La décision rendue par le Conseil d’État le 15 janvier 2025 précise les conditions de recevabilité des réclamations contentieuses relatives à la taxe foncière sur les propriétés bâties.
Un contribuable a sollicité la réduction de cotisations foncières établies au titre des années 2010 à 2013 auprès de l’administration fiscale dans le ressort d’une collectivité locale.
Le tribunal administratif de Melun a rejeté cette demande par un jugement rendu le 21 janvier 2016 après l’examen des conclusions présentées par la société requérante.
La cour administrative d’appel de Paris a rejeté l’appel formé contre ce jugement par un arrêt du 28 juin 2018 avant une première cassation partielle.
Après un renvoi, la cour administrative d’appel de Paris a prononcé une décharge partielle mais a maintenu l’irrecevabilité de la contestation visant l’imposition primitive de 2010.
La requérante soutient que le délai spécial de réclamation ouvert en cas de procédure de reprise devrait permettre de contester l’imposition initiale au-delà du délai ordinaire.
Le juge doit déterminer si l’engagement d’une procédure de reprise en matière de taxe foncière proroge effectivement le délai de contestation d’une imposition primitive déjà recouvrée.
La haute juridiction rejette le pourvoi en confirmant que le droit spécial ne peut s’exercer que jusqu’à l’expiration du délai de reprise ouvert à l’administration.
L’analyse portera sur l’encadrement strict du délai de reprise fiscale avant d’étudier les conséquences de cette limite sur le droit de réclamation du contribuable concerné.
I. L’alignement temporel des délais de reprise et de réclamation en matière foncière
A. La délimitation légale du droit de reprise de l’administration
L’article L. 173 du livre des procédures fiscales limite l’exercice du droit de reprise de l’administration à la fin de l’année suivant l’imposition due.
Le code général des impôts prévoit que les rôles supplémentaires de taxes foncières doivent être mis en recouvrement au plus tard le 31 décembre de cette année.
Le Conseil d’État souligne que « le droit de reprise dont dispose l’administration fiscale en matière de taxes foncières ne peut s’exercer que jusqu’au 31 décembre ».
Cette règle garantit une sécurité juridique au propriétaire en bornant temporellement la faculté pour la puissance publique de corriger d’éventuelles omissions ou insuffisances déclaratives constatées.
B. La corrélation avec le délai spécial ouvert au redevable
L’article R. 196-3 du livre des procédures fiscales accorde au redevable un délai spécial de réclamation lorsqu’il fait l’objet d’une procédure de reprise ou de rectification.
Ce texte dispose que le contribuable bénéficie d’une période dont « l’expiration coïncide avec celle du délai de reprise restant ouvert à l’administration elle-même » pour agir.
Le bénéfice de cette disposition permet de contester « non seulement l’imposition supplémentaire mais également l’imposition primitive » auxquelles le sujet fiscal a été préalablement assujetti.
La synchronisation des délais assure un équilibre entre les prérogatives de l’administration fiscale et les droits de la défense durant la phase de contrôle ou de redressement.
II. L’extinction définitive de la faculté de contester l’imposition primitive
A. L’unification des délais de droit commun et de droit spécial
L’imposition primitive est normalement contestable jusqu’au 31 décembre de l’année suivant sa mise en recouvrement selon les dispositions générales de l’article R. 196-2 du livre précité.
Le Conseil d’État affirme que le délai spécial ne peut s’exercer au-delà de la date de mise en recouvrement des rôles supplémentaires fixée par la loi fiscale.
Il en résulte que le contribuable ne peut contester une taxe foncière « que jusqu’au 31 décembre de l’année suivante » en vertu du délai de droit commun.
L’unification de ces deux délais en matière foncière restreint considérablement l’usage du délai spécial par rapport à d’autres impositions directes aux règles de prescription distinctes.
B. La sanction de l’irrecevabilité pour tardivité de la réclamation
La cour administrative d’appel de Paris du 13 juillet 2022 a jugé irrecevable la réclamation présentée le 27 juillet 2012 pour l’imposition primitive de l’année 2010.
Le complément d’imposition mis en recouvrement en 2011 ouvrait un droit de reprise expirant le 31 décembre 2011 conformément aux règles de computation exposées par la juridiction.
La réclamation était « tardive en tant qu’elle était relative à la cotisation primitive » puisque le délai de reprise administratif était déjà forclos à la date du dépôt.
Le Conseil d’État valide ce raisonnement en rejetant le pourvoi car aucun moyen n’était de nature à entraîner l’annulation de l’arrêt attaqué par la société requérante.