Conseil constitutionnel, Décision n° 84-172 DC du 26 juillet 1984

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 9 juillet 1984, une décision majeure relative à la loi encadrant le contrôle des structures des exploitations agricoles. Cette réforme visait à moderniser le statut du fermage et à réglementer les conditions d’installation ou d’agrandissement des surfaces cultivables sur le territoire national. Les auteurs de la saisine soutenaient que plusieurs dispositions portaient atteinte au droit de propriété, au principe d’égalité ainsi qu’au secret de la vie privée. La procédure législative était également critiquée au motif qu’un amendement parlementaire aurait irrégulièrement réintroduit une disposition précédemment retirée par le Gouvernement lors des débats. Le juge constitutionnel devait déterminer si les limitations imposées aux exploitants dénaturaient la substance du droit de propriété protégé par la Déclaration des droits de l’homme. Le Conseil constitutionnel a déclaré la loi conforme à la Constitution en estimant que les restrictions prévues n’atteignaient pas un degré de gravité excessif.

I. La conciliation entre le droit de propriété et les impératifs de la politique agricole

A. La légitimité du contrôle des structures d’exploitation

L’article 2 de la loi étend le régime de l’autorisation préalable au faire valoir direct pour prévenir la réduction excessive des surfaces minimales d’installation. Cette mesure assure un contrôle efficace de l’exploitation des biens ruraux sans pour autant dépouiller le propriétaire de son droit fondamental de disposer. Le Conseil précise que le contrôle des structures agricoles concerne le régime de l’exploitation mais peut entraîner des limitations indirectes à l’exercice du droit de propriété. Ces contraintes visent à garantir une répartition équilibrée des terres entre les agriculteurs afin de favoriser la viabilité économique des petites et moyennes exploitations. Le législateur dispose ainsi d’une compétence étendue pour réglementer l’usage du sol sans méconnaître la protection constitutionnelle accordée aux biens meubles et immeubles.

B. La mesure de l’atteinte portée aux prérogatives du propriétaire

La valeur de cette solution réside dans l’appréciation portée par le juge sur la portée de l’atteinte au droit de propriété des bailleurs. Le Conseil constitutionnel juge que les restrictions « n’ont pas un caractère de gravité telle que l’atteinte au droit de propriété dénature le sens et la portée de celui-ci ». Cette formulation permet de valider des mécanismes contraignants dès lors qu’ils ne vident pas le droit de propriété de son contenu essentiel. Le propriétaire demeure libre de choisir son fermier ou de régulariser sa situation durant l’année culturale suivant une mise en demeure administrative. L’intervention du tribunal paritaire des baux ruraux garantit d’ailleurs le respect des droits de la défense avant toute attribution forcée de l’autorisation d’exploiter.

II. La régularité des procédures et la mise en œuvre des réformes sociales

A. La protection des droits parlementaires et de la vie privée

S’agissant de la procédure, le Conseil rappelle que le retrait d’une disposition par le Gouvernement n’empêche jamais l’exercice ultérieur du droit d’amendement parlementaire. L’article 44 de la Constitution protège cette faculté fondamentale des membres des deux chambres durant toutes les phases de la discussion d’un texte législatif. La décision souligne également que les dispositions des règlements des assemblées n’ont pas valeur constitutionnelle et ne peuvent servir de fondement à une invalidation. Quant à la transmission des fichiers sociaux, elle est validée car strictement limitée aux renseignements nécessaires et soumise à l’avis de la commission compétente. Ces garanties procédurales protègent les libertés publiques contre des investigations administratives excessives tout en permettant une mise en œuvre efficace de la politique agricole.

B. La stabilité du régime contractuel des baux ruraux

L’article 25 de la loi prévoit la conversion de plein droit du métayage en fermage pour les exploitants installés depuis plus de huit années. Le Conseil rejette le grief d’inconstitutionnalité en précisant que les modalités de cette conversion s’effectueront par voie d’accord amiable ou par recours judiciaire. Cette décision consacre la faculté pour le législateur de « fixer les conditions de mise en vigueur des règles qu’il édicte » en matière de contrats. Le juge valide ainsi des mesures transitoires qui s’imposent aux conventions en cours pour assurer l’unité du statut social des travailleurs de la terre. Elle renforce la stabilité des baux ruraux tout en préservant les voies de recours juridictionnelles pour les propriétaires subissant une évolution de leur régime contractuel.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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