Par sa décision n° 2017-758 DC du 28 décembre 2017, le Conseil constitutionnel se prononce sur la conformité à la Constitution de la loi de finances pour l’année 2018. Plusieurs membres du Parlement contestent la sincérité du budget et la validité de réformes fiscales touchant l’imposition des ménages et des patrimoines immobiliers. Les requérants dénoncent notamment une rupture d’égalité devant les charges publiques concernant le dégrèvement progressif de la taxe d’habitation pour une majorité de contribuables. Ils invoquent parallèlement une atteinte grave à l’autonomie financière des collectivités territoriales par la modification des ressources fiscales locales affectées aux communes et à leurs groupements. La question centrale repose sur la faculté du législateur à restructurer la fiscalité locale sans porter une atteinte disproportionnée aux principes de libre administration. Le Conseil constitutionnel valide l’essentiel du texte législatif mais censure des dispositions créant des différences de traitement injustifiées entre certaines catégories de collectivités territoriales françaises.
I. La conciliation de la réforme fiscale avec les principes d’égalité
A. La validation du dégrèvement de la taxe d’habitation par le revenu
Le Conseil constitutionnel examine d’abord la mise en place d’un dégrèvement de taxe d’habitation visant à dispenser progressivement une large partie de la population de cet impôt. Les juges soulignent que le législateur a entendu diminuer l’imposition locale en se fondant sur un plafond de ressources modulé selon la composition du foyer. En retenant ce critère, les sages estiment que « le législateur s’est fondé… sur un critère objectif et rationnel, en rapport avec l’objet de la loi ». Cette approche permet de tenir compte des facultés contributives réelles des citoyens tout en poursuivant un objectif d’intérêt général lié au pouvoir d’achat. Le Conseil précise que le choix des modalités de calcul ne présente pas de caractère manifestement inapproprié au regard de l’objectif de réduction globale de la charge fiscale. Il écarte ainsi le grief de rupture d’égalité devant les charges publiques, jugeant que les disparités subsistantes ne constituent pas une violation des principes constitutionnels.
B. La censure de l’aménagement dérogatoire de la fiscalité économique locale
La décision sanctionne cependant une disposition relative à la répartition de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises entre deux collectivités territoriales spécifiques. Le législateur souhaitait annuler un transfert de ressources fiscales pour corriger une situation qu’il qualifiait alors d’anomalie au regard des compétences exercées par ces entités. Le Conseil constitutionnel juge au contraire que « le législateur ne s’est pas fondé sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec le but qu’il s’est proposé ». L’exclusion d’une seule région du bénéfice de recettes fiscales dynamiques crée une différence de traitement injustifiée par rapport aux autres collectivités situées dans une situation comparable. Cette rupture d’égalité devant la loi entraîne la censure immédiate de l’article litigieux, rétablissant ainsi l’application du droit commun sur l’ensemble du territoire national. L’uniformité des règles de répartition fiscale demeure une garantie essentielle contre l’arbitraire législatif touchant les équilibres budgétaires des administrations locales.
II. La protection de l’autonomie locale et du domaine budgétaire
A. Le maintien de la libre disposition des ressources fiscales communales
Le Conseil constitutionnel rejette les critiques relatives à l’atteinte à l’autonomie financière des communes provoquée par la prise en charge étatique de la taxe d’habitation. Les juges observent que le mécanisme du dégrèvement n’affecte pas l’assiette de l’impôt et préserve le lien fiscal entre la collectivité et le contribuable local. La juridiction affirme avec clarté que « la taxe d’habitation continue de constituer une ressource propre des communes au sens de l’article 72-2 de la Constitution ». Cette solution repose sur le constat que les communes conservent la liberté de fixer les taux d’imposition, même si l’État compense les baisses décidées nationalement. La décision souligne également que l’autonomie financière est protégée par un seuil minimal de ressources propres que la loi de finances doit impérativement respecter chaque année. Les juges constitutionnels s’assurent ainsi que le transfert de charges fiscales vers le budget de l’État ne transforme pas les impôts locaux en simples dotations budgétaires.
B. Le contrôle strict de la structure organique de la loi de finances
La décision du 28 décembre 2017 réaffirme enfin la rigueur nécessaire dans la définition du contenu des lois de finances conformément à la loi organique relative aux finances publiques. Le Conseil constitutionnel censure d’office plusieurs articles qu’il qualifie de cavaliers budgétaires car ils ne concernent ni les ressources ni les charges prévisibles de l’État. Ces dispositions, traitant de rapports divers ou de modifications du code des assurances, n’ont pas leur place dans un texte dont l’objet est strictement financier. La juridiction rappelle que « seuls peuvent être prévus par une loi de finances… des rapports susceptibles d’améliorer l’information et le contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques ». Cette surveillance étroite garantit la clarté des débats parlementaires et empêche l’insertion de mesures législatives étrangères au domaine budgétaire dans une procédure de vote accélérée. Le respect de ce périmètre organique assure la protection de l’ordre juridique contre une dispersion des normes préjudiciable à la lisibilité du droit positif.