Par un arrêt rendu le 19 septembre 2025, le Conseil d’État précise l’étendue du contrôle exercé par la Commission nationale d’aménagement commercial sur les demandes de régularisation. Une société exploitant plusieurs surfaces de vente dans une zone d’activités bretonne souhaitait regrouper ses activités au sein d’une seule unité commerciale. Après un premier refus définitif, la pétitionnaire a déposé une nouvelle demande simplifiée directement auprès de l’instance nationale pour tenir compte des motifs de rejet. La commission a cependant opposé un second refus fondé sur des critères d’aménagement du territoire et de développement durable non mentionnés lors de la première instance. La cour administrative d’appel de Nantes ayant confirmé cette décision, la requérante s’est alors pourvue en cassation devant la haute juridiction administrative. Le litige interroge la possibilité pour l’administration de soulever de nouveaux motifs de fond lors d’un second examen et l’application des exigences environnementales aux bâtiments existants. Le Conseil d’État rejette le pourvoi en affirmant la plénitude du contrôle de la commission et la portée transversale des critères de développement durable.
I. L’exercice d’un contrôle administratif exhaustif lors des procédures de régularisation
A. Le maintien de l’intégralité des pouvoirs d’examen de la commission nationale
Le Conseil d’État souligne que la procédure de saisine directe prévue à l’article L. 752-21 du code de commerce ne limite pas les prérogatives de l’administration. Bien que la nouvelle demande vise à corriger des lacunes identifiées, la commission nationale doit vérifier le respect de l’ensemble des exigences du code. La haute juridiction précise qu’une telle saisine « ne saurait faire obstacle à ce que celle-ci procède au contrôle qui lui incombe », incluant des motifs inédits. Cette solution protège l’intérêt général en évitant qu’une régularisation partielle ne dissimule des incompatibilités majeures avec les objectifs d’aménagement commercial. L’autorité administrative conserve donc son entière liberté d’appréciation lors de ce second examen sans être liée par ses constatations antérieures.
B. L’autonomie de la motivation administrative au regard des critères législatifs
La décision confirme que l’obligation de motivation n’impose pas une réponse systématique et détaillée à chaque critère fixé par la loi. La commission nationale doit certes justifier son refus, mais elle n’est pas tenue de prendre « explicitement parti sur le respect » de chaque objectif d’appréciation. Cette souplesse permet aux juges du fond d’évaluer la cohérence globale du projet sans s’enfermer dans un formalisme excessif lors de la rédaction. Le Conseil d’État valide ainsi la méthode de la cour administrative d’appel qui avait écarté les griefs relatifs à une motivation prétendument incomplète. La validité de la décision administrative repose sur la pertinence des motifs retenus plutôt que sur l’exhaustivité formelle de l’acte.
II. La rigueur des impératifs d’aménagement du territoire et de développement durable
A. Une approche souple de la compatibilité avec les schémas de cohérence territoriale
Les juges rappellent que les autorisations commerciales doivent être compatibles avec les orientations générales des documents d’orientation et d’objectifs des schémas de cohérence territoriale. Le Conseil d’État distingue nettement la conformité stricte de la simple compatibilité, cette dernière laissant une marge d’appréciation aux autorités locales. Il appartient aux commissions « non de vérifier la conformité des projets », mais d’apprécier leur cohérence avec les objectifs d’implantation préférentielle définis par le schéma. En l’espèce, le projet a été jugé incompatible avec la volonté locale de préserver l’équilibre entre les commerces de centre-ville et les zones périphériques. Cette interprétation renforce l’efficacité des documents d’urbanisme sans pour autant leur conférer une rigidité réglementaire absolue.
B. L’assujettissement des structures existantes aux standards environnementaux contemporains
La solution la plus notable réside dans l’application des critères de développement durable aux bâtiments commerciaux déjà construits lors d’une demande d’extension. Le Conseil d’État affirme qu’il incombe aux commissions de s’assurer du respect des objectifs environnementaux par les « bâtiments existants du magasin » lors de tels projets. Cette exigence s’applique même si l’extension ne requiert aucune modification extérieure ou concerne uniquement un regroupement de surfaces sans création de mètres carrés. Les installations existantes, incluant les espaces de stationnement et les voies de circulation, doivent désormais satisfaire aux impératifs de performance énergétique et de perméabilisation. Cette jurisprudence impose une mise aux normes progressive du parc commercial ancien sous peine de voir toute velléité de restructuration ou d’extension rejetée.