Le Conseil constitutionnel, par sa décision du 28 décembre 2011, numéro deux mille onze six cent quarante-quatre DC, examine la loi de finances rectificative. Le Parlement a adopté ce texte prévoyant notamment une hausse de la taxe sur la valeur ajoutée et diverses réformes de droit commercial. Plusieurs membres du Parlement ont saisi le juge constitutionnel pour contester la présence de dispositions non budgétaires au sein de cette loi annuelle. Les requérants critiquent également la nouvelle définition fiscale des ventes alimentaires, estimant que les termes employés demeurent trop flous pour être applicables. Ils soutiennent que la hausse tarifaire frappe arbitrairement certains modes de distribution, créant ainsi une rupture d’égalité devant les charges publiques communes. Le juge doit décider si des mesures de gestion des sociétés peuvent figurer dans un texte financier et si la fiscalité peut varier selon le conditionnement. Le Conseil censure les articles étrangers aux finances de l’État mais valide la distinction fondée sur la consommation immédiate des produits vendus. L’étude de cette décision nécessite d’analyser la protection de la procédure législative avant d’aborder la validité constitutionnelle des nouvelles modalités de taxation.
I. La préservation de l’intégrité de la procédure législative et budgétaire
A. L’exclusion des dispositions étrangères au domaine organique des lois de finances
Le juge rappelle que le domaine des lois de finances est strictement délimité par l’article premier de la loi organique du premier août deux mille un. En l’espèce, l’article vingt-trois permettait aux sociétés non cotées de racheter leurs propres actions sans incidence directe sur les ressources ou les charges étatiques. Le Conseil estime que ces dispositions sont « étrangères au domaine des lois de finances » et ne respectent pas les exigences de la loi organique. Cette sanction garantit que le législateur ne détourne pas le véhicule budgétaire pour adopter des réformes structurelles sans lien avec les finances publiques.
B. La sanction des irrégularités procédurales liées aux amendements tardifs
Le Conseil constitutionnel sanctionne également les adjonctions d’articles intervenues tardivement dans le débat parlementaire sans rapport avec les dispositions initiales restant en discussion. L’article soixante-huit relatif aux droits d’accise sur les alcools a été introduit en nouvelle lecture sans respecter les règles de procédure parlementaire classiques. Ces adjonctions n’étaient pas destinées à « assurer le respect de la Constitution » ou à corriger une erreur matérielle évidente commise par le législateur. La décision réaffirme la nécessité d’un lien direct entre les amendements et le texte pour assurer la clarté et la sincérité des débats démocratiques.
II. La validation d’une réforme fiscale fondée sur l’intelligibilité et l’égalité
A. La reconnaissance de la clarté de la notion de consommation immédiate
Une fois l’intégrité de la procédure assurée, le juge se prononce sur la conformité substantielle des dispositions relatives à la fiscalité indirecte et à l’intelligibilité. L’article treize crée une catégorie fiscale pour les « ventes à emporter ou à livrer de produits alimentaires préparés en vue d’une consommation immédiate ». Le juge considère que cette définition satisfait l’exigence constitutionnelle de clarté car elle repose sur des caractéristiques matérielles précises et identifiables. L’expression désigne les produits dont « la nature, le conditionnement ou la présentation induisent leur consommation dès l’achat » par le consommateur final. La précision de ces termes permet d’écarter le grief d’inintelligibilité et de sécuriser l’application du nouveau taux par les opérateurs économiques concernés.
B. Le respect du principe d’égalité devant les charges publiques dans la modulation fiscale
Le législateur peut traiter différemment des produits alimentaires en se fondant sur des « critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose ». La distinction entre la vente à emporter pour consommation immédiate et les autres achats alimentaires ne constitue pas une rupture d’égalité caractérisée. Cette modulation fiscale repose sur une différence de situation réelle entre les modes de restauration, justifiant ainsi l’application d’un taux supérieur de taxation. Le Conseil constitutionnel valide l’article treize en soulignant que le principe d’égalité n’oblige pas à une uniformité absolue devant l’impôt sur la consommation.