6ème – 5ème chambres réunies du Conseil d’État, le 18 juillet 2025, n°493887

La décision rendue par le Conseil d’État le 18 juillet 2025 s’inscrit dans la mise en œuvre de la législation contre l’engrillagement des espaces naturels. Plusieurs propriétaires fonciers ont sollicité l’annulation d’un arrêté ministériel fixant les modalités des déclarations préalables obligatoires lors de l’effacement des clôtures étanches. Les requérants contestaient tant la compétence des ministres pour édicter ces normes que la conformité de ces dernières aux droits fondamentaux de propriété. La haute juridiction administrative a dû déterminer si le pouvoir réglementaire pouvait légalement conditionner la suppression des clôtures à des mesures de régulation du gibier. L’arrêt rejette l’essentiel des moyens de légalité interne mais censure les dispositions imposant des quotas de prélèvement d’animaux avant tout effacement.

I. L’encadrement légitime du régime déclaratif attaché aux clôtures

L’administration peut valablement définir les modalités de déclaration préalable pour la modification des clôtures forestières afin de prévenir des risques sanitaires ou écologiques. Le juge administratif valide l’extension de cette procédure aux simples mises en conformité technique qui font perdre à la clôture son caractère initial d’étanchéité.

A. Une définition extensive de la notion d’effacement matériel

Les requérants soutenaient que le ministre avait excédé ses compétences en soumettant la mise en conformité des clôtures à une déclaration non prévue par la loi. Le Conseil d’État écarte ce grief en précisant que l’effacement doit être entendu comme la « disparition totale » ou la « mise en conformité au regard des prescriptions ». Cette interprétation finaliste permet de garantir que toute modification structurelle libérant des animaux sauvages soit portée à la connaissance de l’autorité préfectorale compétente. La haute assemblée assure ainsi la cohérence du dispositif de surveillance sanitaire voulu par le législateur lors de l’ouverture d’espaces auparavant clos.

B. La préservation de la conformité constitutionnelle et conventionnelle

Le juge écarte les moyens tirés de l’atteinte disproportionnée au droit de propriété en soulignant le caractère simplement déclaratif de la mesure contestée. L’obligation de déclaration n’emporte pas de privation de propriété mais constitue une simple réglementation de l’usage des biens conforme à un objectif d’intérêt général. La décision rejette également le grief de discrimination entre propriétaires selon la date d’édification de leurs clôtures car ces derniers ne sont pas en situation analogue. L’arrêté respecte donc les exigences du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

II. La sanction d’une immixtion réglementaire dans la gestion du gibier

Le Conseil d’État prononce l’annulation partielle de l’arrêté en raison de l’incompétence du pouvoir réglementaire pour édicter des règles de chasse spécifiques lors de l’effacement. Le ministre ne pouvait pas imposer des seuils de densité de population animale sans une habilitation législative explicite et précise dans ce domaine réservé.

A. Le constat d’une incompétence ratione materiae du pouvoir réglementaire

L’article 4 de l’arrêté fixait des seuils de densité pour les sangliers ou les cerfs et imposait des actions de régulation préalable à l’effacement. Le Conseil d’État relève que la loi « n’a pas pour objet d’autoriser le pouvoir réglementaire à fixer des règles relatives à la régulation » des espèces. Les ministres ont ainsi méconnu l’étendue de leur compétence en créant un régime de destruction dérogatoire au droit commun de la chasse nationale. Cette intrusion dans la gestion cynégétique constitue un vice de légalité externe justifiant la censure des dispositions impératives relatives aux prélèvements obligatoires d’animaux.

B. La portée de l’annulation des dispositions relatives à la régulation

L’annulation de l’article 4 entraîne par voie de conséquence celle du second alinéa de l’article 1er et d’une partie de l’article 3. Ces dispositions formaient un ensemble indivisible visant à contraindre les propriétaires à abaisser la densité de gibier avant de supprimer leurs barrières physiques. Le juge administratif limite ainsi le pouvoir de l’administration à la seule réception d’informations sans possibilité d’imposer des modalités techniques de destruction du grand gibier. Les propriétaires conservent donc la liberté de supprimer leurs clôtures sans subir de contraintes de régulation autres que celles prévues par le schéma départemental de gestion cynégétique.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

Laisser un commentaire

En savoir plus sur Avocats en droit immobilier et droit des affaires - Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture