatoires à l’étranger. Cette demande visait à obtenir la saisie de biens immobiliers et de comptes bancaires afin de garantir le recouvrement futur de la créance fiscale envisagée.
Le redevable a formé une opposition contre cet acte puis a saisi le Tribunal administratif d’Amiens d’une demande tendant à l’annulation des poursuites engagées. Par une ordonnance du 29 janvier 2024, le premier juge a rejeté cette demande comme manifestement irrecevable en raison du caractère non détachable de l’acte. Le requérant a alors interjeté appel de cette décision en soutenant que la contestation des saisies conservatoires relevait bien de la compétence du juge administratif. L’administration n’a pas produit de mémoire en défense durant l’instance d’appel mais la cour a soulevé d’office un moyen d’ordre public d’incompétence.
Le requérant demandait à la cour d’annuler l’ordonnance attaquée et de prononcer la nullité des poursuites exercées par la direction des créances spéciales de l’administration. Il soutenait notamment que l’administration avait faussement indiqué l’existence d’un titre exécutoire et omis de joindre les documents obligatoires certifiant la régularité des conditions. Le contribuable affirmait également que l’absence d’avis de mise en recouvrement faisait obstacle à toute mesure conservatoire, y compris dans le cadre d’une assistance mutuelle.
La question posée est de savoir si la juridiction administrative est compétente pour connaître d’une demande d’assistance internationale visant à prendre des mesures conservatoires prématurées.
La Cour administrative d’appel de Douai juge que de telles contestations relèvent exclusivement du juge judiciaire tant que la créance fiscale n’est pas mise en recouvrement. Elle annule donc l’ordonnance de première instance pour incompétence et rejette la demande du contribuable en invitant celui-ci à se pourvoir devant le juge judiciaire.
L’analyse de cette solution impose d’examiner la délimitation négative de la compétence administrative avant d’étudier l’attribution de la connaissance des mesures conservatoires au juge judiciaire.
I. La délimitation négative de la compétence administrative par l’absence de titre exécutoire
A. Le caractère limitatif des critères de compétence du juge de l’impôt
Le code des procédures fiscales restreint la compétence du juge administratif aux contestations portant sur l’obligation au paiement, l’exigibilité ou le montant de la dette. La cour rappelle ainsi que « le juge judiciaire de l’exécution est compétent pour tout ce qui ne relève pas du juge de l’impôt » de manière résiduelle. Cette répartition classique protège le juge administratif d’une saturation par des litiges portant sur la seule exécution forcée ou sur la conservation des créances. Dès lors, l’absence d’un titre de perception définitif empêche de caractériser un litige portant sur l’existence même de l’obligation fiscale au sens du texte.
B. L’inapplicabilité du contentieux de l’assistance internationale au stade préliminaire
Les dispositions relatives à l’assistance internationale ne dérogent pas aux principes généraux de répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction en France. La cour précise qu’un tel litige « ne relève pas du juge administratif lorsque la créance fiscale en cause n’a pas encore été mise en recouvrement ». Cette précision est fondamentale car elle refuse d’étendre la compétence du juge de l’impôt à des actes de pure précaution administrative internationale. Le juge administratif demeure un juge d’attribution dont le périmètre d’intervention est strictement lié à l’existence d’une créance fiscale officiellement rendue exécutoire.
II. L’attribution de la connaissance des mesures conservatoires internationales au juge judiciaire
A. La qualification des demandes d’assistance comme simples modalités de poursuites
L’acte par lequel l’administration sollicite la collaboration d’un État étranger ne constitue pas un acte d’assiette mais une modalité technique de poursuite à titre conservatoire. Les juges soulignent que le litige « concerne les seules modalités des poursuites que l’administration a entendu mettre en œuvre » en raison de menaces sur le recouvrement. Le caractère international de la mesure ne modifie pas sa nature juridique profonde qui reste celle d’une sûreté de droit commun pour l’administration. En l’absence de mise à la charge d’impositions supplémentaires, la discussion porte sur la validité formelle et l’opportunité d’une garantie et non sur l’impôt.
B. La cohérence du contrôle juridictionnel des sûretés sur les créances non exigibles
En attribuant la compétence au juge judiciaire, la cour assure une unité de contrôle pour toutes les mesures conservatoires prises avant la naissance du titre. La juridiction administrative relève que le litige ne porte ni sur l’exigibilité ni sur la quotité de la dette fiscale car celle-ci est embryonnaire. Cette solution évite ainsi un morcellement du contentieux où le juge administratif devrait se prononcer sur des actes de procédure civile avant toute décision fiscale. Le juge de l’exécution apparaît alors comme le protecteur naturel du patrimoine du contribuable face à des saisies opérées sans titre exécutoire préalable.