Tribunal judiciaire de Thionville, le 16 juin 2025, n°20/01219

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Tribunal judiciaire de Thionville, ordonnance du 16 juin 2025. À l’occasion d’une vente de véhicule conclue entre particuliers en 2017, l’acquéreur apparent a découvert, en 2018, l’origine frauduleuse du bien et a signalé les faits. Une décision du parquet a entraîné la restitution du véhicule aux autorités étrangères. Des mesures conservatoires ont été pratiquées puis levées, avant qu’une action en nullité de la vente et restitution du prix ne soit engagée en 2021.

Devant le juge de la mise en état, le défendeur a opposé une fin de non‑recevoir visant deux demandeurs, au motif qu’ils n’avaient pas qualité à agir. Les demandeurs invoquaient la nullité de la vente de la chose d’autrui sur le fondement de l’article 1599 du code civil et sollicitaient la restitution du prix. La difficulté tenait à l’identification de la partie protégée par la nullité relative, en présence d’une immatriculation au nom d’une personne et d’un financement assuré par une autre, en l’absence d’écrit.

La question était donc de savoir qui, de l’immatriculé ou du financeur, détient la qualité d’acquéreur lui conférant seule la faculté d’invoquer la nullité relative prévue par l’article 1599, au regard de l’article 1181. La juridiction répond qu’« il est jugé que la nullité résultant de la vente de la chose d’autrui, prévue par l’article 1599 du code civil, ne tend qu’à protéger l’acquéreur, qui a donc seul qualité pour l’invoquer », et en déduit, après examen des preuves, que l’un des demandeurs est irrecevable tandis qu’un autre est recevable. Elle précise, enfin, que « l’équité commande de ne pas prononcer de condamnation en application de l’article 700 du code de procédure civile » et que « chacune des parties conservera la charge de ses dépens de l’incident ».

I. La qualité à agir au regard de l’article 1599 du code civil

A. Le rappel du régime de la nullité relative protectrice de l’acquéreur
La juridiction situe correctement le cadre juridique en rappelant la nature relative de la nullité encourue pour vente de la chose d’autrui. Elle cite la formule selon laquelle « la nullité résultant de la vente de la chose d’autrui […] ne tend qu’à protéger l’acquéreur ». Cette affirmation consonne avec l’article 1181, qui réserve l’action à la partie protégée. Elle est conforme, en outre, à la jurisprudence constante de la troisième chambre civile, laquelle a consacré l’exclusivité de cette qualité pour agir.

L’articulation avec l’article 122 du code de procédure civile est également opportune. La fin de non‑recevoir tirée du défaut de qualité est la voie processuelle adaptée pour écarter une demande avant examen au fond. La juridiction rappelle le texte et l’applique strictement, sans s’engager sur le mérite de la nullité alléguée. L’économie du contentieux en incident de mise en état se trouve ainsi respectée.

B. L’identification concrète de l’acquéreur entre immatriculation et financement
Le cœur du litige portait sur la détermination de l’acquéreur en l’absence d’écrit probant. La juridiction écarte un “reçu” dont la signature est discordante, retient l’émission d’un chèque de banque par un demandeur et constate l’immatriculation au nom d’un autre. Elle opère alors un choix de preuve simple et lisible, en rattachant la qualité d’acquéreur à l’élément financier décisif.

Cette solution présente une cohérence avec la finalité protectrice de la nullité. L’acquéreur est celui qui supporte la charge économique de l’opération, non celui qui figure au certificat d’immatriculation. La motivation, qui souligne que l’immatriculation n’emporte pas nécessairement propriété, s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle connue. Elle prévient les confusions récurrentes entre titre administratif et titre civil, et confère à la preuve du paiement une valeur structurante.

II. La cohérence procédurale et les effets pratiques de l’ordonnance

A. L’office du juge de la mise en état face à la fin de non‑recevoir
Le juge de la mise en état statue utilement sur la recevabilité avant tout débat au fond. Il tranche l’incident en retenant pour l’un des demandeurs l’irrecevabilité, et pour l’autre la recevabilité, au terme d’un contrôle probatoire précis. L’ordonnance s’inscrit dans les prérogatives de l’article 789, en ce qu’elle neutralise les prétentions infondées et balise la suite de la mise en état.

Le raisonnement est méthodique. Il examine les pièces disponibles, apprécie leur force probante, puis rattache la qualité à agir à la situation juridique matérielle révélée par les flux financiers. L’économie du procès s’en trouve clarifiée, puisque seules les demandes de la partie effectivement protégée subsisteront pour le jugement au fond.

B. Les conséquences accessoires: dépens et frais irrépétibles
La juridiction retient une solution équilibrée au regard de l’issue partagée de l’incident. Elle énonce que « chacune des parties conservera la charge de ses dépens de l’incident », ce qui reflète la succombance partielle constatée. La motivation demeure concise et conforme aux principes directeurs de la procédure civile.

S’agissant des frais irrépétibles, l’ordonnance retient expressément que « l’équité commande de ne pas prononcer de condamnation en application de l’article 700 du code de procédure civile ». Cette appréciation, brève et suffisante, tient compte de la nature incidente du litige et de la discussion sérieuse soulevée par la qualité à agir. Elle évite d’alourdir le contentieux d’un accessoire financier mal justifié.

La portée de l’ordonnance dépasse l’incident. Elle rappelle que la nullité relative protège exclusivement l’acquéreur, et qu’en pratique, l’identification de cette qualité procède d’une analyse des preuves de paiement lorsque l’écrit fait défaut. Elle incite, pour l’avenir, à sécuriser les ventes entre particuliers par des écrits clairs et des modes de paiement traçables, afin de prévenir des débats probatoires coûteux et aléatoires.

Source : Cour de cassation – Base Open Data « Judilibre » & « Légifrance ».

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